Rechercher
Rechercher

À La Une - La situation - Insécurité

Ni les FSI ni l’armée ne veulent se laisser prendre au guêpier de Tripoli

Pas de stratégie à long terme, mais une tactique permanente : gagner du temps.

Béchara Raï accueillant Nagib Mikati à Bkerké. Photo Dalati et Nohra

Tous les politiques en conviendront : le calme frileux qui commence à peine à prévaloir à Tripoli ne semble pas devoir évoluer vers un règlement en profondeur de la crise qui oppose, depuis plusieurs mois déjà, les sunnites aux alaouites. La situation est devenue tellement compliquée dans la capitale du Nord qu’il est devenu quasiment impossible de frapper d’une main de fer, comme l’ont fait entendre plusieurs voix réclamant une intervention musclée des forces de l’ordre. La raison en est simple, confie une source gouvernementale : la tension confessionnelle est devenue telle qu’elle risque d’exploser à la figure de l’armée et de l’ensemble des forces de l’ordre qui interviendraient en cherchant à imposer un nouvel ordre sur le terrain. C’est ce qui explique en partie d’ailleurs que le prétendu accord sécuritaire de gré à gré, dont les médias se sont fait l’écho et qui consistait à envoyer les FSI à Bab el-Tebbaneh et l’armée à Jabal Mohsen pour des raisons d’affinités politico-confessionnelles, n’a pas eu lieu, les forces de l’ordre et l’institution militaire ayant rejeté d’emblée une solution qui ne ferait que saper un peu plus le prestige gravement entamé de l’État. Les deux forces ont fini par se déployer alternativement aux portes des deux quartiers qui s’affrontent, l’armée ayant eu à charge de se positionner sur les lignes de démarcation, alors que les FSI ont servi de renforts ponctuels avec une circulation plutôt timide de patrouilles dans les quartiers.


C’est cette formule atténuée qui aurait été finalement convenue, pour l’instant du moins, seule alternative viable afin de maintenir un semblant de calme, le temps de trouver mieux. Car il faut bien le reconnaître : les FSI, encore moins l’armée, ne semblent pas déterminées à faire le sale boulot, dans une situation où les protagonistes politiques s’acharnent à s’accuser mutuellement en rejetant la faute sur l’autre, avant d’appeler les forces de l’ordre aux secours après avoir mis le feu à la baraque, comme le confie une source sécuritaire.


Ainsi, en l’absence de stratégie bien définie, et face aux relents de plus en plus régionaux que prennent les affrontements à Tripoli, la seule tactique à suivre est celle de « gagner du temps » en faisant du rafistolage, confient des sources politiques et sécuritaires concordantes.


« La solution ne peut être que politique et non sécuritaire. D’ailleurs, elle n’a jamais été autre que politique », confie une source proche du Premier ministre, qui reste convaincue qu’il n’y a plus qu’à espérer que se décante la situation régionale en faveur d’un meilleur contexte politique qui, à l’ombre de la crise syrienne, semble tarder à venir et risque de se faire encore attendre.


D’ailleurs, les quelques solutions prises hier sur le terrain n’ont pas été très encourageantes pour le moral de l’armée notamment, qui a vu plusieurs membres de gangs armés relâchés, moins de 24 heures après leur arrestation. C’est ce qu’aurait tenté de dénoncer indirectement à plusieurs reprises le ministre de l’Intérieur, Marwan Charbel, en insistant sur l’inutilité de toute solution sécuritaire qui ne serait pas courageusement soutenue par des décisions politiques prises à très haut niveau.


Selon un haut responsable de sécurité, aucune décision politique sérieuse n’a été prise en faveur de la cessation de cette mini-guerre d’usure. Et pour cause, dit-il, ni les forces alaouites de Jabal Mohsen, qui restent en définitive une carte manipulable aux mains d’un régime syrien cherchant désespérément une soupape de sécurité externe, ni le camp du 14 Mars, qui mène campagne contre l’équipe en place et qui cherche en définitive à faire capoter par tous les moyens toute solution qui pourrait redorer le blason du gouvernement, n’ont intérêt en ce moment à calmer le jeu.

Le ras-le-bol de la société civile
Telle n’est pas en tout cas la version du courant du Futur qui persiste et signe : la décision de mettre le feu aux poudres à Tripoli et, par extension, de déstabiliser l’ensemble du Nord est une décision qui relève des services de renseignements syriens. Moustapha Allouche affirme d’ailleurs clairement que les affrontements qui ont lieu entre Bab el-Tebbaneh et Jabal Mohsen n’illustrent aucunement une bataille entre les camps du 14 et du 8 Mars, puisque ce sont des hommes relevant de M. Mikati et du Hezbollah « qui œuvrent à rallumer le feu à Bab el-Tebbaneh même » toutes les fois qu’une décision de juguler les événements est prise. Une thèse qui fait sourire un responsable militaire proche du dossier, qui renvoie dos à dos l’ensemble des responsables, toutes affiliations politiques confondues, leur faisant assumer l’entière responsabilité du pourrissement de la situation.


Sur le terrain, c’est un calme tout relatif qui a régné à Tripoli hier. Il est en partie dû à l’ordre de grève lancé par la société civile et les instances économiques locales qui, pour la première fois, sont sortis du mutisme que leur imposaient les cycles de violence successifs pour enfin crier leur rage face au fait accompli des milices armées. Une initiative qui sera réitérée jeudi prochain, histoire de faire comprendre à tous les politiques que les habitants de Tripoli refusent « de continuer de servir de caisse de résonance pour les forces régionales et locales », dira un porte-parole.
Ainsi paralysée par la fermeture de ses banques et commerces, la ville devait connaître un répit extrêmement précaire sur le front alaouite-sunnite, entrecoupé par moments par les claquements des balles des francs-tireurs. Ce nouveau mode de terreur que les belligérants ont ajouté à leur lexique criminel pour perpétuer l’instabilité des lieux est venu s’ajouter aux actes, moins nouveaux, de vandalisme et de saccage qui ont visé les logements et les commerces de plusieurs alaouites de la ville. Ce dernier développement criminel, que le leader du courant du Futur s’est dépêché de condamner sur Twitter, est venu prouver que malheureusement le trou béant qui vient de se rouvrir dans la capitale du Nord ne sera pas refermé de sitôt.


C’est une mise en garde qu’a voulu lancer en des termes très feutrés le Premier ministre à Bkerké, où il s’est rendu : « Aujourd’hui, on n’en est plus à parler de changement de gouvernement. Notre objectif est désormais de consolider l’État », a-t-il dit sur un ton des plus solennels, avant d’exprimer sa crainte de voir s’installer « un vide politique qui menacerait l’existence même de l’État ».


Le chef du gouvernement a été rejoint par les instances économiques, lesquelles ont également tiré la sonnette d’alarme en exhortant les responsables politiques de se réunir pour dialoguer et sortir le pays de cette crise qui risque de l’entraîner dans le cercle vicieux des violences contagieuses.

 

Lire aussi

Tripoli et les jeunes : le pari d’une ville sans armes

 

Attendu jeudi, le ministre allemand des AE craint une contagion de la crise syrienne

 

 

Fabius appelle à éviter que le conflit syrien ne déborde au Liban

 

 

Tous les politiques en conviendront : le calme frileux qui commence à peine à prévaloir à Tripoli ne semble pas devoir évoluer vers un règlement en profondeur de la crise qui oppose, depuis plusieurs mois déjà, les sunnites aux alaouites. La situation est devenue tellement compliquée dans la capitale du Nord qu’il est devenu quasiment impossible de frapper d’une main de fer, comme...
commentaires (0)

Commentaires (0)

Retour en haut