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À La Une - Syrie

Edith Bouvier et William Daniels racontent leur évacuation de Homs

Les journalistes français disent s'être sentis "directement visés" par les tirs syriens, Paul Conroy accuse le régime d'avoir tué Marie Colvin.

Le sourire d'Edith Bouvier à son arrivée en France, hier soir. La journaliste française avait été grièvement blessée lors d'un bombardement à Homs, bastion de la rébellion syrienne, le 22 février dernier. Son évacuation, d'abord vers le Liban puis vers la France, fut difficile. Jacques Demarthon/AFP

Neuf jours. C'est le temps qu'aura duré, du 21 février au 1er mars, le terrible séjour syrien d'Edith Bouvier, reporter pour le quotidien français Le Figaro, et William Daniels, photographe indépendant. Neuf jours passés à Homs, bastion de la rébellion syrienne, et plus précisément dans le quartier rebelle de Baba Amr qu'ils avait rejoint clandestinement grâce aux réseaux de l'Armée syrienne libre (ASL), qui regroupe les déserteurs syriens. C'est le récit de ces neuf jours que Le Figaro livre aujourd'hui dans ses colonnes.

 

Pour Edith Bouvier et William Daniels, le reportage a viré au drame le 22 février, au lendemain de leur arrivée à Homs. Ce jour-là, le centre de presse tenu par les rebelles syriens est bombardé. Se trouvent dans le bâtiment, outre Edith Bouvier et William Daniels, de nombreux opposants Syriens, ainsi que d'autres journalistes étrangers : l'Américaine Marie Colvin qui travaille pour le Sunday Times, le Britannique Paul Conroy, photographe indépendant, le correspondant d'El Mundo, l'Espagnol Javier Espinosa, et le jeune photo reporter français, Rémi Ochlik.

 

"Il y a eu au moins cinq explosions successives, très proches. On avait vraiment l'impression que nous étions directement visés", expliquent les deux journalistes au Figaro.

 

"Les activistes syriens qui étaient avec nous, habitués à ces bombardements, ont compris tout de suite le danger. Ils nous ont dit, il faut s'en aller tout de suite", poursuivent Edith Bouvier et William Daniels. Marie Colvin et Rémi Ochlik ont été les premiers à sortir. Un projectile s'est abattu devant le centre de presse. "La déflagration est terrible. Marie Colvin et Rémi Ochlik se trouvent pratiquement sur le point d'impact. Ils sont tués sur le coup", rapporte le quotidien français.

 

Edith Bouvier, elle, est grièvement blessée. Elle ne peut plus bouger la jambe. "J'ai hurlé", se souvient-elle. Quand les bombardements se calment, les insurgés de l'Armée syrienne libre (ASL) évacuent les journalistes vers un hôpital de campagne puis dans une maison de Baba Amr. Edith souffre d'une fracture au fémur et doit être opérée.

 

Le 24 février, alors que les bombardements cessent un moment, plusieurs ambulances du Croissant-Rouge syrien se signalent. Mais aucune de la Croix-Rouge internationale.

"On avait peur que se produise quelque chose comme lorsque Gilles Jacquier avait été tué, par des prétendus tirs rebelles venus d'on ne sait où. On se disait, on va se faire tirer dessus, et les autorités diront les terroristes les ont tués", disent Edith et William au Figaro, qui poursuit : "Dans Baba Amr, tout le monde se souvient que plus personne n'a eu de nouvelle des blessés évacués précédemment par le Croissant-Rouge".

 

Le CICR ne pourra pas entrer, les ambulances du Croissant Rouge repartent. Vides.

 

Commence alors la série des tentatives d'évasion de Baba Amr, ce quartier rebelle assiégé et bombardé par les forces du régime.

 

Une première tentative à travers un tunnel, ou plutôt une galerie "haute d'à peine 1,60 mètre" où "l'on n'avance que plié en deux", échoue sous les bombardements syriens, dans la nuit du 26 au 27 février, seuls Paul Conroy et Javier Espinosa parvenant à être exfiltrés par l'ASL et à gagner le Liban cette nuit-là.

 

"On ne savait rien. On ne comprenait rien à ce qui se passait. La sortie était-elle bloquée ? Les soldats syriens allaient-ils descendre ? J'ai eu très envie de m'enfuir. Avant de me rappeler que j'étais immobilisée", témoigne Edith Bouvier transportée sur une civière et enroulée de ruban adhésif.

 

Le groupe comprenant les deux journalistes français réussit à rebrousser chemin à l'intérieur du souterrain et à regagner à moto l'hôpital de campagne de Baba Amr. Lors de cette évacuation catastrophe, Edith a été brinqueballée dans tous les sens, elle saigne au niveau de la tête. Les médecins de Baba Amr décident de l'opérer en urgence.

 

"Lorsqu'elle se réveille au petit matin, les rebelles syriens lui proposent de tenter le tout pour le tout. Il reste une solution, la plus risquée, mais c'est la dernière chance : sortir de Homs par un véhicule, le long d'un itinéraire secret. +On a accepté. On sentait qu'on était à bout, psychologiquement et physiquement, et qu'il fallait qu'on sorte+, dit Édith".

 

Comment alors un périple fou. Edith Bouvier et William Daniels vont de cachette en cachette, "accueillis, malgré les risques, dans des maisons par des habitants qui les saluent par leurs prénoms", raconte Le Figaro.

Dans la neige et la pluie, leur itinéraire est "ouvert par des éclaireurs qui reconnaissent les routes et les chemins détournés". "Ils se sont vraiment mis en danger pour nous, ils ont tout fait pour nous", confie Edith Bouvier, qui, comme William Daniels, rend hommage aux rebelles qui les ont exfiltrés.

 

En changeant plusieurs fois de véhicule (pick-up, camion), sur des chemins de montagne, les deux journalistes finissent par atteindre la frontière libanaise jeudi soir avant d'être rapatriés par avion hier vendredi en France.

 

Egalement blessé lors du bombardement du 22 février à Baba Amr, le photographe britannique Paul Conroy a, de son côté, déclaré dans une interview diffusée vendredi sur Sky News, que Homs est le théâtre non d'"une guerre" mais d'"un massacre aveugle".

 

Tous les matins, vers 06H30, les "bombardements commençaient" à Homs, a affirmé le photographe. "C'était presqu'une attaque psychologique (...). J'ai travaillé dans plusieurs zones de guerre. Je n'ai jamais vu ou vécu des bombardements comme ceux-là. C'était systématique", a poursuivi le journaliste de 47 ans.

 

Sur CNN, le photographe a dénoncé un "siège médiéval, une boucherie". 

 

Revenant sur la mort de sa collègue, la grande reporter de guerre, Marie Colvin, Paul Conroy dit qu'"elle était une personne unique. (...) Elle est morte en faisant quelque chose qui la passionnait (...) Elle voulait juste dire la vérité. Elle était horrifiée".

"J'étais là quand elle a été tuée, je sais qui l'a tuée", a-t-il ajouté sur CNN. "Il s'agit de professionnels de l'artillerie qui ont organisé, pris pour cible et assassiné Marie Colvin et Rémi Ochlick", a-t-il dit accusant directement le régime syrien.

 

Les dépouilles de Marie Colvin et de Rémi Ochlick sont arrivées vendredi soir à Damas. "Nous sommes en contact avec le Sunday Times pour faire les arrangements nécessaires au rapatriement" du corps de Marie Colvin, a simplement commenté le ministère britannique des Affaires étrangères, sans dire où la dépouille serait transportée.

 

Le quartier de Baba Amr, pilonné sans relâche par le régime pendant plus de 25 jours, a été pris jeudi par les troupes gouvernementales.

 

 

 

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Neuf jours. C'est le temps qu'aura duré, du 21 février au 1er mars, le terrible séjour syrien d'Edith Bouvier, reporter pour le quotidien français Le Figaro, et William Daniels, photographe indépendant. Neuf jours passés à Homs, bastion de la rébellion syrienne, et plus précisément dans le quartier rebelle de Baba Amr qu'ils avait rejoint clandestinement grâce aux réseaux...
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Parce que, dans un pays comme la Syrie, le mot «légalité» a un sens ? Heureusement qu'il y a encore des journalistes courageux pour aller voir ce qui se passe REELLEMENT dans le pays voisin. Car s'ils devaient se contenter des voyages-tous-frais compris de la propagande, l'opinion publique mondiale n'en saurait rien. Cela dit, quand ils ne sont pas tués, les journalistes parlent de la population syrienne en termes très amicaux. Edith Bouvier a reconnu que ce sont les habitants de ce quartier qui les ont sauvés, nourris... Et les Syriens ont compris que ces journalistes étaient venus d'ailleurs POUR LES AIDER. «Le silence tue»... P.S. Avez-vous déjà eu une fracture du fémur ? C'est un peu plus douloureux qu'un panaris.

Nayla Sursock

15 h 42, le 04 mars 2012

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Commentaires (5)

  • Parce que, dans un pays comme la Syrie, le mot «légalité» a un sens ? Heureusement qu'il y a encore des journalistes courageux pour aller voir ce qui se passe REELLEMENT dans le pays voisin. Car s'ils devaient se contenter des voyages-tous-frais compris de la propagande, l'opinion publique mondiale n'en saurait rien. Cela dit, quand ils ne sont pas tués, les journalistes parlent de la population syrienne en termes très amicaux. Edith Bouvier a reconnu que ce sont les habitants de ce quartier qui les ont sauvés, nourris... Et les Syriens ont compris que ces journalistes étaient venus d'ailleurs POUR LES AIDER. «Le silence tue»... P.S. Avez-vous déjà eu une fracture du fémur ? C'est un peu plus douloureux qu'un panaris.

    Nayla Sursock

    15 h 42, le 04 mars 2012

  • Les correspondants de guerre sont devenus plus important que les gens sur qui ils font un reportage . Paul Convey , Edith Bouvier ( motocycletiste professionelle avec un femur fracturée !) sont devenus des heros, mais que dire des syriens qui ont ete tues a cause de leur desinformation OU pour les sauver. Est ce qu 'on va jamais connaitre leurs noms ??? Domage Les bureaux de presse de Londres , Paris etc n 'ont pas le meme enthousiasme d 'envoyer leur correspondant a Gaza , au sud Liban (2006 ) nord Liban ( 2007 ) qu 'ils ont a les envoyer a Homs meme illegalement ....... Alexis Klimoff

    Klimoff Alexis

    12 h 40, le 04 mars 2012

  • Vous avez raison, Monsieur Safa. Ils sont tellement endoctrinés qu'ils considèrent les informations de SANA (qui véhicule uniquement de la propagande au service du régime syrien) et des sites apparentés au FN, aux révisionnistes et antisémites comme parole d'Evangile.

    Nayla Sursock

    05 h 38, le 04 mars 2012

  • Ce qui est rapporté ici est bien évidemment en totale contradiction avec les propos sirupeux, mensongers et hypocrites de l'ambassadeur syrien qui tentaient de nous faire avaler des couleuvres avec ses airs de Ste Nitouche. Exactement la même attitude de certains internautes ICI, plus faux jetons, tu meures!

    Paul-René Safa

    02 h 31, le 04 mars 2012

  • Ce reportage de l'AFP ne contient pas un mot sur la "libération de Homs-Le Golan" par le régime de Bachar al-Assad. C'est un scandale !

    Halim Abou Chacra

    07 h 47, le 03 mars 2012

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