Le ministre libanais des Affaires étrangères Adnane Mansour a indiqué ce matin à la radio Voix du Liban que les Libanais kidnappés hier à Alep (nord de la Syrie) ont été localisés et qu’ils "seront relâchés dans les prochaines heures". M. Mansour a déclaré avoir été informé de l'endroit où se trouvent les personnes kidnappées et qu’il s’attend à ce que "cette affaire prenne fin aujourd’hui".
"Selon nos informations, et si Dieu le veut, les Libanais seront relâchés très prochainement", a-t-il confirmé, un peu plus tard, à Reuters. "Nous ne pouvons pas dire qui mène les négociations mais l'affaire suit son cours et avec l'aide de Dieu, nous allons parvenir à un résultat positif", a-t-il ajouté, précisant que le médiateur était arabe mais se refusant à donner plus de détails.
"Les pélerins libanais enlevés en Syrie sont vivants et en bonne santé", a affirmé mercredi soir le député membre du Hezbollah Ali Ammar, qui a précisé que des contacts étaient établis avec des responsables turcs ainsi que des rois et des émirs arabes. "Notre arme la plus puissante durant cette période est la patience et la vigilance", a ajouté M. Ammar, qui a rappelé que les ouvriers syriens au Liban ne devaient pas être l'objet de représailles.
Mardi, 13 Libanais chiites ont été enlevés en Syrie, alors qu'ils revenaient en bus d'un pèlerinage en Iran. Dans la nuit, un avion transportant des femmes qui faisaient partie du groupe de pèlerins a atterri à Beyrouth. La plupart d'entre elles ont assuré à la presse que les hommes armés s'étaient identifiés comme "des membres de l'ASL", l'armée syrienne libre (rebelles syriens).
Des accusations que l’ASL s’est empressé de démentir. "L'ASL n'est pas du tout responsable de cet enlèvement. Nous n'opérons pas comme ça. C'est une tentative de porter atteinte à l'image de l'ASL", a indiqué le général Moustapha Al-Cheikh, chef du Conseil militaire de l'ASL basé en Turquie. "Nous condamnons cet enlèvement qui ne relève pas des valeurs de la révolution" syrienne, a-t-il poursuivi, affirmant que l'enlèvement était "sans doute l'œuvre du régime qui veut semer le chaos dans la région".
Dans une interview qui doit être publiée jeudi dans les colonnes du quotidien koweïtien al-Rai, le chef de l’ASL, Riad el-Assaad, condamne l’enlèvement des Libanais et indique qu’une commission d’enquête a été mise en place pour gérer cette affaire. "Des mafieux ont kidnappé les pèlerins et nous risquerons notre vie pour les libérer", a-t-il assuré, indiquant que l'ASL connaît la localisation des otages.
"Un groupe de bandits s’est établi le long de la frontière, a kidnappé les pélerins et en a rejeté la responsabilité sur l’ASL", poursuit-il, ajoutant que "plusieurs parties exploitent les développements en Syrie pour ternir notre image et celle de la révolution".
Il a également demandé au secrétaire général du Hezbollah, Hassan Nasrallah, de se distancier de la révolution syrienne.
Le Conseil national syrien, principale instance de l'opposition, soupçonne également le régime de Bachar el-Assad d'être derrière l'enlèvement de mardi. Dans un communiqué, le CNS "n'écarte pas l'implication du régime syrien sécuritaire dans cette opération en vue de créer des troubles au Liban, un pays frère qui accueille les réfugiés, les blessés et les persécutés du peuple syrien".
L'opposition armée syrienne a été accusée d'avoir mené un autre enlèvement, celui de trois camionneurs iraniens kidnappés lundi en Syrie, selon le chargé d'affaires iranien à Damas cité mercredi par les médias iraniens. Selon Abbas Golrou, les trois camionneurs acheminaient en Syrie du "matériel" non identifié en provenance d'Iran lorsqu'ils ont été enlevés.
Près d'une trentaine d'Iraniens, travailleurs ou pèlerins, ont été enlevés en Syrie depuis le début en mars 2011 du soulèvement contre le régime. Téhéran, principal allié de Damas, a été accusé par les services de renseignement occidentaux et l'opposition syrienne de fournir des armes aux forces du régime.
L'enlèvement des Libanais a entraîné, hier soir, la mobilisation de la communauté chiite libanaise, qui a manifesté et brièvement bloqué des rues de Beyrouth. Le chef Hezbollah, Hassan Nasrallah a toutefois rapidement lancé un appel à "la retenue", assurant que "des contacts avaient été pris avec les autorités syriennes et avec d'autres pays influents dans la région pour assurer leur libération".
Les ténors du 14 Mars ont également rapidement stigmatisé cet enlèvement. Le leader du courant du Futur a publié un communiqué en ce sens, soulignant qu’il ne pouvait garder le mutisme face au rapt "de citoyens libanais" et affirmant qu’en pareilles circonstances, "les Libanais sont unis".
Le Liban, où sont réfugiés des milliers de Syriens, est divisé entre pro et anti rémige syrien. Une division qui s'est transportée sur le terrain, ces derniers jours, avec des affrontements meurtriers à Tripoli, dans le Akkar (Liban-nord) et à Beyrouth dimanche.
D'aucuns redoutaient que l'enlèvement des pélerins ne remette le feu aux poudres, alors qu'un certain calme était revenu mardi matin.
"Désormais, la menace est réelle que le conflit (en Syrie) déborde sur le Liban, où cette affaire pourrait très mal se terminer au regard de l'Histoire, de la composition ethnique et religieuse de la population et des principes sur lesquels l'Etat libanais est construit", a d'ailleurs mis en garde mercredi le ministre russe des Affaires étrangères, Sergueï Lavrov. "C'est une évolution très dangereuse de la situation, à laquelle il faut échapper à n'importe quel prix", a-t-il ajouté devant des journalistes à Moscou.
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commentaires (3)
Les provocations, de tierces parties, qui veulent mettre le feu aux poudres dans ce pays, vont crescendo contre les deux communautés musulmanes. Il est plus qu'urgent qu'on commence le Dialogue pour éviter au pays le pire. J'espère que la RAISON va prévaloir.
SAKR LEBNAN
12 h 49, le 23 mai 2012