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Idées - Commentaire

Pour Israël, une guerre au Liban serait aussi coûteuse qu’inutile


Pour Israël, une guerre au Liban serait aussi coûteuse qu’inutile

Des champs brûlent après qu'un drone tiré depuis le sud du Liban a été intercepté et a atterri près de Kfar Dishon en Haute-Galilée, dans le nord d'Israël, le 25 juin 2024. Jack Guez/AFP.

Alors que la tension monte entre le Hezbollah et Israël dans le Liban-Sud, de nombreux observateurs s’attendent à ce qu’elle dégénère prochainement en guerre ouverte. Le 26 juin, plusieurs gouvernements ont commencé à conseiller à leurs citoyens de quitter le Liban. Il est très probable qu'une escalade se produise dans les semaines à venir, mais pour l'instant, nous n'en sommes pas encore aux dernières étapes préparatoires de l’apocalypse.

Pourquoi les pessimistes ont-ils été si affirmatifs ? À cause des signaux ambigus envoyés par l'administration Biden. Lors d'un récent voyage à Washington, une délégation israélienne a entendu des responsables américains déclarer qu'en cas de conflit avec le Hezbollah, les États-Unis soutiendraient pleinement Israël. Cela a notamment incité le chercheur Firas Maksad à déclarer à ce journal que le « feu rouge américain contre une offensive israélienne au Liban est passé à l’orange, et il pourrait bientôt passer au vert». Des arguments renforcés par les avertissements américains selon lesquels le Hezbollah avait tort de penser que Washington pourrait empêcher une invasion israélienne.

Tout cela est peut-être vrai, mais il est plus probable que les déclarations de l'administration Biden s'inscrivent dans le cadre d'un effort concerté visant à inciter le Hezbollah à faire preuve de plus de souplesse en vue d'une solution négociée dans la zone frontalière. En effet, les responsables américains ont répété à maintes reprises, et plus récemment lors de la visite à Washington du ministre israélien de la Défense, Yoav Gallant, qu'une nouvelle guerre libanaise serait catastrophique pour Beyrouth comme pour Tel-Aviv. Les États-Unis craignent qu'elle ne dégénère en une conflagration régionale qui entraînerait l'intervention des forces américaines. C'est pourquoi le secrétaire américain à la Défense, Lloyd Austin, a déclaré à M. Gallant que « la diplomatie fondée sur des principes est le seul moyen d'empêcher toute nouvelle escalade des tensions dans la région ».

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Le président Joe Biden comprend également qu'une guerre au Liban pourrait compromettre ses chances de remporter les élections américaines de novembre. Il resterait alors coincé entre l'aile droite et l'aile gauche d'un Parti démocrate très divisé, tout en s'aliénant les Américains d'origine arabe et les progressistes, ce qui entraînerait un taux d'abstention élevé parmi certains groupes d'électeurs. Selon le Washington Post, Donald Trump devance Biden dans cinq des sept États les plus susceptibles de déterminer l'issue de l'élection.

Jeu du faucon et de la colombe

Les Israéliens et le Hezbollah ne cessent, eux, de bomber le torse. Le degré d'intimidation a atteint des niveaux surréalistes : Hassan Nasrallah, secrétaire général du Hezbollah, a menacé de bombarder Chypre si l'île était utilisée comme base pour frapper le Liban ; tandis que l'ancien ministre israélien Benny Gantz a averti que si le réseau électrique de son pays était mis hors service, Israël pourrait « plonger le Liban dans l'obscurité totale et démanteler le pouvoir du Hezbollah en quelques jours ». Il semble cependant ignorer que le réseau national libanais n'offre déjà que quelques maigres heures d'électricité par jour, tout au plus, et qu'une armée incapable de « démanteler » le pouvoir du Hamas en huit mois ne le fera certainement pas pour le Hezbollah en l'espace de quelques jours.

Tout le monde peut voir que le Hezbollah et Israël sont enfermés dans une sorte de jeu du faucon et de la colombe visant à voir qui pourrait céder le premier. Bien sûr, tout peut encore « mal tourner », mais il est remarquable qu'au cours des neuf derniers mois, les deux parties ont globalement respecté leurs règles d'engagement mutuelles, même si elles ont parfois franchi quelques lignes jaunes pour renforcer leurs capacités de dissuasion. La vraie question est de savoir ce que les parties peuvent espérer obtenir si elles décident de véritablement en sortir.

Deux approches

Le fait est que Tel-Aviv ne semble pas disposer d'options militaires susceptibles d'apporter un meilleur résultat qu'un règlement négocié. Pour l'essentiel, les Israéliens peuvent adopter deux grandes approches pour rassurer les habitants du nord d'Israël et les encourager à rentrer chez eux. La première consiste à débarrasser la zone frontalière des militants du Hezbollah, ou du plus grand nombre possible d'entre eux, en créant au Liban-Sud une sorte de « free fire zone » (un concept hérité de la guerre du Vietnam selon lequel toute personne s’y trouvant, même civile, est considérée comme ennemi, NDLR). Cette solution semble intéressante en principe, mais c'est en grande partie la situation actuelle, et la sécurité d'Israël ne s'est pas améliorée de manière notable. Le Hezbollah réagirait en tirant par-dessus cette zone et en y créant une atmosphère qui éloignerait les habitants. Il chercherait sans doute à imposer sa propre équation : « Pas de paix et de sécurité dans le nord d'Israël s'il n'y a pas de paix et de sécurité dans le sud du Liban. » Et ne voit pas très bien comment Israël pourrait l’empêcher.

La seconde option consiste à pénétrer sur le territoire libanais et à tenter d'imposer un nouvel équilibre des forces le long de la frontière. Mais qu'est-ce que cela signifie réellement ? À moins qu'Israël ne soit disposé à envahir le Sud, à y rester et à construire une nouvelle zone de sécurité, à l'instar de ce qu'il a fait entre le milieu des années 1970 et 2000, toute opération militaire, à supposer qu'elle soit couronnée de succès, pourrait aboutir à la chute de son gouvernement déjà affaibli. Une invasion limitée signifierait seulement que le Hezbollah retournerait dans la zone frontalière après le départ des Israéliens, tandis qu'une occupation à long terme entraînerait ces derniers dans un nouveau bourbier libanais, alors qu'ils étaient impatients de s'en extraire en 2000.

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Tout cela intervient alors que la presse israélienne rapporte que ses capacités militaires sont insuffisantes pour une guerre sur plusieurs fronts. Comme l'a écrit un commentateur du Haaretz : « Le profond déficit du budget du capital humain d'Israël l'oblige à repenser le nombre de guerres qu'il est capable de mener, tant que ce choix existe encore. » Dans le même temps, le réseau de défense aérienne tant vanté par Israël est également potentiellement vulnérable, les États-Unis ayant averti que le Dôme de fer pourrait être submergé par des attaques massives de roquettes.

C'est pourquoi l'issue la plus sûre pour les Israéliens est peut-être celle qu'ils rejettent de tout cœur : la reprise du statu quo en vigueur avant le 7 octobre, qui a maintenu la stabilité dans le Sud pendant dix-huit ans. C'est ce que préfère le Hezbollah, mais pour le gouvernement Netanyahu, l'accepter serait non seulement reconnaître l'échec de ses objectifs de guerre déclarés, mais aussi ne pas rassurer les habitants du Nord, ce qui inciterait nombre d'entre eux à quitter définitivement la région.

Tout détruire, encore ?

Que doivent donc faire les Israéliens ? Habituellement, lorsqu'ils sont pris dans des dilemmes comme celui-ci, leur réflexe est de tout détruire, tout en ne changeant pas grand-chose par ailleurs. C'est ce qui s'est passé en 2006 au Liban, et c'est ce qui se passe à nouveau à Gaza, où l'absence de plan réaliste d'après-guerre de la part du gouvernement israélien a entravé la campagne militaire en la privant d'un objectif politique. Même les efforts d'Israël pour détruire Gaza au point de forcer lentement la population à quitter le territoire ne seront probablement pas couronnés de succès.

Le problème d'Israël est qu'il croit pouvoir résoudre toutes ses difficultés en recourant à la violence. Or, ce raisonnement s'est avéré de moins en moins efficace au cours des trois dernières décennies. L'Iran et le Hezbollah ont multiplié les points de pression sur les Israéliens, qui ont continué à se soustraire à toute résolution du problème palestinien, que leurs ennemis régionaux ont exploité à leur avantage. C'est un facteur que les dirigeants et la société israéliens ont négligé de prendre en compte lorsqu'ils ont passé des années à ignorer les Palestiniens.

Ce qui joue également en défaveur d'Israël, c'est que le Hezbollah se battra jusqu'au dernier Libanais s'il s'agit de préserver l'influence régionale de l'Iran. Dans le même temps, si les Israéliens s'abstiennent de bombarder les villes et les infrastructures libanaises, il est peu probable que le parti le fasse en premier. Cela signifie que le résultat final de leur confrontation sera décidé sur le terrain, dans la zone frontalière, où les tensions se concentrent aujourd'hui.

Israël sait qu'un cessez-le-feu avec le Hezbollah est lié à celui à Gaza, ce qui est l'une des raisons pour lesquelles il est si réticent à accepter ce dernier. Une cessation permanente des hostilités à Gaza inciterait le Hezbollah à mettre fin à ses opérations militaires, ce qui rendrait plus difficile pour Israël d'imposer une nouvelle réalité dans le Nord. Mais pour y parvenir, ce dernier doit déterminer quelles sont ses capacités. Tout porte à croire qu'il n'a que peu d'options. Ses fanfaronnades peuvent être la conséquence de la frustration qu'il ressent à l'idée que l'issue la plus raisonnable est un retour au statu quo ante. Les Israéliens ne l'accepteront peut-être jamais, mais dans l'état actuel des choses, ils n'ont pas d'alternative convaincante à leur conflit frontalier.

Ce texte est aussi disponible en anglais sur Diwan, le blog du Malcolm H. Kerr Carnegie MEC.

Par Michael YOUNG

Rédacteur en chef de Diwan. Dernier ouvrage : « The Ghosts of Martyrs Square: an Eyewitness Account of Lebanon’s Life Struggle » (Simon & Schuster, 2010, non traduit).

Alors que la tension monte entre le Hezbollah et Israël dans le Liban-Sud, de nombreux observateurs s’attendent à ce qu’elle dégénère prochainement en guerre ouverte. Le 26 juin, plusieurs gouvernements ont commencé à conseiller à leurs citoyens de quitter le Liban. Il est très probable qu'une escalade se produise dans les semaines à venir, mais pour l'instant, nous n'en sommes pas...
commentaires (14)

Excellente analyse !

nabil samir

21 h 16, le 30 juin 2024

Tous les commentaires

Commentaires (14)

  • Excellente analyse !

    nabil samir

    21 h 16, le 30 juin 2024

  • - IL FAUT DES BOITES LOGIQUES, - NON BOURREES DE FANATISME, - ET FABLES MYTHOLOGIQUES. - DIEU EST LOIN DE L,ILLOGISME, - *IL EST LA LOGIQUE MEME*. - *PERE DE TOUS SES ENFANTS*. - NE JETTANT PAS D,ANATHEME, - SUR NUL DES PEUPLES VIVANTS. - *DIEU N,EST PAS INFANTICIDE*. - POUR NOMMER UN PEUPLE ELU. - JETTANT LES AUTRES AU VIDE. - TOUS SES PEUPLES SONT ELUS. - AVEC DE MYTHES PAREILS, - QU,EMBRASSENT DES FANATIQUES, - NE TOURNE AUCUN APPAREIL. - LES BOITES SONT RACHITIQUES. -

    LA LIBRE EXPRESSION. - NE PLUS LE FAIRE SVP

    12 h 55, le 30 juin 2024

  • Il ne fallait pas laisser les mollahs installer leurs vassaux dans la région sous aucun prétexte. Voilà qu’Israël et le Liban libre cernés par des hordes de terroristes prêts à détruire la région pour le blanc des yeux de ceux qui les ont armés alors qu’ils crèvent de faim et manquent de tout mais sont fiers de défendre leurs idéologies apprises et répétées par leurs tueurs qui est de détruire l’Amérique et Israël et que le peuple juifs soit maudit pour l’éternité. Comment faire entendre à ses peuples que leurs armes devraient être retournées contre ceux qui les volent et les sacrifient?

    Sissi zayyat

    11 h 56, le 30 juin 2024

  • On n’a pas compris grand chose de cet article qui place le HB comme étant le défenseur du Liban Sud et de Gaza, alors que tout le monde sait qu’on ne parviendra à aucune paix, tant que ce parti armé jusqu’aux dents par les iraniens est là pour répondre aux exigences de ceux qui l’arment et continuera à mener des guerres injustifiées en solo sur notre sol afin d’imposer les mollahs comme seuls interlocuteurs de toute la région. Par la terreur ils vaincront si les pays occidentaux ne se réveilleront pas à temps. Poutine a ouvert le bal, alors la terreur aura le dernier mot.

    Sissi zayyat

    11 h 51, le 30 juin 2024

  • On a l'air d'occulter le conflit de fond qui est religieux .. Si guerre il n'y aura pas maintenant ce n'est que partie remise.. Ça finira un jour ou l'autre par éclater.. Et celui qui ne voit pas ça est aveugle.. Où bien vit dans un déni total..

    Oscar

    11 h 27, le 30 juin 2024

  • L'entité a besoin de réduire au silence le Hezbollah avant de s'attaquer à l'Iran tout simplement et HN lui en a donné la possibilité le 8/10 tout simplement

    Dorfler lazare

    11 h 26, le 30 juin 2024

  • Une guerre sera TOUJOURS utile à Israel ET au Hezbollah, vu qu'ils en ont tous les deux besoin, l'un pour justifier les aides américaines sous prétexte que "vous voyez bien qu'ils veulent tous nous tuer parce qu'on est juif", et l'autre pour justifier son armement et sa mainmise militaire sur le Liban...

    Gros Gnon

    09 h 51, le 30 juin 2024

  • C’est l’exemple type d’articles destinés à mettre en valeur son auteur. Ça n’a ni queue ni tête, on ne comprend rien et on ne tire aucune conclusion. Bref, du bla bla de quelqu’un qui sait aligner de beaux mots

    Lecteur excédé par la censure

    08 h 59, le 30 juin 2024

  • C’est un bras de fer militaire entre Israël sioniste et Israël safavide, avec Hamas rattaché au second malgré lui. La population du nord de l’entité sioniste devient en quelque sorte otage de ce jeu, comme les otages sionistes de Gaza. Est-ce que Hamas et Hezbollah pourront tenir dans la durée davantage que les sionistes ? Rien n’est moins sûr. Et l’essentiel est ailleurs: la Cisjordanie est colonisée à vitesse EXPONENTIELLE. Retour au « statut quo » ante 7 octobre ? Certainement in fine mais … plus de Palestiniens ! Le Hamas embobiné par l’Israël SA… n’aura rien fait pour l’empêcher.

    Citoyen libanais

    06 h 34, le 30 juin 2024

  • Une éventuelle victoire du candidat modéré et réformateur aux élections présidentielles en Iran serait une subtile indication de ce que le Guide Suprême Khamenei commencerait bientôt á tendre la perche aux américains afin que des négociations sérieuses tendant vers l'apaisement général puissent réussir sans tarder , avant une victoire de Trump en Novembre . Le seul perdant serait Satanyahou !

    Chucri Abboud

    02 h 05, le 30 juin 2024

  • ‘’…mais aussi ne pas rassurer les habitants du Nord, ce qui inciterait nombre d'entre eux à quitter définitivement la région’’. Au Nord comme au Sud dans la région proche de l’enclave de Gaza, les habitants ne sont plus rassurés quand ils déclaraient devant les caméras qu’ils ne retourneront pas dans leurs régions d’origine, et c’est l’interprétation que font certains du succès des opérations contre Israël qui considère sa sécurité par-dessus tout, et c’est au nord comme au sud le talon d’Achille. Mais bon sang, Il est toujours temps de négocier avant qu’il ne soit très tard…

    NABIL

    01 h 37, le 29 juin 2024

  • ‘’Une invasion limitée signifierait seulement que le Hezbollah retournerait dans la zone frontalière après le départ des Israéliens, tandis qu'une occupation à long terme…’’ Mais le Hezbollah est au Sud ! C’est plutôt une occupation limitée dans la durée du Sud, et sûrement le retour du Hezb dans sa région, et la légitimation de son action, est la répétition du même scénario… Comme je l’ai déjà dit, la guerre ne règle rien à long terme, et que seulement une négociation, sous l’égide de Hochstein l’américano- israélien et bientôt Libanais tant il est la coqueluche de beaucoup de monde au Liban.

    NABIL

    01 h 23, le 29 juin 2024

  • Le passage : ‘’C'est pourquoi l'issue la plus sûre pour les Israéliens est peut-être … : la reprise du statu quo… la stabilité dans le Sud pendant dix-huit ans…’’ Les commentaires, après leur retrait unilatéral, étaient que le Hezb ayant appris la leçon ne procéderait à aucune action. La guerre à Gaza a mis en cause ce statut quo, et pour sa sécurité il fera tout, même « free fire zone », ou un désarmement comme à sa frontière avec l’Egypte. La ‘’stabilité’’ au sud leur était favorable, mais dans la durée, elle ne l’est plus. Qui a créé cette situation au sud, eux, non ? Echec donc.

    NABIL

    01 h 08, le 29 juin 2024

  • Une analyse sur le mode qu’il n’est certain que l’incertain. ‘’Il est très probable qu'une escalade se produise dans les semaines à venir…’’, rien qu’une escalade, mais dans le journal d’aujourd’hui, ‘’Des messages rassurants parviennent au Liban : la guerre n'est pas pour demain’’. Elle est alors pour quand cette guerre quand d’autres analyses selon leur météo de guerre : ’’Quoi qu’il arrive, l’été va être chaud’’. L’apocalypse est pour bientôt ? Et qui se passe sous nos yeux, ne sont que des escarmouches parfois meurtrières… et qu’il n’y a de guerre que quand elle est totale ?

    NABIL

    00 h 38, le 29 juin 2024

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