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Moyen Orient et Monde - Interview

À quoi pense Asma el-Assad ?

L’auteur de « Femmes de dictateur » se penche sur la personnalité de l’épouse du président syrien.

L’auteure de l’ouvrage, Diane Ducret.


Depuis un an, soit depuis le début de la répression menée contre la révolte en Syrie, on ne l’entendait plus. Asma el-Assad sort de son silence via un communiqué officiel en soutenant publiquement son mari : « Le président est le président de la Syrie, et non d’une faction de Syriens, et la Première dame l’appuie dans ce rôle. »
Et quand, en bon voisinage, Rania de Jordanie téléphone à l’épouse du président pour s’enquérir de la situation de la Syrie, la Première dame aurait répondu : « Notre situation est excellente et stable, inutile de s’inquiéter pour nous », révèle le quotidien panarabe publié à Londres, al-Qods al-Arabi. Comment une brillante avocate, engagée dans l’humanitaire et proche de son peuple, devient femme de dictateur? Éléments de réponse avec Diane Ducret, historienne et auteure de « Femmes de dictateur », vol 2.

Question - Comment expliquez-vous qu’une brillante avocate soutienne le régime sanguinaire de son mari ?
Réponse - Le soutient-elle réellement et consciemment ? Cette jeune femme à épousé un homme contre l’avis de son clan, un homme faisant donc preuve – en apparence – d’une liberté vis-à-vis de la tradition familiale, et surtout un homme ayant choisi l’ophtalmologie comme spécialité médicale, car celle qui comporte le moins de sang, avait-il précisé. Dès lors, comment s’imaginer la trajectoire terrible qui va être la sienne ? Il est difficile et presque impossible pour la santé mentale de se rendre compte que le père de vos enfants, l’homme avec lequel vous vivez, est devenu un tyran, un monstre froid. Mme Milosevic pense réellement que jamais son mari n’a tué d’innocents. La liberté de conscience, le libre arbitre de ces femmes sont sérieusement endommagés par des années de vie commune, d’idéologie et de mise « sous quarantaine » : elles sont totalement mises à l’écart de la vie réelle depuis leurs palais.

Est-ce qu’une femme de dictateur a déjà pris position contre son mari ?
Aucune femme de dictateur n’a pris position contre son mari, si ce n’est en se donnant la mort, comme Nadia, l’épouse de Staline ; ou en sombrant dans la folie comme Hye Rim, l’actrice de cinéma et épouse du dictateur nord-coréen Kim Jong-il C’est presque impossible de l’imaginer, leurs couples sont souvent très soudés, renforcés par l’isolement, et une sorte de folie à deux qui s’installe. Certaines maîtresses ont réussi à quitter leur dictateur : Marita Lorenz, maîtresse de Fidel Castro, a même été recrutée par la CIA pour l’assassiner.

On est en 2012, l’information circule... Peut-on dire qu’Asma el-Assad vit dans sa tour d’ivoire, vu son soutien ?
Lorsqu’elle répond à la reine Rania de Jordanie que « tout va bien » et qu’elle lui recommande de « ne pas s’inquiéter », on peut lire deux sens : soit un appel à la non-ingérence, où elle demande à la reine du pays voisin de ne pas intervenir et de ne pas se mêler de la situation, soit une véritable illusion sur l’état réel de la situation, entretenue par la distorsion des informations qui doivent lui parvenir.

Elle était pourtant proche de son peuple et le visage médiatique de la modernité syrienne...
L’image très libérale, très moderne et ouverte que nous avons de cette femme n’est-elle pas elle-même une propagande émanant du régime ? Les couvertures de magazines et journaux la montrant en « femme libérée » n’ont-elles pas été une entreprise de séduction médiatique préparée par le régime pour rassurer les puissances occidentales et détourner l’attention du durcissement du régime ? Sajida Hussein, l’épouse de Saddam, était elle aussi montrée tête nue, vêtue de grandes marques françaises ou de fourrure, à côté de son époux. Son rôle était mis en avant en tant que mère, femme moderne, pour donner des gages d’ouverture du régime naissant et de son soutien, le Baas. La place de Sajida Hussein, au début des années 1980, pour un régime qui donne le droit de vote aux femmes et espère bien qu’elles voteront en conséquence est très importante.

Aujourd’hui en sortant de son silence et en soutenant son mari publiquement, Asma el-Assad risque-t-elle de devenir la cible de la haine du peuple comme on l’a vu récemment avec Leila Traboulsi et Suzanne Moubarak lors du printemps arabe ?
C’est en effet le risque. Elle risque d’être victime justement de cette image d’ouverture et de modernité que les médias lui ont fait jouer. C’est justement contre cette femme en apparence si ouverte et moderne que la haine et l’incompréhension du peuple vont se tourner, de la même manière que Suzanne Moubarak a été pointée du doigt après avoir été impliquée publiquement dans de nombreuses associations humanitaires et caritatives.

L’histoire des épouses de despotes se termine invariablement mal. Vous l’expliquez dans votre livre... Quelle serait l’issue pour Asma el-Assad ?
Les épouses des dictateurs de la première moitié du XXe siècle et des régimes de la Seconde Guerre mondiale mouraient avec leur dictateur... Depuis les Ceausescu, une autre voie de secours s’offre à elles : l’exil. Mais la condition est la même : le silence imposé. Elles sont tolérées en terre étrangère – en Jordanie, en Algérie, au Qatar, en Arabie saoudite ou en Russie –, mais à condition de se taire et de disparaître de l’espace public.

 

Pour mémoire

 

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Depuis un an, soit depuis le début de la répression menée contre la révolte en Syrie, on ne l’entendait plus. Asma el-Assad sort de son silence via un communiqué officiel en soutenant publiquement son mari : « Le président est le président de la Syrie, et non d’une faction de Syriens, et la Première dame l’appuie dans ce rôle. » Et quand, en bon voisinage, Rania de...

commentaires (11)

Kamel, J'aimerais que tu sois toujours d'accord avec moi et moi avec toi. Te connaissant, je suis sûr qu'on a beaucoup de choses en commun et surtout l'amour pour notre patrie. Carlos Achkar

carlos achkar

14 h 45, le 17 mars 2012

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Commentaires (11)

  • Kamel, J'aimerais que tu sois toujours d'accord avec moi et moi avec toi. Te connaissant, je suis sûr qu'on a beaucoup de choses en commun et surtout l'amour pour notre patrie. Carlos Achkar

    carlos achkar

    14 h 45, le 17 mars 2012

  • Effectivement, il y a lieu de se demander comment réagit la fleur dévastée du désert. Impossible qu'elle puisse dire que tout va bien... donc à partir de là, bien sûr, on peut fabriquer mille hypothèses. Image préfabriquée d'une femme en apparence libre, décevante par son manque d'engagement humanitaire. Encore une femme à qui on dira «sois belle et tais-toi».

    Zacharie

    13 h 10, le 17 mars 2012

  • Je suis pour une fois d'accord avec toi Carlos, sans un "mais" qui aurait voulu dire que le fait d'en parler c'est ce qui reste quand tout a été épuisé.

    Jaber Kamel

    08 h 37, le 17 mars 2012

  • Mais qu'est ce qu'on s'en fout à quoi elle pense. Carlos Achkar

    carlos achkar

    08 h 21, le 17 mars 2012

  • Révolté devant le génocide de Homs, notamment la découverte de 53 cadavres d'hommes, de femmes et d'enfants égorgés dans le quartier de Karm el-Zeytoun, et réagissant dans ce forum sur un article coincidant qui évoquait Asma al-Assad, j'ai moi-même été très dur disant : "Marie Antoinette a certainement envoyé distribuer des biscuits aux enfants avant leur massacre". Parmi les mails du couple Assad le révélant "isolé (insulated) de la crise", piratés par des activistes syriens, authentifiés et publiés le 14 par le Guardian, un me semble particulièrment significatif. Le président syrien dit à sa femme : "Je sais que, dans ce moment de troubles, tu es à mes côtés". Au fond, c'est facile, dans le meilleur café de Paris ou de New York, de parler de la "femme du dictateur" en vogue. Mais qu'est-ce qu'on attend d'Asma al-Assad ? Qu'elle claque la porte à son mari, qu'elle prenne l'avion pour Londres et retourne chez son père cardiologue ? A-t-on idée de la responsabilité de cette femme, si elle montrait le moindre fléchissement. Ce serait la fin immédiate de son mari et la sienne. Il se peut qu'elle soit en était de fuite inconsciente, comme refuge. Je n'ai pas la compétence pour en dire plus. Il y faudrait un grand psychiatre comme Dr Azouri.

    Halim Abou Chacra

    06 h 38, le 17 mars 2012

  • Autant tirer profit d'un sujet à la mode, les femmes de tyrans. Ca vend bien, enfin pour ceux qui sont friands de ce genre de lecture gossip, qui n'est autre qu'une compil d'articles de presses, tout aussi gossip. Qui sait? La reine Rania que l'Occident encense actuellement pour son élégance et les marques de mode de luxe dont elle se fait l'ambassadrice, sera un jour condamnée par ce même Occident pour les mêmes motifs. Rien de sérieux ni d'édifiant. Ainsi va la mode....des auteurs d'une saison ou deux!

    Tina Chamoun

    05 h 38, le 17 mars 2012

  • A quoi pense Asma ? Aux "Loboutin" à ses pieds !

    Antoine-Serge KARAMAOUN

    05 h 12, le 17 mars 2012

  • Elle doit penser aux mêmes thèmes auxquels pensait la Barbara Bush lorsque son mari attaquait l'Irak, ou Carla Bruni lorsque son mari attaquait la Lybie... Et sans aller plus loin, à quoi pensaient les femmes de nos politiciens qui on déclenché la guerre de la montagne? etc, etc, etc,...

    Nayla Tahan Attié

    04 h 35, le 17 mars 2012

  • Je ne vois pas comment l'auteure de l'ouvrage, Diane Ducret, peut donner son avis sur Mme Asma El Assad quand elle ne la connait pas. Elle base son livre sur ses hypotheses et sa reflexion (profonde) personnelle???? Ou est-ce une "specialiste" de femmes de "tyrans"?! Comme c'est credible en tout cas!

    Michele Aoun

    03 h 50, le 17 mars 2012

  • - - Vous pouvez écrire , inventer , ragoter , dire ce que vous voulez sur la première Dame de Syrie , vous ne changerez pas un iota à sa beauté , à son intelligence , à sa fidélité , à son amour de femme aimante , à son attachement à son époux , sa famille et son pays , choses qui paraissent de nos jours incompatibles avec la vie et les valeurs des opportunistes que défend malheureusement aujourd'hui l'occident .. La Bellissima Asma doit sourire en lisant votre article et surtout l'ouvrage de Diane Ducret .

    JABBOUR André

    02 h 37, le 17 mars 2012

  • On va en voir de toutes les couleurs contre la Syrie du président Bashar... Voici arrivé le tour des écrivains publiant très probablement des "nègres" entièrement financés. Chapeau, il faut dire que tout est minutieusement préparé. Je voudrais dire à la dame en photo qu'Asma, la fleur du Moyen Orient est beaucoup plus belle et plus élégante qu'elle et ce à quoi elle pense n'engage qu'elle et sa famille. Alors qu'elle aille jouer dans la cour Mawza, la unième épouse du seigneur, des seigneurs sans partage du qatar par exemple, au moins elle nous apprendra quelque chose de nouveau qui aiderait la cause de la femme dans le monde. Oui mais ça, ça ne sera financé ni ne paraitra probablement dans la presse.

    Ali Farhat

    19 h 56, le 16 mars 2012

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