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La gazette des législatives

Biden au Liban : L’aide américaine liée aux résultats du vote du 7 juin

Pas de négociations régionales aux dépens du Liban, attachement à un règlement de paix régional fondé sur les deux États palestinien et israélien, existence d'un lien entre les résultats du vote du 7 juin et la nature de l'aide américaine étaient les trois « messages » de la visite au Liban effectuée hier par le vice-président américain, Joe Biden.

Ni Hillary Clinton ni Jeffrey Feltman ne l'avaient dit aussi clairement ; le vice-président américain, Joe Biden, a affirmé hier que le volume et la nature de l'aide américaine au Liban sont liés aux résultats du vote du 7 juin. Une affirmation que contrebalance - mais combien ? - une autre phrase dans laquelle M. Biden affirme « n'être venu soutenir aucune partie ou institution » politique au Liban... Couronnement de cette ambiguïté : au cours d'une cérémonie à l'aéroport, le ministre de la Défense, Élias Murr, affirmait pour sa part que l'aide militaire américaine au Liban « n'est assortie d'aucune condition politique ».
Pour le Hezbollah, la visite de Biden, qui intervient après celle, en avril, de la secrétaire d'État Hillary Clinton, relève d'une ingérence dans les affaires libanaises. « Le grand intérêt porté par les Américains au Liban suscite de forts soupçons quant aux véritables motifs de cet intérêt, en particulier parce que c'est devenu une intervention évidente et précise dans les affaires libanaises », a affirmé hier un communiqué du Hezbollah.
En tout état de cause, la visite hier du vice-président américain au Liban était particulièrement significative. Entourée d'importantes mesures de sécurité, elle a provoqué des embarras de circulation, durant les temps de déplacement du responsable américain, qui s'est rendu à Baabda, Hazmieh (chez Mme Nayla Moawad), ainsi qu'à Aïn el-Tiné, au Sérail et à l'Aéroport Rafic Hariri.

En deux temps
La rencontre de M. Biden avec le président, vers midi, s'est faite en deux temps : un tête-à-tête d'abord, suivi d'une réunion élargie, en présence notamment, côté libanais, du ministre des Affaires étrangères, Faouzi Salloukh, et de l'ambassadeur libanais à Washington, Antoine Chédid, côté américain, de M. Jeffrey Feltman, secrétaire d'État adjoint pour les Affaires du Proche-Orient. Dans les cercles officiels, on affirmait hier soir que la visite de M. Biden, la première d'un responsable américain de ce rang depuis 1983, était « excellente et utile ». En saluant le chef de l'État, le responsable américain lui a transmis les salutations du président Barack Obama et son appui « à un Liban souverain, libre et fort » dans ses institutions, et réaffirmant devant le chef de l'État qu'aucun accord ne se fera dans la région aux dépens du Liban, et qu'il fallait en être « certain ». « No doubt of that ! » a-t-il lancé.
Selon les cercles officiels cités, Biden a assuré à ses hôtes que sa visite n'a pas pour but d'appuyer un camp plutôt qu'un autre. Toutefois, le responsable américain s'est montré particulièrement enthousiaste qu'un scrutin législatif soit en cours de préparation, et a appelé à une participation massive à cette consultation, qu'il a souhaitée « démocratique, libre et intègre ». Il y a ainsi vu un des éléments de stabilité du Liban et un des fondements de ses relations internationales. M. Biden a même été jusqu'à dire qu'il n'imagine pas que la région puisse connaître une quelconque stabilité, sans un Liban lui-même stable. Il a par ailleurs appuyé un règlement régional basé sur la formule de deux États, israélien et palestinien.
Par ailleurs, M. Biden a annoncé que Washington est déterminé à envoyer dans la région M. George Mitchell, comme émissaire spécial, précisant que le président américain avait déjà informé Israël de cette décision. Selon lui, M. Obama est convaincu que « les circonstances sont favorables à la reprise du processus de paix ». Selon les cercles cités, le président Sleiman aurait de son côté affirmé que le Liban est prêt à participer à une conférence de paix globale, comme il a rappelé que toute solution prévoyant une implantation des Palestiniens au Liban est exclue, aux yeux des Libanais.

20 millions de dollars pour le tribunal
À l'issue de la visite à Baabda, Le président Sleiman et M. Biden ont tenu une brève conférence de presse dans laquelle ils ont fait des déclarations, sans répondre aux questions des journalistes.
Le chef de l'État a affirmé que le vice-président américain lui avait transmis les salutations du président Obama et son appui à la souveraineté du Liban, à ses institutions constitutionnelles, au tribunal international, et « l'engagement de son pays à fournir à l'armée l'équipement nécessaire à sa mission de maintien de la sécurité et de lutte contre le terrorisme ». M. Biden a rappelé par la suite que les États-Unis avaient dépensé 20 millions de dollars pour appuyer le Tribunal international pour le Liban.
Pour ma part, a enchaîné le président, j'ai informé M. Biden des préparatifs électoraux en cours, qui doivent donner une nouvelle vigueur à la vie des institutions et faire avancer un processus de réforme, comme de notre attachement aux « valeurs communes, aux droits de l'homme et aux libertés publiques inscrits dans les Constitutions des deux pays ». Et d'ajouter : « J'ai insisté sur la détermination du Liban à rester attaché au dialogue, à l'entente et à la convivialité. »
 Par ailleurs, le chef de l'État a affirmé avoir informé son hôte des violations israéliennes de la souveraineté libanaise et du démantèlement de réseaux d'espionnage au profit d'Israël. « J'ai également fait part des inquiétudes du Liban à l'égard des manœuvres israéliennes », a dit le chef de l'État, avant d'insister sur l'importance d'un règlement régional sur base de l'accord de Madrid et de l'initiative de paix arabe.

Les conditions de l'aide
De son côté, et après avoir dit son admiration pour le Liban qu'il a déjà visité en 1983, M. Biden a affirmé qu'il se trouve au Liban pour dire trois choses : Que le peuple libanais doit choisir ses dirigeants librement et tout seul ; que la souveraineté du Liban n'est pas négociable ; que l'État libanais seul est responsable du peuple libanais, de sa liberté qui repose sur son attachement aux résolutions internationales.
« Les États-Unis détermineront leur programme d'aide en fonction de la composition et des politiques du (prochain) gouvernement », a-t-il affirmé.
Rappelant que l'administration Obama a réitéré « son engagement à une paix globale » dans la région, M. Biden a prévenu les Libanais de ne pas soutenir les parties qui entravent, selon lui, les efforts de paix ». J'appelle ceux qui pensent se ranger du côté des parties hostiles à la paix à ne pas rater cette occasion (la paix dans la région) et à s'éloigner de ces gens-là », a déclaré le vice-président américain. « Le Liban peut être un modèle de paix et de réforme au Moyen-Orient », a dit Biden.
Sans citer le Hezbollah, il a déclaré que les États-Unis tenaient pour principe que « l'État libanais, qui rend des comptes au peuple libanais, est le défenseur de la liberté libanaise ».
Par contre, le vice-président américain a exhorté les Libanais à se rendre aux urnes en masse, pour provoquer le changement, à l'image de ce qui s'est passé aux États-Unis lors de l'élection du président Obama, où des millions de personnes, qui ne l'avaient jamais fait, ont voté.
M. Biden s'est ensuite rendu à Hazmieh, au domicile de Mme Nayla Moawad, pour y rencontrer les principaux pôles du 14 Mars. Un grand absent à cette réunion, Nassib Lahoud, qui marquait ainsi sa réprobation de voir Camille Ziadé contraint de se retirer de la bataille électorale dans le Kesrouan, comme lui-même l'avait fait de la bataille du Metn.
De source proche de la réunion, on affirmait qu'elle avait été « excellente » et que le vice-président américain a apporté son soutien à toutes les constantes du 14 Mars, répétant qu'il n'y aura « pas de négociations sur l'avenir du Liban » et que notre pays « est très important pour les États-Unis ».
De leur côté, les pôles du 14 Mars ont notamment exprimé leur « inquiétude » à l'égard des visées d'Israël dans la région et, surtout, réaffirmé que le dossier des armes du Hezbollah doit être exclusivement réglé à travers un dialogue interlibanais.
M. Biden a ensuite rencontré le président de la Chambre, Nabih Berry, et le Premier ministre, Fouad Siniora. Il a clôturé sa visite à l'Aéroport international Rafic Hariri où étaient exposés des équipements militaires, dont des chars, des blindés et des hélicoptères, qu'il a présentés comme faisant partie de l'aide militaire américaine au Liban depuis 2005, qui s'élève à 500 millions de dollars.
« Nous pensons qu'il est crucial que vous puissiez mener à bien votre mission, celle de défendre l'État et les citoyens du Liban », a-t-il dit en présence du ministre de la Défense Élias Murr.
« Il faut qu'il y ait une seule armée, une force capable de contrôler votre pays », a-t-il martelé, promettant de livrer au Liban des hélicoptères et des drones.

Pas de négociations régionales aux dépens du Liban, attachement à un règlement de paix régional fondé sur les deux États palestinien et israélien, existence d'un lien entre les résultats du vote du 7 juin et la nature de l'aide américaine étaient les trois « messages » de la visite au Liban...