La mise en place du plan de l'émissaire international pour la Syrie, Kofi Annan, semblait de plus en plus compromise lundi à moins de vingt-quatre heures du retrait prévu des forces gouvernementales syriennes des zones résidentielles.
D'après le projet mis au point par l'envoyé des Nations unies et de la Ligue arabe et accepté par toutes les parties, l'armée de Bachar el-Assad doit commencer à se retirer d'ici mardi des zones urbaines, les forces de l'opposition s'étant engagées à observer un cessez-le-feu dans les quarante-huit heures qui suivront. La date-butoir pour ce cessez-le-feu est fixée à jeudi 06h00 locales.
Mais les autorités de Damas ont exigé dimanche des "garanties écrites" des "groupes terroristes armés", doutant que ceux-ci tiennent leurs promesses une fois que l'armée se sera retirée des centres urbains.
Pour Catherine Ashton, porte-parole de la diplomatie européenne, "il est totalement inacceptable de poser de nouvelles conditions à ce stade". Pékin, allié de Damas, a exhorté chacun à respecter ses "engagements".
La presse syrienne a annoncé que le ministre des Affaires étrangères, Walid Mouallem, se rendrait lundi à Moscou pour des entretiens avec son homologue Sergueï Lavrov au sujet de la mission Annan.
Selon les militants, les exigences de garanties écrites formulées par le régime ne sont qu'une énième tactique dilatoire alors que les violences ont fait plus de 100 nouveaux morts lundi, dont 35 dans des bombardements sur la province de Hama, selon l'Observatoire syrien des droits de l'Homme (OSDH).
"Le régime pensait que (d'ici le 10 avril), il reprendrait le contrôle des villes (rebelles). Comme ce n'est pas le cas, il essaie de gagner du temps", estime Rami Abdel Rahmane, président de l’OSDH. "Si le plan Annan ne marche pas, rien ne va marcher et la Syrie va plonger dans une longue guerre civile", a-t-il prévenu.
Les offensives de l'armée et les combats qui gagnent en ampleur entre soldats et déserteurs ont fait plus de 250 morts ces dernières 48 heures, selon l'OSDH.
Lundi, Ali Chaabane, un caméraman de la télévision libanaise al-Jadeed a été tué à la frontière entre les deux pays, par l'armée de Bachar el-Assad, selon la chaîne. Il s'agit du premier journaliste tué sur cette frontière depuis le début le 15 mars 2011 d'une révolte populaire en Syrie qui s'est militarisée au fil des mois face à la stratégie répressive de Damas.
En Turquie, deux Syriens et un interprète turc ont été blessés par des tirs "provenant du territoire syrien", a annoncé à l'AFP un diplomate turc.
Après cet incident, le premier du genre depuis le début de la révolte, un responsable des Affaires étrangères turques a appelé le chargé d'affaires syrien pour "demander que ces tirs cessent immédiatement", selon un diplomate turc.
D'autre part, deux Syriens sont décédés en Turquie après avoir été blessés dans la province d'Alep.
Mardi, M. Annan doit se rendre dans deux camps de réfugiés à Hatay, dans le sud de la Turquie qui accueille 25.000 Syriens.
L'offensive syrienne a fait capoter le plan Annan, a affirmé le vice-ministre turc des Affaires étrangères Naci Koru. "Il semble évident que le plan Annan ne sera pas appliqué", a-t-il dit, cité par Anatolie. "Une nouvelle période commencera à partir de demain", a ajouté le responsable.
Le Premier ministre turc Recep Tayyip Erdogan, proche de Damas devenu très critique, a menacé de prendre des "mesures" si la répression se poursuivait, sans préciser lesquelles.
Le journal Milliyet affirme que si le nombre de réfugiés dépasse les 50.000, Ankara envisagera la création de "couloirs humanitaires" à la frontière, protégés par l'armée turque.
Selon l'OSDH, les violences ont fait plus de 10.000 morts en un an et plus de 100.000 personnes sont ou ont été détenues pendant cette période.
Sur le terrain, l'armée bombardait des localités des provinces de Deir Ezzor (est) et d'Alep (nord), où des affrontements entre soldats et déserteurs ont éclaté près de la frontière turque, selon l'OSDH.
A Damas, une femme a été arrêtée pour avoir brandi devant le Parlement une pancarte dénonçant les "tueries" en Syrie, selon l'avocat des droits de l'Homme Anouar Bounni. Rima Dali, habillée en rouge le visage peint en blanc, a brandi devant le Parlement une pancarte sur laquelle était écrit "Arrêtez les tueries", a rapporté à l'AFP Dib al-Dimachqi, militant à Damas. "Des gens se sont arrêtés pour l'applaudir. Cela ressemblait à une petite manifestation. Les forces de sécurité sont arrivées et ont arrêté des gens", a-t-il ajouté.
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commentaires (8)
La loi de la jungle pour une Syrie qui opte de plus en plus au choix de la guerre civile . Antoine Sabbagha
Sabbagha Antoine
14 h 31, le 09 avril 2012