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Troisième phase du projet de Coopération de journalisme scientifique à Dakar - Pisciculture

Les ravages de la surpêche dans la mer du Sénégal

Les espèces de poisson les plus prisées par le public sénégalais sont proches de l’extinction, selon les observations du Centre de recherche océanographique de Dakar.

Le port de pêche très animé de Dakar. www.nianing-excursion.com

Le port de pêche de Dakar, un après-midi d’hiver. L’endroit grouille de vie, avec ses marchands de poisson mais aussi de fruits, de nourriture de toutes sortes, d’habits... Les pêcheurs s’apprêtent à embarquer sur leurs «sennes tournantes», des pirogues longues et colorées, sans se soucier des algues mélangées de détritus qui recouvrent la plage en cette saison de l’année. Dans une caisse sont exposés de beaux poissons à raie jaune, de la famille des maquereaux, nous apprend un pêcheur.
Ce tableau apparemment calme cache cependant une réalité plus grave. Les poissons sont de moins en moins abondants dans la mer, nous confirme un homme qui, avec un instrument en bois tout simple, mesure les maquereaux un à un, tout en inscrivant des chiffres sur une sorte de formulaire.
Cet homme est le représentant du Centre de recherche océanographique de Dakar-Thiaroye (CRODT) au port. Sa mission est de vérifier des échantillons du produit de la pêche résultant des quelque 80 à 100 sorties effectuées par les pêcheurs chaque jour. Il répertorie les poissons par espèces, notant scrupuleusement leur taille, leur nombre par pirogue, la profondeur à laquelle ils ont été pêchés... Interrogé sur ses observations concernant l’évolution de la pêche ces dernières années, il reconnaît que celle-ci «est de moins en moins fructueuse, et les poissons pris dans les filets de plus en plus jeunes».
Ces problèmes observés auprès des pêcheurs trouvent leur explication au CRODT, où sont stockées les données provenant du travail sur le terrain. La mission principale du centre est de veiller à la durabilité de la pêche, l’une des activités économiques les plus importantes au Sénégal, qui représente 350000 à 400000 tonnes par an et emploie près de 600000 personnes, selon les chiffres du centre.
Or les nouvelles sont de plus en plus alarmantes. «Certaines espèces sont victimes de la surpêche, explique Hamet Diaw Diadhiou, chef du CRODT. Aujourd’hui, les stocks de mérous connaissent une dégradation très importante. La pêche intensive de ce poisson, très populaire auprès du public sénégalais et souvent destiné à l’exportation, le pousse quasiment à la limite de l’extinction. Sans compter la pêche illégale pratiquée par des bateaux étrangers en haute mer.»
D’autres espèces sont tout autant menacées comme le pageot ou encore le capitaine. Le principal responsable est la surpêche, selon Diadhiou. Des recensements effectués annuellement depuis 1974 montrent la dégradation des stocks de ces poissons, ajoute-t-il sans pour autant avancer une proportion de la baisse. «L’indice le plus inquiétant est celui de la taille des poissons pêchés, de plus en plus petits», souligne-t-il. «Ils sont trop souvent pris dans les filets avant d’avoir atteint leur maturité sexuelle, donc avant d’être en âge de se reproduire. Ces populations ne sont plus en mesure de se régénérer.»
Le rôle d’un organisme comme le CRODT consiste surtout à surveiller la situation de la pêche et s’assurer de sa durabilité. Mais que devient ce rôle dans une situation pareille, ou la durabilité est loin d’être assurée? Diadhiou regrette que «le centre ne peut que constater les dégâts et en informer les décideurs».
«Dans le cas des mérous, nous avons purement et simplement recommandé aux autorités d’interdire leur pêche, du moins momentanément. Mais les intérêts économiques et sociaux, du fait de l’importance de la pêche dans la société sénégalaise, empêchent une telle prise de décision. Nous avons alors recommandé des mesures moins radicales comme celle d’imposer une certaine taille des mailles des filets, variable selon les espèces pêchées, afin de permettre aux poissons d’atteindre leur maturité sexuelle avant d’être pêchés», affirme-t-il.

 

S.B.

Le port de pêche de Dakar, un après-midi d’hiver. L’endroit grouille de vie, avec ses marchands de poisson mais aussi de fruits, de nourriture de toutes sortes, d’habits... Les pêcheurs s’apprêtent à embarquer sur leurs «sennes tournantes», des pirogues longues et colorées, sans se soucier des algues mélangées de détritus qui recouvrent la plage en cette saison de l’année....