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INSTALLATION - À l’Espace topographie de l’art de Paris « Où sommes-nous » ? Le cri du tandem Hadjithomas-Joreige

À l’Espace topographie de l’art de Paris, les cinéastes et plasticiens Joana Hadjithomas et Khalil Joreige questionnent, à travers leurs documentaires, installations photographiques et vidéos, certaines réalités libanaises, la production d’images et l’écriture de l’histoire. L’exposition laisse transparaître une notion sur laquelle le couple s’est longuement attardé ces dernières années ; la notion de « latence », définie comme ce que l’on ne voit pas, mais qui est bien présent. Une latence nettement ressentie dans l’installation vidéo Distracted Bullets (Balles distraites, sous-entendu balles perdues). Dans cette installation de 15 minutes défilent cinq vues panoramiques de Beyrouth de nuit, à l’occasion de cinq événements différents entre 2003 et 2005 (fête de la Croix, réélection du président Émile Lahoud, le Nouvel An, réélection du président de la Chambre, Nabih Berry, libération de Samir Geagea). Les feux d’artifice et tirs fusent à chaque fois de quartiers différents, et mettent en évidence une cartographie des divisions. Divisions longtemps retenues à l’état de latence. Les balles perdues lors de ces événements tueraient de nombreuses personnes, sans que ces décès ne fassent l’objet de recensements. Les artistes s’interrogent alors : que recense l’histoire ? De quels morts se souvient-elle ? Ces questions résonnent également dans la frise photographique de 6m30 intitulée... Un lointain souvenir. Sur cette frise sont présentés en parallèle les 34 poteaux de l’avenue de Ouzaï, photographiés en 2001, puis en 2007. De nombreuses affiches de « martyrs » ont disparu, et celles qui restent, ternies par le temps, ornent désormais des poteaux repeints en l’honneur de la toute dernière « victoire ». Cette juxtaposition de traces d’événements et de guerres à temporalités distinctes est déroutante et donne l’impression d’un « glissement temporel », également au cœur des deux installations photographiques : Les panneaux de Khiam et Trophées de guerre. Les panneaux de Khiam est une série de photographies représentant les panneaux métalliques dressés sur les ruines du musée de Khiam – antérieurement camp de détention – qui montrent le camp-musée tel qu’il était avant sa destruction en 2006. Quant à Trophées de guerre, il s’agit de photographies de véhicules militaires abandonnés au Sud par Israël en 2000, exposés au musée de Khiam, avant d’être détruits en 2006. Ces installations placent le spectateur face à une mise en abîme déconcertante, à laquelle le titre fait très justement écho : Où sommes-nous ? Dans quel lieu, évidemment – sur une ruine, la ruine d’un musée, la ruine du musée d’un ancien camp – mais surtout, où sommes-nous sur l’axe du temps ? De quelle guerre parle-t-on ? Quelle trace est reliée à quel événement ? Quel monument conserver ? Quelle valeur accorder à chaque pièce de ce passé ? De fait, comment écrire l’histoire ? C’est ce que se demandent, dans le documentaire Khiam, deuxième partie (2007), d’anciens détenus de la prison, interrogés en 1999 par les cinéastes dans leur documentaire Khiam, pour tenter d’imaginer ce camp, à l’époque inaccessible. Alors que d’aucuns soutiennent la reconstruction du musée à l’identique, d’autres proposent l’archivage de la parole et l’écriture. Une écriture qui perdrait toute sa portée en dehors d’une démarche collective. C’est ce qui est souligné par ceux de ces ex-détenus qui évoquent l’accaparement du musée par un certain parti politique. Une exposition d’une extrême intelligence, dont l’agencement confère rétrospectivement à chacune des pièces la plénitude de son sens. Des artistes passionnément enracinés dans les réalités de leur pays. Sarah HATEM
À l’Espace topographie de l’art de Paris, les cinéastes et plasticiens Joana Hadjithomas et Khalil Joreige questionnent, à travers leurs documentaires, installations photographiques et vidéos, certaines réalités libanaises, la production d’images et l’écriture de l’histoire.
L’exposition laisse transparaître une notion sur laquelle le couple s’est longuement attardé ces...