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À La Une - Immigration - France

"Il est temps qu’on réagisse, parce qu'on va se faire bouffer"

En France, en matière de sécurité et d'immigration, la parole politique se "libère" de certains tabous, et les dérapages verbaux aux relents racistes se multiplient. Reflet d'une réalité sociale, stratégie politique ou emballement médiatique? Décryptage.

En France, le parti de Nicolas Sarkozy tient aujourd’hui une convention baptisée "Défense nationale". Au siège de l’UMP, des parlementaires, des industriels et des militants vont débattre des questions de défense et des moyens d’assurer la pérennité du modèle militaire français.

 

Le quotidien gratuit français "20 minutes" s’est procuré les propositions qui seront débattues aujourd’hui par le parti majoritaire. Parmi elles, la demande faite aux personnes qui acquièrent la nationalité française de faire "allégeance aux armes" de la France.

Une proposition qui interpelle, le service militaire obligatoire ayant été supprimé depuis maintenant dix ans en France. Cela peut donc paraître étrange d’évaluer la volonté d’un individu d’adhérer au projet français par sa capacité à s’abandonner à la nation. Combien de Français de naissance seraient prêts, aujourd’hui, à prendre les armes pour la patrie ?

La semaine dernière, l’avocat franco-israélien Arno Klarsfeld, qui a servi au sein de l’armée israélienne en Cisjordanie, a été nommé par Nicolas Sarkozy lui-même, président du Conseil d'administration de l'Office français de l'immigration et de l'intégration. Son engagement militaire pour un autre pays n’a pas été un obstacle quand le président Sarkozy a jugé de sa capacité à servir les intérêts de la France à la tête d’un organisme d’Etat.

La France approche d’un scrutin électoral crucial, la, présidentielle de 2012, et comme le déclare le député UMP de Haute-Marne, François Cornut-Gentille, "les questions de défense doivent et vont trouver une place dans le projet politique".

Certes, mais la question de l'"allégeance aux armes" de la France par ceux qui souhaitent obtenir la nationalité française, se pose dans un contexte bien particulier marqué par une certaine "libération" de la parole politique de certains tabous, notamment sur les questions de sécurité et d’immigration. Une "libération" qui s'est traduite, depuis le début du mandat de Nicolas Sarkozy, par une multiplication des dérapages verbaux aux relents racistes, de la part de politiciens et d'élus de la nation.

 


 

DÉRAPAGES EN SÉRIE

 

 

Nicolas Sarkozy, le 26 juillet 2007. Discours à l'université de Dakar :

"Le drame de l’Afrique, c'est que l'homme africain n'est pas assez entré dans l'Histoire. […] Le paysan africain […] ne connaît que l’éternel recommencement du temps rythmé par la répétition sans fin des mêmes gestes et des mêmes paroles. Dans cet imaginaire où tout recommence toujours, il n'y a de place ni pour l'aventure humaine ni pour l'idée de progrès. […] Le problème de l'Afrique, c’est de cesser de toujours répéter, de toujours ressasser, de se libérer du mythe de l’éternel retour, c’est de prendre conscience que l’âge d’or qu’elle ne cesse de regretter, ne reviendra pas pour la raison qu’il n’a jamais existé."

 



Patrick Ollier, députe des Hauts-de-Seine, le 10 novembre 2008. Interrogé par France 2 sur l’absence d’élus de couleur dans les instances républicaines :

"Les candidats de couleur n’ont pas été élus, je le répète, parce qu’ils n’avaient pas le niveau de l’élection."

 



Brice Hortefeux, ministre du Travail, le 15 janvier 2009. A propos de la chargée de la politique de la Ville, Fadela Amara :

"C'est une compatriote. Comme ce n'est pas forcément évident, je le précise."



Alain Destrem, conseiller UMP du 15e arrondissement de Paris, le 7 avril 2009. Invité du Grand journal de Canal+, il est interrogé sur une photographie de Ségolène Royale en boubou, au Sénégal :

"À travers cette image, je vois ma femme de ménage."

 

 


Brice Hortefeux, ministre de l’Intérieur, le 5 septembre 2009.

A Seignosses, dans les Landes, lors de l’université d’été de l’UMP, en référence à l’origine arabe d’un jeune militant :

"Il en faut toujours un. Quand il y en a un, ça va. C'est quand il y en a beaucoup qu'il y a des problèmes."

 

 

Alfred Trassy-Paillogues, député UMP de Seine-Maritime, le 21 octobre 2009. A propos des "gens du voyage" :

Ils "nous envahissent assez régulièrement de manière brutale à 20, 30, 40 ou 50 caravanes" et "débarquent en faisant fi de toutes les règles". "Bien sûr", ils "récupèrent l'électricité sur le réseau d'éclairage public, de l'eau sur les poteaux d'incendie". Plus scandaleux encore, "ils bénéficient assez souvent d'aide sociale de notre pays" et "font tout cela en roulant dans des véhicules de luxe, des Porsche, des BMW, des Jaguar haut de gamme alors je trouve que c'est un petit peu fort de café".

 



André Valentin, maire UMP de Goussainville (Meuse), le 1er décembre 2009. Débat sur l’identité nationale à Verdun :

"Il est temps qu’on réagisse, parce qu'on va se faire bouffer". "Par qui ? ", lui demande un journaliste. "Y'en a déjà dix millions [d’immigrés], dix millions que l'on paye à rien foutre".

 

 


Nadine Morano, secrétaire d’Etat chargée de la famille, le 14 décembre 2009. A propos "du" jeune musulman lors d’un débat sur l’identité nationale dans les Vosges :

"Ce que je veux, c'est qu'il travaille, qu'il ne parle pas verlan et qu'il ne mette pas sa casquette à l'envers".

 

 

 

Georges Frêche (PS), président du Conseil général du Languedoc-Roussillon, janvier 2010. A propos de Laurent Fabius, député socialiste:

"Voter pour ce mec en Haute-Normandie me poserait un problème, il a une tronche pas catholique."

 



Gérard Longuet, président du groupe UMP au Sénat, le 9 mars 2010. A propos de la possible nomination de Malek Boutih, secrétaire national du Parti Socialiste, à la tête de la Halde (haute autorité de lutte contre les discriminations et pour l'égalité) :

"C’est pas le bon personnage. [...] Il vaut mieux que ce soit [quelqu’un issus du] corps français traditionnel" qui prenne la présidence de la Halde.


 

 


François Lebel , maire du 8e arrondissement de Paris, le 30 Novembre 2010. A propos du marché de Noël des Champs-Elysées, qui perdrait selon lui de ce qu'il appelle "son côté traditionnel" :

"J'ai d'ailleurs reçu à ce sujet une lettre anonyme. C'est dommage, les gens n'ont aucun courage. On trouve même, rendez-vous compte, des sandwiches Halals, comment appelle-t-on ça, des Kebab, et une femme voilée, sur le marché de Noël des Champs-Elysées! Une femme voilée ! Comme si les musulmans en avaient quelque chose à faire de fêter Noël !"

 

 

 

Josaine Plataret, suppléante d’un candidat UMP aux cantonales (Ardèche), exclue depuis du parti. Sur sa page Facebook publique elle poste des blagues. Compilation :

 

- 15 Janvier : "Comment appelle-t-on un arabe dans une bassine d’eau bouillante ? Un gris bouilli".

 

-Le 14 février : Une amie : -"Quelle est la différence entre un arabe écrasé par une voiture et un chien écrasé par une voiture ? "

Josaine Plataret : -"Devant le chien, il y a des traces de freinage."

 

 

 

Chantal Brunel, député UMP (Seine-et-Marne), le 8 mars 2011, lors d’un point presse à l’Assemblée nationale:

"Il faut rassurer les Français sur toutes les migrations de populations qui viendraient de la Méditerranée. Après tout remettons-les dans les bateaux!"

 

 


Claude Guéant, ministre de l'Intérieur, le 17 mars 2011. Sur la radio Europe1 :

"Les Français, à force d'immigration incontrôlée, ont parfois le sentiment de ne plus être chez eux (...) de voir des pratiques qui s'imposent à eux et qui ne correspondent pas aux règles de notre vie sociale".

 

Claude Guéant, ministre de l’Intérieur, le 22 mai 2011. Invité du Grand Rendez-Vous Europe 1/Le Parisien:

"Contrairement à ce qu'on dit, l'intégration ne va pas si bien que ça : le quart des étrangers qui ne sont pas d'origine européenne sont au chômage, les deux tiers des échecs scolaires, c'est l'échec d'enfants d'immigrés."

Il ajoutait également que la France "n'a pas besoin de maçons, de serveurs de restaurants" issus de l'immigration, car elle dispose "de la ressource nécessaire."

 

 

François Fillon, Premier ministre, le 15 juillet 2011. Au lendemain d'une proposition d’Eva Joly de remplacer le défilé militaire du 14 juillet par un "défilé citoyen":

"Je réagis avec tristesse. Je pense que cette dame n'a pas une culture très ancienne des traditions françaises, des valeurs françaises, de l'histoire française."

 

 

 

DÉCRYPTAGE

 

Les médias français laissent entendre que depuis l’élection de Nicolas Sarkozy, la parole des politiques s’est libérée de certains tabous, notamment sur les questions de sécurité et d’immigration. Nous avons questionné Jean-Yves Camus, politologue français et spécialiste de l'extrême-droite, sur le phénomène.

 

Q-Réalité ou effet médiatique ?

R - "J'ai conduit en 2007 une étude pour l'Agence Européenne des droits Fondamentaux, sur la représentation des minorités dans les médias français. L'échantillon de journaux étudié concernait la période suivant immédiatement l'élection de Nicolas Sarkozy. J'avais alors constaté une situation paradoxale : d'une part la diversité de la population française devenait plus visible dans la presse, d'autre part les représentations de l'islam et des musulmans comportaient toujours une charge de méfiance, dans le climat spécifique créé par les attentats du 11 septembre 2001. Aujourd'hui, c'est le discours politique qui a évolué et les médias ne font que répercuter ce changement. Il faut toutefois garder en tête le fait que cette crainte de l'islam s'inscrit dans une tradition française de méfiance à l'égard des religions en général, de laïcité intransigeante en quelque sorte, qui voit un archaïsme dans toutes les affirmations cultuelles. Il faut également se souvenir que dans les années 70 et 80, le Figaro Magazine était plus idéologique que de nos jours, que Minute (hebdomadaire d'extrême-droite) était encore vendu à plus de cent mille exemplaires et qu'un très grand quotidien régional, le Méridional, avait à sa tête un député du Front national. En outre, l'offre de télévisions et radios était nettement plus limitée. Le refus de l'immigration et du multiculturalisme est exprimé dans des termes plus tranchés qu'avant. C'est une évolution antérieure à l'élection du président Sarkozy. Il l'a accentuée mais il ne l'a pas engagée".

 

 

-Si c'est une réalité, comment l'expliquez-vous?

"La réalité de ce constat provient de la perte d'hégémonie culturelle de la gauche qui, pendant 20 ans, sur les questions d'identité et d'immigration, n'a pas été audible, soit qu'elle soit demeurée angélique, soit qu'elle ait été tétanisée par le poids politique du Front National (FN) : sitôt que celui-ci s'emparait d'un thème, le traiter de manière réaliste devenait synonyme de complaisance. Cette perte d'influence culturelle au profit de la droite a été accompagnée par une évolution importante au sein de celle-ci, intervenue au seuil des années 2000 : c'est alors que le gaullisme disparaît véritablement et que s'opère l'intégration au sein de l'UMP (Union pour la Majorité) des sous-familles centriste, libérale et conservatrice. Au sein de l'UMP, sous l'effet du poids du FN, le balancier penche actuellement à droite. C'est ce qui incite un observateur comme Jean-Louis Bourlanges (essayiste et homme politique) à penser que le centre dispose d'un espace réel".

 

 

-S'agit-il d'une stratégie politicienne ? Si oui, peut-elle être efficace?

"Lors de la présidentielle de 2007, il s'agissait d'une stratégie assumée, qui a permis au président Sarkozy de réduire le FN à 5%. Ensuite, deux pôles de l'entourage présidentiel ont proposé deux stratégies différentes incarnées par deux conseillers de Nicolas Sarkozy : Henri Guaino mise sur une action présidentielle centrée sur les questions économiques et sociales, là où Patrick Buisson privilégie les questions identitaires et sécuritaires, dans l'esprit de la constitution d'une "grande droite" pouvant peut être inclure un jour un FN "modernisé". Le même clivage prévaut à l'UMP entre républicains sociaux d'un côté (François Fillon; Roselyne Bachelot; Nathalie Kosciusko-Morizet, de filiation gaulliste) et nationaux-conservateurs. Cet exercice d'équilibre politique est périlleux pour l'UMP. Il génère des mécontentements au centre comme dans la frange la plus droitière, sans parvenir, on l'a vu aux cantonales de 2011, à éliminer un FN qui apparaît revigoré".

 

 

-Ce phénomène est-il la conséquence d'une surenchère politique ou le reflet d'une évolution de la société?

"C'est la conséquence avant tout d'un rapport de force politique : l'UMP fait face à une Marine Le Pen qui rassemble 18% des intentions de vote en 2012, le FN dépassant les 20% dans certaines régions. C'est ensuite l'illusion qu'on peut tuer le FN en faisant de la surenchère sur ses thèmes de prédilection. C'est enfin une mauvaise interprétation par la droite des attentes de la société française. En effet, le rapport annuel de la commission nationale consultative des droits de l'homme fait apparaître à la fois une augmentation préoccupante du nombre d'actes racistes et un recul de l'intolérance, sauf parmi les couches de population les plus vulnérables à la crise économique et sociale. Tout un secteur de la droite oublie que les préoccupations économiques et sociales sont bien les principales préoccupations des Français".

 

 

-Constate-t-on la même évolution dans les autres pays européens?

"Oui, mais il faut tenir compte également des contextes historiques nationaux. Une ancienne puissance coloniale comme la France ne réagit pas à l'immigration venue d'Afrique du nord ou d'Afrique de l'ouest comme un pays de l'ancien bloc de l'est où l'immigration est encore très faible. On discerne toutefois des constantes : l'irruption sur la scène politique d'une droite populiste xénophobe mue par la crainte de l'islamisation; une remise en cause du relativisme culturel et du multiculturalisme; une diminution importante, en Europe de l'ouest, de l'impact politique de l'antisémitisme".

 

 

 

En France, le parti de Nicolas Sarkozy tient aujourd’hui une convention baptisée "Défense nationale". Au siège de l’UMP, des parlementaires, des industriels et des militants vont débattre des questions de défense et des moyens d’assurer la pérennité du modèle militaire français.
 
Le quotidien gratuit français "20 minutes" s’est procuré les propositions qui seront débattues...

commentaires (2)

Tout est acceptable sauf les propos de Mr Sarkozy... Le problème de l'Afrique est les régimes de dictature mis en place et reconnus par l'occident pour que les entreprises occidentales puissent profiter des richesses de l'Afrique.... Tout l'argent de ces richesses va dans les caisses des pays occidentaux.... Concernant les autres, il est tout à fait normal que lorsqu'un étranger arrive dans un pays, il doit respecter les traditions, lois, et règles du pays d'accueil... sinon.... autant rentrer chez lui...

Nayla Tahan Attié

11 h 04, le 20 septembre 2011

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Commentaires (2)

  • Tout est acceptable sauf les propos de Mr Sarkozy... Le problème de l'Afrique est les régimes de dictature mis en place et reconnus par l'occident pour que les entreprises occidentales puissent profiter des richesses de l'Afrique.... Tout l'argent de ces richesses va dans les caisses des pays occidentaux.... Concernant les autres, il est tout à fait normal que lorsqu'un étranger arrive dans un pays, il doit respecter les traditions, lois, et règles du pays d'accueil... sinon.... autant rentrer chez lui...

    Nayla Tahan Attié

    11 h 04, le 20 septembre 2011

  • Aujourd'hui, toute vérité qui heurte "l'autre"est raciste. Cependant que les mensonge les plus éhontés de "l'autre" ne sont que l'expression de sa liberté de penser. Vouloir préserver le mode de vie et les traditions de son pays est raciste. Vouloir imposer au pays d'accueil le mode de vie de son pays d'origine et ses traditions c'est revendiquer "des libertés fondamentales". L'hôte chez son hôte se doit d'intégrer son mode de vie ses traditions et surtout ses valeurs, si cela le mécontente, il a toute liberté de rentrer chez lui. Ou de la boucler !

    Paul-René Safa

    08 h 44, le 20 septembre 2011

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