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II- Priorité du HCR : éviter que les réfugiés au Liban soient jetés en prison

Les documents délivrés par le Haut-Commissariat n’ont aucune qualité officielle, rétorque la Sûreté générale

La direction générale de la Sûreté générale, répondant aux questions de L'Orient-Le Jour, met en garde contre le danger, pour le Liban, de l'immigration clandestine et insiste sur la nécessité de mieux contrôler les frontières. Malgré un accord avec le HCR, elle avoue ne pas reconnaître le caractère officiel des documents de réfugiés délivrés par l'organisation. Elle occulte toutefois les questions relatives au rapatriement et à l'exploitation des clandestins.

L'Orient-Le Jour : À quelles nationalités appartiennent les étrangers qui traversent la frontière de manière illégale entre la Syrie et le Liban ?
Sûreté générale : « Les étrangers qui entrent de manière illégale au Liban sont généralement des Égyptiens, des Irakiens, des Soudanais, des Syriens, des Bangladais, des Indiens... »

OLJ : À combien estime-t-on le nombre de clandestins qui entrent au Liban chaque année ?
SG : « Les chiffres varient entre 1 500 et 1 900 personnes. »

OLJ : Quel est le nombre de Soudanais qui entrent au Liban de manière illégale ? Pour quelles raisons choisissent-ils le Liban ?
SG : « (N'ayant pas de chiffres sur l'entrée illégale de Soudanais, la Sûreté générale donne les chiffres des régularisations).
En 2004, 645 personnes ont régularisé leur situation. En 2005, 673 personnes, en 2006, 615 personnes et en 2007, 486 personnes l'ont fait. Par ailleurs, jusqu'à fin 2008, 598 Soudanais résidaient légalement au Liban.
Quant à la raison principale de l'entrée clandestine de ces personnes au Liban, elle est liée à l'immigration économique et à la recherche d'emploi. D'autre part, l'objectif essentiel des Soudanais arrivant du Darfour est de présenter une demande d'asile auprès du HCR à Beyrouth pour obtenir le statut de réfugié et pour être réinstallés dans un pays tiers (États-Unis, Australie, Canada...). »
OLJ : Comment l'État libanais se comporte-t-il à l'égard de ces migrants, compte tenu que la main-d'œuvre soudanaise est appréciée et utile ? Adopte-t-il une politique particulière à l'égard de ceux qui fuient les conflits et entrent au Liban en tant que réfugiés ? Combien de Soudanais ont-il été rapatriés ?
SG : « L'État libanais et la direction générale de la Sûreté générale ne font aucune distinction entre un étranger et un autre. Ils appliquent à tous la même loi de 1962 liée aux étrangers. Tout étranger qui entre dans le pays et y séjourne de manière illégale sera ainsi considéré comme immigrant clandestin. Des mesures légales seront alors prises à son encontre. Par ailleurs, la direction générale de la Sûreté générale ouvre régulièrement la voie aux régularisations, pour permettre à tous les étrangers qui se sont introduits au Liban de manière clandestine et qui y résident illégalement de rester au Liban et d'y travailler en toute légalité, après avoir réussi à se trouver un garant. Quant aux réfugiés et aux demandeurs d'asile, il existe un protocole d'accord les concernant, entre la Sûreté générale et le HCR, jusqu'à ce qu'une solution définitive à leur présence au Liban soit trouvée, par le moyen de leur retour volontaire dans leur pays ou leur réinstallation dans un pays tiers. »

OLJ : Quelles sont les formalités que doit faire un clandestin soudanais pour régulariser sa situation ? Combien cela lui coûte-t-il au total par an ?
SG : « Aucun étranger ne peut régulariser sa situation au Liban en dehors de la période définie par la Sûreté générale. La première étape consiste pour le clandestin à se trouver un garant et à s'acquitter d'une amende de 950 000 LL pour régulariser sa situation. Il aura alors une période de grâce de trois mois pour obtenir son permis de travail et sa carte de séjour.
Quant aux tarifs du permis de travail, ils varient en fonction de la catégorie professionnelle à laquelle appartiennent les étrangers. Ceux appartenant à la troisième catégorie (les ouvriers agricoles, agents de surface et concierges) paient 480 000 LL. Ceux appartenant à la deuxième catégorie (les ouvriers spécialisés, les ouvriers d'empaquetage et les techniciens) paient 1 200 000 LL. Enfin, les étrangers appartenant à la première catégorie, les directeurs et les patrons paient 1 800 000 LL.
La majorité des travailleurs soudanais appartiennent à la troisième catégorie et paient aussi, pour leur carte de séjour annuelle, la somme de 400 000 LL.
Par ailleurs, le garant ou employeur doit déposer une garantie bancaire de 1 500 000 LL pour chaque étranger qu'il emploie. Cette garantie est récupérable au moment du départ de l'étranger. »

OLJ : Lorsqu'ils sont arrêtés à des barrages des forces de l'ordre, certains Soudanais racontent qu'ils sont rackettés avant d'être relâchés. Une enquête est-elle menée à ce propos ?
SG : « La direction générale de la Sûreté générale reçoit uniquement les Soudanais qui lui ont été transférés de manière légale par les autorités compétentes, après qu'ils eurent purgé leur peine. Elle prend alors la décision concernant leur séjour au Liban. »

OLJ : Combien d'entre eux sont-il en prison actuellement ?
SG : « Dans le dépôt de la Sûreté générale se trouvent actuellement 38 détenus soudanais qui ont purgé leur peine et dont le séjour au Liban est à l'étude. Concernant le nombre de Soudanais dans les autres prisons libanaises, il ne dépasse pas les 60 détenus qui purgent actuellement leurs peines pour avoir commis des crimes d'ordre pénal ou pour avoir enfreint le code d'entrée ou de séjour au Liban. »

OLJ : Quels sont les problèmes liés à la présence de Soudanais au Liban ?
SG : « Il n'existe pas de problèmes particuliers liés à la présence de Soudanais au Liban, mais le problème global réside dans le nombre important d'immigrés clandestins de toutes les nationalités, qui vivent et travaillent au Liban de manière illégale, depuis de longues années.
Le Liban est un petit pays qui a une composition démographique spéciale. Sur son territoire se trouvent 440 000 réfugiés palestiniens et 100 000 réfugiés irakiens, dont une grande partie sont illégaux. La présence des immigrés clandestins est donc un problème essentiel au Liban et se répercute négativement sur son économie.
Le contrôle des frontières est essentiel pour faire cesser ce déferlement de clandestins. Car en dépit de sa situation difficile, le Liban reste un pays refuge pour de nombreux migrants, légaux ou illégaux, vu les opportunités de travail qu'il offre et vu la restriction des libertés dans certains pays environnants. »

OLJ : Lorsque le HCR leur délivre des papiers de réfugiés, leur situation est-elle prise en considération par les autorités ?
SG : « La seule autorité autorisée à délivrer des cartes (de demandeurs d'asile ou de réfugiés) est la direction générale de la Sûreté générale, sur base du protocole d'accord signé avec le HCR au Liban. Ces cartes sont légales et permettent à leurs détenteurs de résider et de se déplacer sur le territoire en toute liberté.
Quant aux "documents" délivrés par le HCR, ce sont de simples certificats d'enregistrement auprès de l'organisation qui n'ont aucun effet juridique et qui ne donnent pas le droit de séjour sur le territoire libanais. Ces papiers permettent uniquement à leurs détenteurs d'avoir accès à leurs dossiers auprès du HCR. »

OLJ : Les autorités libanaises envisagent-elles de faciliter les formalités des ouvriers soudanais, pour leur permettre d'entrer au Liban de manière légale ?
SG : « La main-d'œuvre soudanaise est autorisée à obtenir des visas de manière anticipée, en fonction de la décision ministérielle de 2002. »
La direction générale de la Sûreté générale, répondant aux questions de L'Orient-Le Jour, met en garde contre le danger, pour le Liban, de l'immigration clandestine et insiste sur la nécessité de mieux contrôler les frontières. Malgré un accord avec le HCR, elle avoue ne pas reconnaître le caractère...