Edmund Hedded et Rawya el-Chab sont des criminels. Du moins aux yeux de certains au Liban.
Leur crime ? Avoir organisé et participé, le 23 décembre 2009 au Snatch à Gemmayzé, à une vente (humoristique) aux enchères d'hommes. Vente dont le bénéfice a été reversé à l’association "Brave Heart Fund", qui œuvre en faveur des enfants malades du cœur.
"Nous avons récolté environ 4.000 dollars pour l’association grâce à cet évènement", raconte à L'Orient-Le Jour.com Edmund Hedded, comédien libanais passant la majeure partie de son temps à Paris où il étudie. "La vente aux enchères d’hommes est très populaire à l’étranger et nous avons eu l’idée d’en organiser une au Liban. L’ambiance était très détendue et tout le monde a passé un bon moment», se souvient le jeune homme.
Ce soir là, plusieurs journalistes sont présents dans la salle.
Après la représentation, "un des journalistes a rédigé un article en se basant sur les blagues racontées lors du spectacle. Le texte a été publié sur un site d’informations libanais et repris par Nahar el-Chabab, le supplément du quotidien an-Nahar" pour les jeunes, poursuit Hedded.
Rawya el-Chab et Edmund Hedded sur scène en 2009.
Photo tirée de Facebook.
L'article est tombé entre les mains d'un "vieux". Un "responsable" que le rapport du spectacle a "révolté". Une "révolte" accentuée par le fait qu'une photo montrant Edmund Hedded, en pleine représentation, sur scène, en train d'exhiber quelques petits centimètres carrés de son caleçon marqué du sigle de Superman, circulait déjà.
Décidé à ne pas laisser passer la chose, ce "responsable", dont Edmund Hedded ne connaît pas l’identité, a informé les autorités judiciaires libanaises.
"Rawya el-Chab (qui animait la vente aux enchères) et moi-même avons été convoqués et interrogés au commissariat chargé de l’instruction disciplinaire. Les autorités elles-mêmes étaient perplexes quant au motif de notre convocation et nous ont rassurés à plusieurs reprises que nous n’allions pas être sanctionnés", indique le jeune comédien, qui lui même peine encore, aujourd'hui, à masquer sa perplexité.
Suite à cet interrogatoire, Edmund Hedded affirme avoir contacté plusieurs ministres et responsables qui ont également minimisé l'affaire qu’ils ont qualifiée de "ridicule". Un ministre a même confié au jeune comédien avoir été, lui-même, déjà "vendu aux enchères pour un rendez-vous romantique, il y a 30 ans".
L’affaire aurait également été évoquée par le président de la République Michel Sleimane lors d’une des séances du Conseil des ministres au palais présidentiel…
Autant dire que le caleçon d’Edmond a fait le tour du Liban.
D'où la grosse et mauvaise surprise d'Edmund à l'énoncé du jugement, le 30 novembre 2011 : "Un mois de prison et 200.000 livres libanaises d’amende pour un +stand-up comedy show+ socialement hors de l’ordinaire et pour discours extrêmement vulgaire ainsi que l’exposition du caleçon d’Edmund Hedded".
Edmund Hedded et Rawya el-Chab sont punis "au nom du peuple libanais et conformément à l’article 532 du code pénal" pour "humour, terminologie et gestes indécents sur scène".
Un jugement rejeté par les deux comédiens qui font appel pour retrouver "leur liberté d’expression, car la comédie n’est pas un crime". "La justice s’est basée sur un article de genre tabloïd et nous ne sommes toujours pas sous la loi des talibans", affirment-ils sur la page Facebook.
Demain, mercredi 25 avril, le tribunal va de nouveau rendre son verdict.
Pour l'occasion, Edmund et Rawya ont lancé un appel sur Facebook à leurs "amis, voisins et collègues" pour venir les soutenir, demain, devant le palais de Justice (Beyrouth).
"Cherchez vos caleçons avec vous, nous les signerons pour vous", écrivent les deux jeunes Libanais, bien décidés à ne pas renoncer à l'humour.
"Tout ceci est tout de même bien ridicule, déclare Edmund à L'Orient-Le Jour. Au moment où le prix de (20 litres) l’essence frôle les 40.000 L.L, où les Arméniens commémorent le génocide, l’État libanais veut nous juger pour une question pareille". "Quelle honte, quelle honte", conclut le jeune homme, qui semble toujours hésiter entre rires et larmes...
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"Nous avons récolté...
Le bon sens dit vraiment qu'il faut s'attendre à ce que la justice ne perde pas son temps avec une affaire si ridicule, comme l'ont qualifiée plusieurs ministres et des responsables de "l'enquête".
13 h 08, le 24 avril 2012