En Arabie saoudite, critiquer le roi Abdallah est considéré comme un crime passible de sept à dix ans en prison, selon la nouvelle loi « antiterroriste » entrée en vigueur il y a deux mois. Dénoncée par les organisations pour la défense des droits de l’homme comme visant principalement les dissidents politiques, cette nouvelle loi n'a toutefois pas empêché des dizaines d'internautes saoudiens de défier le souverain en prenant part à une campagne sarcastique lancée de manière spontanée sur Twitter et baptisée « Tal3mrak ». Cette expression, très liée à la culture saoudienne et qui veut littéralement dire « Que Dieu vous donne longue vie », est souvent employée à l’adresse des plus âgés, en signe de respect.
En un jour seulement, plus de 40 200 tweets ont été adressés au roi en utilisant le hashtag #Tal3mrak.
Au début, les critiques étaient globales, dirigées contre des personnalités saoudiennes haut placées, notamment dans les domaines politique, militaire et financier. Mais très rapidement, les attaques se sont concentrées uniquement sur la personne du roi, attirant ainsi l'attention de centaines d'internautes arabes, qui ont, à leur tour, épinglé le souverain, accusé, selon eux, d’étouffer le « printemps arabe ».
« Le hashtag #Tal3mrak me fait sentir vieille. Je n'aurais jamais pensé qu'il y avait autant de Saoudiens qui n'ont pas peur (de s’exprimer) », écrit la défenseure des droits de la femme Eman al-Nafjan (@Saudiwomen). « Si vous êtes Saoudiens, vous devez savoir que #Tal3mrak est…incroyable », note pour sa part le blogueur saoudien Ahmed al-Omran (@Ahmed). Dans sa propre contribution à cette campagne, il écrit : « Quand vous êtes dans un rendez-vous amoureux, n'avez-vous pas peur de vous faire arrêter par la police religieuse? #Tal3mrak ». Son message a été re-tweeté plus de 100 fois.
« #Tal3mrak, est-ce que vous savez que 80% de la population ne possède pas de maison ? », demande, de son côté, Nayef al-Hamid (@drnaifalhumaid), étudiant en médecine dentaire à Djeddah. « Jusqu'à quand les prisonniers doivent-ils rester en taule sans jugement ? », s’interroge Ibtissam al-Ali (@bsoomali), du Kousseim. Nawwarah Ashad (@nawwarah82), quant à elle, critique les promesses de réformes qui n’ont toujours pas été mises en œuvre : « Vous nous avez promis le progrès, nous avons trouvé le retard. Vous nous avez promis une vie décente, et la vie est devenue encore plus chère. Vous nous avez promis la politique de la « porte ouverte », et vous nous avez offert la nouvelle loi antiterroriste ! ».
Manal al-Sharif (@manal_alsharif), la Saoudienne qui a été arrêtée pour avoir osé prendre le volant à Riyad il y a quelques mois, est tout aussi sarcastique : « Puisque vous avez 20 millions d’enfants (en référence à la population saoudienne, ndlr) et que nous exportons 9 millions de barils de pétrole par jour, dans quel baril pensez-vous que nous devons conserver notre patience ? ».
Le premier internaute à avoir tweeté sous ce hashtag, est @Omar__Saleh, un jeune saoudien originaire de la ville de Dammam. Dans un de ses messages, il se dit choqué par le succès de #Tal3mrak. « Je n’aurais jamais imaginé qu'il puisse attirer autant de monde… Je ne voulais que faire du sarcasme sans m'attaquer à quelqu'un de particulier », assure-t-il sur son compte Twitter.
Mais d’autres internautes y voient déjà les prémices d’une « révolution » qui risque de se déplacer du monde virtuel à la rue. « C’est la nouvelle révolution saoudienne. Maintenant, elle est sur Twitter, mais qui sait jusqu’où elle ira ! », écrit @alihashem, journaliste travaillant pour la chaîne al-Jazira. « Tout le monde sait que la première phase de la contestation commence par le sarcasme et l’ironie. J’espère que le message du peuple est parvenu à qui de droit », note pour sa part Nasser al-Rabdi (@_Nasser_) de la ville de Khoubar. « Aujourd’hui, la liberté n’est plus limitée comme auparavant, tweete le Koweïtien @Hamad_AlRagheeb. Les pays arabes doivent accepter cette réalité et donner à leur peuple le droit de vivre dans une démocratie ».
C'est sûrement, Jaber kamel, les "Ben Khomeiny" qui donneraient des leçons en matière de démocratie. On compte sur vous pour le suggérer.
11 h 04, le 01 septembre 2011