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À la frontière avec la Syrie, blessés et réfugiés cheminent entre les mines pour arriver au Liban

Plus de 6 500 réfugiés syriens se sont fait jusqu’à présent enregistrer auprès de l’UNHCR au Liban-Nord. Ils tentent de s’adapter à la vie au Liban en attendant la chute du régime de Bachar el-Assad.

Ils arrivent au Liban depuis avril dernier, et petit à petit, ils organisent leur vie. Ils ne rentreront pas chez eux avant la chute du régime. Photo MH

Tous les jours, des familles, des hommes, des femmes et des enfants traversent à pied la frontière entre le Liban et la Syrie, bravant tous les dangers. Ceci se passe au niveau des divers hameaux de Wadi Khaled, Akroum et Ersal. Même si la frontière est minée depuis novembre dernier, quelques passages restent praticables, mais dangereux. L’intervention de passeurs libanais et syriens est nécessaire, et les réfugiés franchissent la frontière à leurs risques et périls pour fuit l’enfer de fer et de feu à Homs.


D’ailleurs, c’est à travers ces quelques chemins qui sont encore ouverts que l’on parvient à faire passer à moto vers le Liban des hommes blessés en Syrie. Ils sont ensuite transportés vers les hôpitaux du Liban-Nord, notamment ceux de Tripoli.


Wadi Khaled a depuis toujours vécu de la contrebande entre le Liban et la Syrie: mazout, vivres, médicaments et toutes sortes de biens périssables. Cela se passait au vu et au su de tous.
Ici, la frontière entre le Liban et la Syrie a toujours été indéfinie, les habitants se rendant à pied, à dos d’âne ou à moto sans passer aucun poste frontalier. Côté libanais, il n’existe d’ailleurs qu’un seul poste de la Sûreté générale. Familles libanaises et syriennes se marient entre elles. Et les ouvriers syriens franchissent tous les jours illégalement la frontière pour travailler au Liban puis retourner chez eux.

Hausse des prix et pénurie de main-d’œuvre
Aujourd’hui, Wadi Khaled agonise économiquement. Vu la situation en Syrie, la contrebande est devenue impossible et le prix de toutes les denrées a renchéri. Les habitants qui avaient le trafic de produits pour seule ressource vivent des jours difficiles, surtout que beaucoup accueillent chez eux, depuis le début des événements en Syrie, des réfugiés.
Rami Khazaal est le moukhtar du village de Moukayblé. Sa maison est située non loin du seul poste frontalier libanais. Il indique que «tout a renchéri, le prix des bonbonnes de gaz, le mazout, les denrées alimentaires. Maintenant, le prix de toutes les marchandises vendues à Wadi Khaled est le même que celui pratiqué dans le reste du Liban».
La hausse des prix touche aussi les zones limitrophes de Wadi Khaled. Ces localités font face également à un autre problème: la pénurie de main-d’œuvre. Par exemple, beaucoup de chantiers de la localité maronite de Kobeyate, qui se trouve à 16 kilomètres de Wadi Khaled, avancent au ralenti.


«La plupart des ouvriers syriens qui travaillaient dans le secteur passaient tous les jours clandestinement la frontière et rentraient chez eux le soir. Aujourd’hui, la frontière est minée, ils sont donc bloqués en Syrie», explique le père carme Hayaf Fakhri.


M. Khazaal confirme ces informations. Notant que «tout le monde pouvait traverser librement la frontière sans passer par les douanes», il souligne qu’aujourd’hui, «il n’existe que peu de passages ouverts, à travers lesquels on fait passer des blessés et des réfugiés vers le Liban».


Il rappelle que «trois semaines plus tôt, deux Libanais ont trouvé la mort sous les tirs de l’armée syrienne», et «invite les autorités libanaises à être plus vigilantes et à mieux protéger la frontière nord».


Certes, l’armée a augmenté le nombre de ses effectifs à Wadi Khaled, mais selon plusieurs témoins, la troupe ne s’est pas vraiment déployée sur la ligne frontalière, où l’armée syrienne se permet parfois de tirer en direction du Liban.
Interrogé sur la possibilité de trouver à Wadi Khaled et au Liban-Nord des membres de l’Armée syrienne libre (ASL), le moukhtar de Moukayblé souligne: «Peut-être que parmi les réfugiés, il y en a qui ont combattu avant d’arriver au Liban. Une fois qu’ils sont ici, ils sont considérés comme des réfugiés. Ils n’ont plus d’armes et ne se battent plus. Celui qui veut faire la guerre ne se trouve pas chez nous mais en Syrie.»

Opérations nocturnes
Dans les rues de Wadi Khaled, beaucoup d’hommes se promènent à moto, outil de contrebande par excellence. Dans certaines maisons, on raconte à voix basse les opérations effectuées uniquement la nuit: ici, on aide les réfugiés à passer à pied la frontière contournant les mines antipersonnel, on transporte les blessés à moto jusqu’au Liban. Et on fait passer en Syrie des sacs de sang, des seringues et des médicaments.

Certains habitants de Wadi Khaled ne nient pas le trafic d’armes vers la Syrie. Tous soulignent cependant qu’il s’agit du passage de quelques fusils anciens que l’on transporte à moto ou à dos d’âne.


Selon les chiffres de l’UNHCR (Haut-Commissariat au Réfugiés des Nations unies), qui a ouvert un bureau à Kobeyate pour être présent auprès des réfugiés du Liban-Nord, on compte un peu plus de 6500 déplacés syriens
enregistrés.


«Nous travaillons conjointement avec les autorités libanaises et les organisations internationales pour les aider», souligne Alain Ghafari, responsable des opérations dans le secteur.
«Le plus grand flot de réfugiés est arrivé en mai dernier. Les entrées en territoire libanais se sont réduites depuis novembre dernier, les passages ayant été minés», explique-t-il. 

 

Sur les 6500 réfugiés, seuls 250 sont logés dans quatre écoles de la région. Les autres habitent chez des proches ou dans des maisons de location, dit-il.


Les réfugiés syriens installés à Wadi Khaled ne sont pas autorisés à franchir le barrage de Chadra qui mène vers Kobeyate, Halba ou encore Tripoli. Celui-ci est tenu par une force mixte de l’armée, des FSI, de la Sûreté générale et des services de renseignements de l’armée. Ces réfugiés ne peuvent donc pas se déplacer dans le reste du territoire libanais, encore moins trouver un emploi.


Aujourd’hui, les Syriens qui se trouvent au Liban savent qu’ils ne rentreront plus chez eux avant le départ de Bachar el-Assad. Ils essaient de s’organiser. Certaines familles vivent ensemble dans de petites maisons prêtées par des proches libanais, d’autres ont pu louer des appartements, d’autres encore sont toujours chez des proches et il y a ceux qui vivent dans les écoles.


Tous ont des histoires tristes à raconter: celles de parents ou de proches tués par les balles d’un franc-tireur ou des éclats d’obus, celles de militants ou même de simples passants qu’on arrête dans la rue, qu’on emprisonne et qu’on torture, celles de blessés qui meurent par manque de soins, celles de citoyens qui ont trop longtemps vécu humiliés dans leur propre pays.


Tous sont inquiets pour leur famille restée en Syrie, tous dénoncent «les alaouites», tous soutiennent l’Armée syrienne libre et tous rêvent du jour où Bachar el-Assad mourra.

Tous les jours, des familles, des hommes, des femmes et des enfants traversent à pied la frontière entre le Liban et la Syrie, bravant tous les dangers. Ceci se passe au niveau des divers hameaux de Wadi Khaled, Akroum et Ersal. Même si la frontière est minée depuis novembre dernier, quelques passages restent praticables, mais dangereux. L’intervention de passeurs libanais et...

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