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À La Une - Crise

Ils vivent ou travaillent en Syrie, ils témoignent

L’une est occidentale et travaille en Syrie en tant qu’expatriée. L’autre est Syrienne, catholique, et vit à Damas. Pour Lorientlejour.com, elles témoignent de la dégradation de la situation. Pour des raisons évidentes de sécurité, elles restent anonymes.

Coupures d'électricité, hausse des prix, bruit des tirs... En Syrie, le quotidien devient de plus en plus difficile. Louai Beshara/AFP

La dernière fois que Souad* est venue au Liban, elle y est restée une semaine. Elle y serait bien restée plus longtemps, d’autant plus qu’elle y possède un appartement. Mais son époux a insisté pour rentrer en Syrie.

 

Souad, 67 ans, vit à Damas. Catholique, cette Syrienne vit dans un quartier chrétien de la capitale syrienne, relativement proche de Douma et Harasta, deux secteurs où les manifestations anti-régime et la répression sont fréquentes.

 

"Nous entendons les bruits des tirs dans tout Damas. Chez nous, le vacarme est devenu tellement insupportable que nous sommes obligés de pousser le son de la télévision au maximum pour pouvoir dormir. Dehors, la capitale devient ville fantôme vers 17h car les rues se vident à la nuit tombée", explique-t-elle à l'orientlejour.com.

 

Au début de la crise, Souad venait une fois par mois à Beyrouth, pour quelques jours seulement. Avec la dégradation de la situation, cette Syrienne travaillant dans le domaine pharmaceutique a multiplié les visites au pays du cèdre. En ces temps de crise, elle se réjouit que ses enfants soient établis à l’étranger.

 

"Pour regarder al-Jazira ou al-Arabiya, je tire les rideaux et je baisse le volume de la télévision afin que les voisins ne sachent pas que je regarde ces chaînes. Si le téléphone sonne, j'éteins la télé. Nous vivons dans une peur constante, nous n’avons confiance en personne", raconte-t-elle. "Je ne parle avec personne de la situation, à l’exception de mon amie qui m’appelle de temps en temps. Et nous utilisons des codes pour évoquer la crise", poursuit-elle.

 

Outre la peur et le bruit oppressant des tirs, la gestion du quotidien devient de plus en plus difficile. "Les prix de tous les produits de base varient désormais selon l’humeur des commerçants, en dehors de tout contrôle gouvernemental. C’est comme s’il n’y avait plus de gouvernement", affirme-t-elle.

 

Les Etats-Unis et l'Union européenne ont lancé en avril 2011 leurs premières sanctions économiques contre le régime de Bachar el-Assad et ses dignitaires. Ils ont depuis durci plusieurs fois ces mesures pour sanctionner Damas. La Ligue arabe a aussi adopté des sanctions économiques sévères contre la Syrie. Dimanche dernier, Fayçal al-Qodsi, important homme d'affaires syrien et fils d'un ancien président, expliquait à la BBC que les sanctions occidentales et arabes "touchent tout le pays et n'affectent pas seulement le régime".

 

En raison des sanctions et de la crise, la livre syrienne a perdu beaucoup de sa valeur, et les prix ne cessent de grimper. Le prix du café est passé de 350 à 450 Livres syriennes en moins d’une semaine, explique Souad. Le prix de la coriandre a quintuplé. Le prix de l’essence, qui est pourtant fixé par le gouvernement, est passé de 850 à 1.500 LS en l’espace de quelques jours la semaine dernière, poursuit-elle. Même les produits subventionnés par le gouvernement, comme le riz ou le sucre, se vendent à des prix beaucoup plus élevés. Le sucre a augmenté de 150 livres du jour au lendemain et trois usines de sucre ont d’ailleurs fermé au cours des derniers mois.

 

Au-delà des prix des produits, c’est l’industrie et les compagnies syriennes qui sont menacées. Selon Souad, plusieurs usines pharmaceutiques, par exemple, sont sur le point de faire faillite. Plusieurs d’entre elles ont arrêté de produire des médicaments en raison du refus du ministre de la Santé d’augmenter les prix à la vente. Les producteurs ne peuvent plus gérer la différence entre le coût d’achat des produits, en hausse, et le prix de vente des médicaments, toujours gelé.

 

Certaines entreprises étrangères commencent à envisager la possibilité de cesser totalement leurs activités en Syrie, confirme une source occidentale travaillant pour une multinationale implantée en Syrie.

 

De fait, les entreprises n’échappent pas aux difficultés liées à la gestion du quotidien en temps de crise. Selon la source occidentale, certaines usines doivent faire face à des coupures d’électricité de 24 ou 48 heures chaque semaine. Le manque de fuel commence à être criant. Et les communications, terrestres et mobiles, ne fonctionnent pas toujours, une entrave sérieuse à la poursuite du travail.

 

Les déplacements et les livraisons deviennent également de plus en plus risqués, alors que la criminalité se développe à travers le pays. Des magasins sont braqués, des camions livrant différents matériaux détournés.

 

Autre cause de souci : les barrages militaires sur les routes. Des barrages auxquels les automobilistes sont arrêtés et parfois durement interrogés. Pour protéger un tant soit peu leurs employés, certaines entreprises les ont dotés de lettres de recommandation. Autre solution, adoptée par certaines compagnies, la location d’appartements non loin de l’usine ou des bureaux, afin de limiter au maximum les déplacements des employés.

 

Selon la source occidentale, la dégradation de la situation exaspère de plus en plus la majorité silencieuse, qui commence à se demander si "ce n’était pas mieux avant".

 

Mais pour Souad, le problème se situe toujours au niveau du régime et des Assad.

 

"Il est inconcevable qu’une seule famille monopolise le pouvoir dans le pays. La communauté alaouite ne peut pas dénier aux sunnites, majoritaires dans le pays, le droit de gouverner. Avant l’arrivée du parti Baas au pouvoir, les chrétiens vivaient en harmonie avec les musulmans. Ces derniers nous respectaient beaucoup, notamment parce que nous avons combattu à leurs côtés pour l’indépendance de la Syrie, contre les Français", explique la Syrienne.

"D’ailleurs, plusieurs Premier ministres chrétiens se sont succédé au pouvoir avant le régime Assad, dont Farès el-Khoury (1944-1945 et 1954-1955). Nous n’avons pas peur des musulmans", conclut-elle.

 

*Le prénom a été modifié.

 

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La dernière fois que Souad* est venue au Liban, elle y est restée une semaine. Elle y serait bien restée plus longtemps, d’autant plus qu’elle y possède un appartement. Mais son époux a insisté pour rentrer en Syrie.
 
Souad, 67 ans, vit à Damas. Catholique, cette Syrienne vit dans un quartier chrétien de la capitale syrienne, relativement proche de Douma et Harasta, deux...

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