Rechercher
Rechercher

À La Une - liberté d'expression

Tunisie : sept ans de prison pour des caricatures du prophète sur Facebook

Le verdict dans le procès du patron de Nessma TV dans l'affaire Persepolis reporté au 3 mai.

Un important dispositif policier déployé, jeudi, à Tunis lors de manifestations pro et anti-Nessma. Zoubeir Souissi/

Deux jeunes Tunisiens ont été condamnés à des peines de sept ans de prison ferme pour avoir diffusé sur le réseau social Facebook des caricatures de Mahomet, a fait savoir jeudi le ministère tunisien de la Justice.

"Ils ont été condamnés(...) à sept ans de prison pour attentat à la moralité et trouble à l'ordre public", a déclaré Chokri Nefti, porte-parole du ministère de la Justice.

 

L'un des deux, Djabeur Mejri, a été incarcéré, tandis que le second, Ghazi Bedji, est toujours recherché par la police et a été condamné par contumace. La sentence a été rendue le 28 mars mais n'a été annoncée que jeudi, lorsque des blogueurs ont commencé à diffuser sur Internet des informations concernant cette affaire.

 

"Les peines sont très lourdes et sévères, même si ces jeunes gens étaient en tort", a déclaré à Reuters un blogueur tunisien. "Cette décision vise à étouffer la liberté d'expression même sur Internet", a-t-il ajouté.

 

Egalement engagé dans un bras de fer pour la liberté d'expression, le directeur de la chaîne privée tunisienne Nessma TV est revenu devant les juges aujourd'hui pour un procès sous haute surveillance. L'audience a été levée en fin d'après-midi et le président du tribunal de première instance a fixé au 3 mai prochain l'annonce du jugement en épilogue de cette affaire.

 

Nabil Karoui est poursuivi pour "atteinte aux valeurs du sacré, atteintes aux bonnes mœurs et troubles à l'ordre public".
Il est accusé d'avoir diffusé sur sa chaîne le film franco-iranien Persepolis, jugé blasphématoire, en octobre 2011, quinze jours avant la première élection post-Ben Ali gagnée par le parti islamiste Ennahda, qui dirige depuis le gouvernement.

 

"Nous sommes dans l'attente et l'espoir de voir Nabil Karoui acquitté", a déclaré la représentante de l'Organisation française de défense de la liberté de la presse (RSF). "Cela coïncidera avec la célébration de la journée mondiale de la liberté de la presse, on attend avec impatience" l'épilogue de ce procès "qui n'aurait du avoir lieu", a ajouté à l'AFP Olivia Gré. Présente à l'audience, elle dit "souhaiter qu'il n'y aura plus de restrictions à la liberté de la presse" en Tunisie.


L'affaire avait déchaîné les passions et suscité une vague de violences entre partisans des libertés retrouvées et défenseurs de l'islam. Des extrémistes avaient tenté d'attaquer le siège de la chaîne et d'autres ont mis en place un comité de défense des libertés.


En cause: une scène du film qui décrit le régime iranien de Khomeiny à travers les yeux d'une fillette parlant à Dieu personnifié, la représentation d'Allah étant proscrite par l'islam.


Passible de trois ans d'emprisonnement, Nabil Karoui s'était "excusé" pour la diffusion de cette scène, sans réussir à faire cesser les poursuites engagées par de nombreux avocats de la partie civile.
"C'est un jour décisif pour la liberté d'expression et de la presse", a déclaré jeudi dans la journée M. Karoui à l'AFP. "Le jugement sera historique et aura un effet sur la région", a prédit M. Karoui dont la chaîne diffuse également des programmes pour les téléspectateurs en Algérie et au Maroc.


Ouvert dans le chaos le 16 novembre et reporté deux fois depuis, son procès a de nouveau provoqué des manifestations des pro et anti-Nessma aux abords du palais de Justice, où un important dispositif policier était déployé.
Des journalistes et militants tunisiens avaient été insultés et agressés par des extrémistes lors d'une audience le 23 janvier.

"Dégage! Dégage média de la honte", ont crié jeudi des dizaines de jeunes agitant le drapeau noir des salafistes. "A bas les Rcdistes!" lançaient-ils par haut-parleur en référence aux partisans de l'ex-parti au pouvoir (RCD) dissous après la fuite de l'ex-président Ben Ali envers lequel Nessma était jugée complaisante.

En face, des partisans de la chaîne ont entonné l'hymne national. Quelques "dégage!" ont fusé en direction des salafistes. "Médias libres en Tunisie, ni Amérique, ni Qatar", ont-ils scandé dénonçant un appui supposé des Etats-Unis et du Qatar aux islamistes au pouvoir en Tunisie.


Amnesty International (AI) a évoqué une affaire qui "met en lumière les attaques contre la liberté d'expression".
"Poursuivre en justice et condamner des personnes parce qu'elles ont exprimé pacifiquement leurs opinions, même si celles-ci peuvent être considérées comme totalement choquantes par certains est totalement inacceptable", a indiqué Hassiba Hadj Sahraoui, responsable d'AI.


La Fédération internationale des droits de l'Homme (FIDH) a, elle, mandaté une mission d'observation. "Nous sommes ici pour vérifier et constater que les instruments internationaux sont bien respectés dans ce procès", a dit à l'AFP un membre de la FIDH, Antoine Garapon. Ce procès "engage un principe fondamental qui est celui de la liberté d'expression et la liberté de la création", a ajouté ce magistrat français.


De nombreux avocats de la défense et de la partie civile poursuivaient jeudi après-midi leurs plaidoiries axées sur les libertés et le sacré. "Allah n'a mandaté personne pour le défendre", a lancé Me Faouzi Ben Mrad, un avocat de gauche. Ses confrères de la partie civile ont plaidé des limites à la liberté dès lors qu'il s'agit de "sentiments religieux".

Le gouvernement tunisien déclare avoir le devoir de défendre la morale publique mais ses adversaires laïques l'accusent d'utiliser l'appareil judiciaire pour réprimer les milieux qui ne se soumettent pas à l'orthodoxie religieuse.

 

En février dernier, Nassredine Ben Saïda, directeur d'un journal tabloïd, a été lui aussi condamné à huit jours de prison et à une amende pour avoir publié en "une" une photo d'un footballeur germano-tunisien et de sa compagne nue.

 

 

Pour Mémoire :

 

Tunisie : Après le porno, le nu en Une passe

Deux jeunes Tunisiens ont été condamnés à des peines de sept ans de prison ferme pour avoir diffusé sur le réseau social Facebook des caricatures de Mahomet, a fait savoir jeudi le ministère tunisien de la Justice.
"Ils ont été condamnés(...) à sept ans de prison pour attentat à la moralité et trouble à l'ordre public", a déclaré Chokri Nefti, porte-parole du ministère de la...

commentaires (0)

Commentaires (0)

Retour en haut