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À La Une - Justice

Pour le « New York Times », le Hezbollah est lié aux cartels sud-américains de la drogue

Un entrepreneur libanais, Ayman Joumaa, soupçonné d’être lié au Hezbollah, est poursuivi par contumace par la justice américaine pour trafic de cocaïne, affirme le quotidien new-yorkais.
Dans une longue enquête publiée mercredi sous la plume de Jo Becker, le New York Times revient sur d’anciennes accusations lancées contre le Hezbollah, qui est accusé de s’être servi de réseaux criminels internationaux, parmi lesquels les cartels de trafiquants de drogue sud-américains, pour « financer ses opérations ».
Selon le quotidien américain, qui cite de nombreux responsables américains et libanais, le Hezbollah a réussi à établir ces liens grâce à des membres de la diaspora libanaise proches du parti de Dieu, en Europe, en Afrique et aux États-Unis. Pour le quotidien new-yorkais, loin d’être le bénéficiaire passif de dons provenant de la diaspora chiite, le Hezbollah est activement impliqué dans ces trafics qui se cachent derrière le marché international des voitures d’occasion.
Plusieurs pays – les États-Unis en tête – soupçonnaient depuis longtemps le Hezbollah de soutenir indirectement des individus vivant à l’étranger, impliqués dans divers réseaux criminels, affirme Jo Becker. L’élément-clé qui a confirmé les soupçons, toujours selon le journal, a été l’enquête effectuée sur les comptes de la Lebanese Canadian Bank (LCB), aujourd’hui rachetée par la Société générale de banque au Liban (SGBL). En février, le Trésor américain avait annoncé la mise au ban de la LCB, accusée de blanchir l’argent d’un réseau de trafiquants de drogue au profit du Hezbollah.

Ayman Joumaa
Jo Becker commente notamment l’accusation portée par la justice américaine contre Ayman Joumaa, un entrepreneur libanais qui est soupçonné d’être lié au Hezbollah et à un puissant cartel mexicain. Joumaa est poursuivi aux États-Unis par contumace pour narcotrafic et blanchiment d’argent, ont indiqué les autorités américaines.
La justice américaine assure qu’Ayman Joumaa, également appelé « Junior », 47 ans, aurait été pendant au moins huit mois à la tête d’un important réseau international de trafic de drogue, impliquant des fournisseurs colombiens et le cartel mexicain des Zetas.
L’Agence américaine de lutte contre le trafic de stupéfiants (DEA) indique que Joumaa a été inculpé par un grand jury fédéral le 23 novembre pour trafic de cocaïne et blanchiment d’argent.
Selon la DEA, Joumaa aurait organisé l’envoi de tonnes de cocaïne de la Colombie vers le cartel des Zetas avec pour destination finale les États-Unis. Il aurait aussi blanchi 850 millions de dollars issus du trafic de drogue.
Ayman Joumaa, qui n’a pas été arrêté par les autorités américaines, selon des documents de justice, risque une peine de prison à vie.
Les activités présumées de trafic de drogue et de blanchiment d’argent à la tête desquelles il était « ont favorisé de nombreuses organisations mondiales de trafic de drogue, y compris des activités criminelles du cartel mexicain des Zetas », a indiqué l’administratrice de la DEA Michele Leonhart.
Plus tôt cette année, le département du Trésor avait interdit à tout citoyen américain de faire des affaires avec Joumaa et d’autres individus ou entités associés à son réseau présumé de blanchiment de drogue. Il avait aussi gelé ses avoirs aux États-Unis.
Et en février, les États-Unis avaient accusé la Lebanese Canadian Bank, dont le siège se situe à Beyrouth, d’avoir blanchi des centaines de millions de dollars issus du réseau présumé de trafic de drogue de Joumaa.

200 millions de dollars par an de l’Iran...
Mais pour le New York Times, les liens établis entre le Hezbollah et la LCB reflètent surtout « l’évolution des dynamiques politiques et militaires au Liban et au Moyen-Orient ». « Les agents de renseignements américains estiment que le Hezbollah reçoit, depuis plusieurs années, plus de 200 millions de dollars par an de son principal allié, l’Iran », affirme le New York Times. Le Hezb bénéficierait également d’une aide supplémentaire en provenance de la Syrie.
« Mais les analystes affirment que ces aides ont considérablement diminué depuis que la communauté internationale a renforcé les sanctions contre l’Iran, alors que la Syrie est secouée par une contestation populaire grandissante », ajoute le journal. Entre-temps, « les besoins financiers du Hezbollah n’ont cessé de croître », surtout après la guerre israélienne de 2006, précise le quotidien américain.
Résultat : le parti de Dieu est devenu de plus en plus dépendant des réseaux criminels, dont les cartels de drogue sud-américains, estiment les analystes qui révèlent l’existence d’un mécanisme complexe utilisé pour le transfert de l’argent de l’étranger vers le Liban.
« La capacité de groupes terroristes, comme le Hezbollah, d’infiltrer les réseaux criminels internationaux est le nouveau défi post-11-Septembre », déclare au New York Times Derek Maltz, le responsable de la DEA, l’agence américaine antidrogue, qui a supervisé l’enquête sur les comptes de la LCB.

Des entreprises servant de « façade »
Des responsables du Trésor américain affirment, pour leur part, que les résultats de l’enquête démontrent que des cadres supérieurs de la Lebanese Canadian Bank ont aidé plusieurs clients à blanchir de l’argent issu du trafic de drogue en l’intégrant aux recettes du commerce de voitures usagées achetées aux États-Unis et revendues en Afrique. Une partie des profits revenait au Hezbollah, toujours selon les responsables américains cités par le New York Times.

Ventes massives de terrains par Robert Mouawad
Des sources sur la LCBI proches de l’enquête ont, quant à elles, affirmé au quotidien que plus de 200 comptes étaient soupçonnés d’être utilisés par le Hezbollah pour mener ses opérations de blanchiment d’argent. En tout, des centaines de millions de dollars par an auraient été versés sur des comptes tenus principalement par des hommes d’affaires chiites basés dans des pays ouest-africains où le trafic de drogue prospère. La plupart d’entre eux, précise le journal américain, sont des partisans du Hezbollah qui font du commerce dans différents domaines, allant du diamant brut aux produits cosmétiques, en passant par les poulets congelés. « Ces entreprises semblent servir de façade pour le Hezbollah, lui permettant de déplacer toutes sortes de fonds suspects », écrit le journal.
Ce système aurait ainsi permis au Hezb de cacher non seulement les sources de sa fortune, mais également son implication dans une série de projets commerciaux au Liban, révèle l’enquête du New York Times, citant l’exemple de « l’une des transactions immobilières les plus importantes de l’histoire du Liban ». Il s’agirait de l’achat d’un terrain vide de plus de 740 hectares « surplombant la Méditerranée, dans la région du Chouf », pour la somme de 240 millions de dollars. Le terrain en question, qui appartenait au joaillier Robert Mouawad – toujours selon le New York Times –, aurait été vendu au diamantaire Nazem Saïd Ahmad, fin 2010. Des sources libanaises expertes dans le secteur immobilier ont toutefois indiqué au journal américain que la plus grande part de l’investissement avait été versée par Ali Tajeddine, très proche du Hezbollah. Cette transaction, toujours selon le quotidien, s’inscrirait dans un plan établi par le parti de Dieu et visant à « renforcer son hégémonie géopolitique au Liban en achetant des terrains militairement stratégiques dans des régions à prédominance chrétienne ».

Démenti du Hezbollah
Interrogé par le New York Times, le député hezbollahi Ali Fayyad qualifie les accusations américaines sur l’implication du parti chiite dans des réseaux de trafic de drogue de « propagande politique ». « Nous n’avons aucun lien avec la Lebanese Canadian Bank, assure-t-il. Les États-Unis persécutent des hommes d’affaires chiites afin de nous punir parce que nous avons gagné la guerre contre Israël. »
Mais selon des sources de l’Office des Nations unies contre la drogue et le crime (Unodc) – citées dans un câble diplomatique du département d’État US –, « le Hezbollah a largement profité de ses liens avec plusieurs membres de la diaspora libanaise dans différents pays pour renforcer son influence sur le commerce de la cocaïne ».
« Alors que la demande grandissait en Europe et au Moyen-Orient, les cartels ont cherché de nouvelles routes (pour le trafic de drogue) : de la Colombie et le Venezuela, traversant ensuite les frontières non contrôlées entre le Brésil, le Paraguay et l’Argentine, vers des pays ouest-africains comme le Bénin et la Gambie. De cette région, la drogue est transportée soit plus au nord, via le Portugal ou l’Espagne, soit plus à l’est, via la Syrie et le Liban. »

Un vol spécial Venezuela-Syrie
Selon le chef du département de la lutte contre le trafic de drogue au Liban, le colonel Adel Machmouchi, un vol hebdomadaire affrété par l’Iran et reliant le Venezuela à la Syrie constituerait une des routes utilisées pour transporter la drogue vers Beyrouth, assure le NYT.
Pour sa part, dans un entretien publié par la presse au Liban, le commandant de l’unité de lutte contre la drogue et le blanchiment d’argent, le lieutenant-colonel Joseph N. Skaf, a avoué que sa mission était quasi impossible. « Les passagers sont autorisés à transporter des quantités illimitées d’argent liquide, sans déclaration », a-t-il affirmé. L’unité dispose de douze agents, et les scanners de l’aéroport et du port sont en panne.« Mes mains sont liées », a-t-il affirmé.

Acquisition d’actifs
Toujours selon le quotidien new-yorkais, les détails sur l’implication du Hezbollah dans le trafic de drogue ne sont apparus qu’après l’acquisition d’une partie des actifs de la LCB par la SGBL.
Conformément à un accord avec le Trésor américain, c’est la Banque du Liban (BDL) qui devait se charger de l’analyse des registres de la Lebanese Canadian Bank, mais des experts français de la Société générale étaient sceptiques quant au choix des enquêteurs désignés par la BDL, rapporte le journal américain. Citant des sources proches du dossier, le quotidien affirme que certains représentants de la Banque centrale avaient même été recommandés par le Hezbollah.
Dans une tentative de rassurer les banques internationales, le directeur général de la SGBL, Antoun Sehnaoui, décide, toujours selon le New York Times, de nommer une nouvelle commission d’audit pour mener une enquête parallèle, avec l’aide de la Société générale à Paris. Il décide également d’engager un consultant très familier avec le Patriot Act, la loi antiterroriste américaine qui a mené à la fermeture de la LCB. Il s’agit de John Ashcroft, l’ancien procureur général des États-Unis.

Les 200 comptes suspects...
« Au final, l’enquête a révélé l’existence de plus de 200 comptes suspects liés au Hezbollah », indique le journal citant des sources américaines.
« Nous n’avons finalement acheté qu’une partie des actifs de la Lebanese Canadian Bank », indique M. Sehnaoui au New York Times qui précise que le PDG de la SGBL a refusé de parler des détails de cette affaire. « Seuls les comptes qui étaient au-dessus de tout soupçon ont été retenus », affirme-t-il.
Cependant, précise le journal new-yorkais, cette affaire n’est pas encore finie. « La mise au ban (de la LCB) est un avertissement américain au secteur bancaire libanais qui constitue en fait l’épine dorsale de l’économie du pays », souligne l’article.
La grande question, selon Daniel L. Glaser, assistant du vice-secrétaire au Trésor pour le financement du terrorisme, reste de savoir si la Banque centrale va prendre les mesures nécessaires pour empêcher ces actifs « illicites » de changer d’adresse.
« Les signes ne sont pas encourageants », affirme en conclusion le New York Times qui indique que le gouverneur de la Banque centrale a mis un terme à son entrevue avec le journaliste du NYT quand ce dernier a commencé à l’interroger sur cette affaire. Quant aux « 200 comptes suspects », M. Salamé a uniquement répondu qu’il ne « se mêle pas de ce genre de question commerciale ».
Une source du Trésor américain aurait toutefois assuré au journal new-yorkais que la plupart de ces comptes ont d’ores et déjà été transférés vers différentes banques libanaises.
Dans une longue enquête publiée mercredi sous la plume de Jo Becker, le New York Times revient sur d’anciennes accusations lancées contre le Hezbollah, qui est accusé de s’être servi de réseaux criminels internationaux, parmi lesquels les cartels de trafiquants de drogue sud-américains, pour « financer ses opérations ».Selon le quotidien américain, qui cite de nombreux...
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