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À La Une - Société

Tunisie : la justice casse un jugement ordonnant la censure de sites pornos

Ouverture, demain, du procès du directeur d'un quotidien tunisien, incarcéré pour avoir publié une photo de nu en Une.

La Une du quotidien tunisien Ettounsia du 15 février montrant le footballeur du Real Madrid, Sami Khedira (d'origine tunisienne) posant avec sa compagne, nue dans ses bras.    

La Cour de Cassation tunisienne a cassé mercredi le jugement ordonnant la censure des sites pornographiques sur internet et a renvoyé l'affaire en appel, ont indiqué à l'AFP une source judiciaire et l'organisation Reporters Sans Frontières (RSF). La source judiciaire a ajouté que les motivations de cette décision n'étaient pas encore connues.

 

"C'est plutôt une bonne nouvelle", a réagi Olivia Gré, la représentante de RSF, dont l'organisation avait alerté sur les risques de "retour en arrière" que constituerait une reprise du filtrage d'internet en Tunisie. L'avocat de l'Agence tunisienne de l'internet (ATI) Me Kais Berrjab, a fait part de son "soulagement". "Bien sûr on attend l'issue finale puisqu'il y aura un nouveau procès, mais en attendant le principe demeure la liberté d'expression et d'accès aux contenus. C'est peut-être une décision historique", a-t-il déclaré à l'AFP.

 

Le procès en appel devrait selon lui se tenir d'ici deux à trois mois.

 

L'ATI pour sa part s'est contentée d'annoncer la décision sur twitter et de "remercier" ses soutiens. Dans cette affaire, l'agence plaide son refus de se transformer en instrument de censure et défend la "neutralité" d'internet.

 

Le filtrage, pratiqué à grande échelle sous le régime du président déchu Zine el Abidine Ben Ali, a été totalement abandonné après la révolution.

 

"Je respecte la décision de la Cour mais je pense que la justice a botté en touche. Nous reprendrons les mêmes arguments pour obtenir satisfaction en appel", a déclaré de son côté l'avocat Monaem Turki, à l'origine de la plainte contre l'ATI, qui s'était vue ordonner en première instance et en appel de censurer les sites pornographiques.

Les avocats qui ont porté plainte mettent en avant le "danger pour la jeunesse" que représentent de tels sites et leur contenu "contraire aux valeurs musulmanes".

 

"Je crois que le contexte a joué, et que les juges se sont débarrassés de cette affaire", a accusé Me Turki.

 

Une autre affaire continue toutefois de défrayer la chronique en Tunisie. Demain doit se tenir devant le tribunal de première instance de Tunis le procès du directeur d'un quotidien tunisien Ettounsia, incarcéré depuis le 15 février pour avoir publié en Une une photo de nu. Nasreddine Ben Saïda est poursuivi pour "atteinte aux bonnes mœurs portant des risques de troubles à l'ordre public".

 

La photo représente le footballeur du Real Madrid, Sami Khedira (d'origine tunisienne) posant avec sa compagne, nue, dans ses bras.

 

L'affaire fait grand bruit en Tunisie et inquiète les organisations de défense des droits de l'homme et de la liberté de la presse.

 

"Nasreddine Ben Saïda va comparaître jeudi (...). C'est un grave incident et un vrai scandale pour la justice tunisienne!", a déclaré mardi son avocat Khaled Krichi. "Nous ne nous attendions pas à un tel traitement réservé aux journalistes, qui nous rappelle les mêmes pratiques de l'ancien régime de Zine El Abidine Ben Ali. Nous sommes contre la publication de cette photo qui est contre nos principes arabo-musulmans mais il ne faut pas criminaliser un tel acte", a-t-il ajouté.

"Nous sommes étonnés de l'introduction de la justice et de la sécurité dans cette affaire", a souligné Me Krichi. M. Ben Saïda a été arrêté sur la base d'un article du code pénal, et non du code de la presse.

 

"Le scenario de notre arrestation a été bien orchestré. Nous avons été menottés comme des criminels", a déclaré au site Tekiano le rédacteur en chef d'Ettounsia, Habib Guizani, qui a été arrêté avec le directeur et un autre journaliste. Lui et le journaliste ont été relâchés. "L'affaire est politique" et "dévoile le vrai visage du gouvernement actuel", selon Habib Guizani.

 

Les défenseurs des droits de l'Homme observent de près la Tunisie, depuis la victoire électorale du parti islamiste Ennahda, qui domine le gouvernement tunisien. Un parti qui doit, lui-même, faire face aux pressions de sa base radicale.

 

Depuis les élections, les radicaux regroupés dans la nébuleuse salafiste se manifestent à tout bout de champ : dans les universités pour imposer le port du niqab, devant les tribunaux pour fustiger une chaîne de télé accusée d'avoir diffusé un film blasphématoire (Persepolis), dans les manifestations où des journalistes ont été agressés.

 

Accusé d'inertie depuis sa prise de fonction le 23 décembre, le gouvernement de l'islamiste Hamadi Jebali a adopté fin janvier, un ton plus ferme et son parti Ennahda a pris des positions inhabituellement claires.

 

Le 24 janvier, les autorités sont intervenues pour faire lever le sit in de partisans du niqab qui entravait depuis deux mois le fonctionnement de la faculté de lettres de la Manouba, près de Tunis.

La veille, Ennahda avait publié un communiqué sans précédent pour affirmer son attachement à la liberté d'expression et se désolidariser des poursuites judiciaires contre Nessma TV dans l'affaire Persepolis.

Et dans un discours devant l'Assemblée nationale constituante, le Premier ministre a assuré sa détermination "à faire appliquer la loi" et a dénoncé les agressions contre des journalistes survenues lors d'une manifestation anti-Nessma.

La Cour de Cassation tunisienne a cassé mercredi le jugement ordonnant la censure des sites pornographiques sur internet et a renvoyé l'affaire en appel, ont indiqué à l'AFP une source judiciaire et l'organisation Reporters Sans Frontières (RSF). La source judiciaire a ajouté que les motivations de cette décision n'étaient pas encore connues.
 
"C'est plutôt une bonne nouvelle", a...
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