Le député Samy Gemayel, coordinateur du comité central Kataëb, a brandi hier la menace d’une « désobéissance scolaire » massive en cas d’adoption du manuel d’histoire du Liban en cours d’élaboration sous l’égide d’une commission ministérielle dirigée par le chef du gouvernement, Nagib Mikati.
Dans une conférence de presse tenue au siège central des Kataëb, à Saïfi, M. Gemayel a reproché principalement à ce projet son caractère partial, fustigeant l’approche « idéologique » retenue dans son élaboration. Il a affirmé que si le Conseil des ministres adoptait ce manuel, les Kataëb et d’autres formations partageant leur point de vue appelleraient à une « désobéissance scolaire ».
« Nous ferions en sorte que les établissements scolaires sur lesquels nous avons de l’influence rejettent ce manuel », a-t-il averti, dans une claire allusion aux écoles chrétiennes. « Pour soumettre un peuple, il faut lui faire oublier son histoire », a lancé M. Gemayel, réclamant « une révision du projet et une rectification de l’erreur ». Cela serait, selon lui, « l’occasion pour tous les Libanais de se retrouver dans une conférence de dialogue franc et de réconciliation destinée à épurer la mémoire et à permettre à tous de reconnaître mutuellement les réussites et les échecs de chacune des parties libanaises ».
« On édifiera la patrie de l’avenir en apprenant aux jeunes Libanais l’histoire de ceux qui les ont précédés, leurs combats et leurs martyres », a-t-il ajouté.
« Il y a une façon arbitraire de parler de l’histoire du Liban parce que les Libanais n’ont pas encore épuré leur mémoire. Cela conduit à ce que les générations montantes dans une région déterminée du pays soient formées selon une vision uniforme qui contredit celle qui prévaut dans une autre région, et cela ne fait qu’aggraver la scission entre les jeunes Libanais qui s’ignorent les uns les autres », a-t-il souligné.
Et de poursuivre : « L’approche est idéologique, elle ne permet pas à l’écolier et à l’étudiant d’avoir une vision critique et analytique. On lui donne des idées en boîte, et cela l’amène à croire que c’est lui qui a raison et que les autres ont tort. »
« Le peuple qui ne lit pas son histoire n’est pas en mesure de construire son avenir », a-t-il encore dit. « La reconnaissance de l’autre commence par une histoire unifiée sur la base de l’une des deux méthodes suivantes : ou bien on se contente de relater des faits et de fournir ainsi l’occasion à l’écolier d’analyser et de donner son point de vue au sujet des événements, ou bien on relate les faits en y ajoutant les points de vue de toutes les parties en conflit. »
« L’approche retenue par la commission ministérielle en charge du manuel d’histoire ne prend en compte aucune de ces deux méthodes. Au contraire, elle choisit arbitrairement les événements et utilise une terminologie parfois frauduleuse », a-t-il relevé, se demandant comment un manuel d’histoire du Liban pouvait par exemple ignorer celle de la communauté arménienne dans ce pays.
Les cents jours d’Achrafieh : « guerre » ou « événements » ?
« Le plus grave, c’est la mise à l’écart du combat mené par une grande fraction des Libanais et de leurs martyrs tombés pour la défense du Liban. Cela est une ligne rouge. Il est inacceptable que l’on parle uniquement d’une fraction comme si ceux qui sont tombés chez les autres avaient succombé à un accident de la route », a-t-il martelé.
« Exclure la résistance libanaise du manuel d’histoire est une chose qui ne passera pas », a insisté M. Gemayel. « Il y a des Libanais qui ont résisté contre la présence armée palestinienne au Liban et contre l’occupation syrienne. Ceux-là ont incarné une résistance libanaise formée de plusieurs partis à majorité chrétienne et qui ont défendu le Liban tout entier. » « Comment peut-on inciter des jeunes à se sacrifier au service du Liban lorsqu’on renie ce que leurs prédécesseurs ont fait ? Que dira-t-on aux mères de ceux qui sont morts ? »
« Les chrétiens, il est vrai, ont perdu la guerre en 1990, mais ils ont repris aujourd’hui leur position et veulent être de vrais partenaires, mais ce partenariat ne peut pas être réel si l’on exclut leur histoire du manuel », a-t-il ajouté.
Dans le cadre de la « fraude » historique, M. Gemayel a cité l’exemple de la guerre des Cent jours (le bombardement d’Achrafieh par l’armée syrienne en 1978) et le blocus de Zahlé (1981). Dans les deux cas, le projet se contente d’utiliser le terme d’« événements ». De même pour ce qui est du 13 octobre 1990, « ce jour le plus noir où l’armée libanaise a été défaite et où l’armée syrienne a planté son drapeau au palais de Baabda ».
Quant à la période allant de 1990 à 2005, elle est présentée sous les termes « stabilité et reconstruction ». « D’accord pour la reconstruction, a dit M. Gemayel, mais cette période a été aussi celle de l’occupation syrienne, de l’exil d’Amine Gemayel et de Michel Aoun et de la détention de Samir Geagea, celle de la répression dans les universités, de la fermeture de médias, des barrages syriens sur les routes libanaises, des dissolutions de partis et de l’enlèvement de Boutros Khawand (ancien dirigeant Kataëb amené de force en Syrie et disparu depuis) ».
Et d’achever sur la révolution du Cèdre et le retrait des forces syriennes, le 26 avril 2005. « Les Libanais n’ont-ils pas le droit d’écrire une page glorieuse de leur histoire lorsqu’ils ont contraint au départ l’armée syrienne ? », s’est-il interrogé.
Se félicitant de ce que le Premier ministre avait dit que « le manuel d’histoire ne peut pas être écrit unilatéralement », M. Gemayel a souligné que c’est à lui qu’incombe la responsabilité de reconsidérer le projet examiné.
Dans une conférence de presse tenue au siège central des Kataëb, à Saïfi,...
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07 h 26, le 01 mars 2012