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Actualités - REPORTAGE

Carnet de voyage - Une étudiante libanaise de l’École centrale de Paris raconte son périple indien V - Mariages arrangés, cuisine épicée

Comme chaque lundi (voir également notre numéro du 2 août), « L’Orient-Le Jour » publie le périple indien de notre lectrice Sarah Hatem. Mlle Hatem est arrivée à Madras avec dix camarades de l’École centrale de Paris, pour aider à la construction d’une école sur un chantier dont ils ont assuré le financement. Voici le récit de son voyage : Dimanche dernier nous étions invités à déjeuner par la famille de Palaji, l’ingénieur qui dirige le chantier. Dans le bus qui nous emmène a Ramamurtidhyagar, petite ville dans la banlieue de Bangalore où réside la famille de Palaji, je tombe sur un guide touristique Dimesh Kumar qui parle parfaitement bien français. Je saute aussitôt sur l’occasion et le bombarde de questions notamment sur les mariages arrangés en Inde. Il éclate de rire et me répond que ses parents lui ont à ce jour présenté une trentaine de filles qu’il a toutes refusé d’épouser, et qu’ils se sont résignés à lui laisser le choix. Ce qui n’empêche pas Dimesh Kumar d’affirmer que le mariage arrangé est une sécurité pour le couple indien qui, grâce au soutien familial, ne se brisera jamais. Allez comprendre leur logique ! Je pense alors aux house mothers de SEED qui, lorsqu’on leur pose la question, rétorquent instantanément : « Les parents arrangent. » Je pense à Punitalakshmi, dont les maigres rentrées familiales (2 000 roupies par mois, soit 40 $) ne lui permettront jamais de rassembler la somme de 100 000 roupies requise pour se marier « correctement ». D’ailleurs, le seul garçon dont elle soit tombée amoureuse, a cessé de la fréquenter dès qu’il a compris qu’elle n’avait pas de dot. Je pense aussi à Palaji qui n’a pas pu épouser la jeune fille dont il s’était épris à l’université, parce qu’elle etait promise à un autre homme. Je pense aux accidents domestiques, « les dowry murer », commis par les belles-mères qui cherchent à se débarrasser d’une bru dont la dot est trop modeste. Et que puis-je répondre à Hemelatha lorsqu’elle me lance, résignée : « It’s our culture », c’est notre culture. L’amour n’a malheureusement pas – ou du moins peu – de place dans le mariage indien. Riz blanc à la cannelle, poulet biryani au safran La maison de l’oncle de Palaji semble être l’une des plus cossues du quartier, et la propreté à l’intérieur contraste avec la saleté des rues. Certes, pour un Occidental, l’équipement peut paraître bien dérisoire, mais posséder un logement doté de plusieurs chambres, d’une cuisine, de toilettes... est ici une preuve d’appartenance à une certaine classe sociale. À notre arrivée, nous sommes reçus par les deux cousines, Amuradha et Anipama, qui sont respectivement institutrice et professeur d’histoire. On nous fait entrer dans la salle de séjour, qui sert aussi de salle à manger. Aussitôt les présentations faites, Monish et Tarum, les jeunes neveux, s’empressent de dérouler deux nattes sur le sol, et nous nous y asseyons en tailleur. À notre grande surprise, seul Palaji se joint à nous. Le reste de la famille se tient debout, en silence, et nous observe. La situation est d’autant plus embarrassante que les femmes tiennent absolument à nous servir. Les plats sont présentés sur des feuilles de bananier. Et il faut faire preuve d’audace et de tact pour freiner la maîtresse de maison dans sa lancée, sans quoi votre feuille de bananier arrive rapidement à saturation. Je tiens ici à remercier nos chères maîtresses de maison libanaises qui m’ont si souvent mise à l’épreuve et sans qui j’aurais été contrainte d’avaler une portion beaucoup trop grosse pour mon petit estomac. Au menu, riz blanc à la cannelle mélangé à des petits pois, poulet biryani au safran, thon grillé, et jardinière de légumes. À la vue de tant de délices, vous plongez maladroitement votre main droite dans votre « assiette », et ce n’est qu’une fois le mets au contact de votre langue que vous découvrez – quand il est trop tard pour revenir en arrière – que le plat est assaisonné d’une sauce on ne peut plus épicée. D’urgence, vous avalez une gorgée de « tair », doux mélange de lait caillé, d’oignons et de concombres qui éteint le feu qui avait pris dans votre gorge. Anipama nous tend ensuite d’étranges bouchées que nous hésitons d’abord à croquer. Mais, sous le regard insistant de nos hôtes, nous finissons par y goûter. Il s’agit du « pan », un mélange de pétales de roses, de sucre et de cannelle enroulé dans une feuille verte. Il paraît que cela facilite la digestion. Mais, sur le moment, tellement persuadée de l’effet contraire, je profite d’un bref instant où les femmes avaient le dos tourné pour glisser discrètement le « digestif » dans ma poche. Ce n’est qu’une fois le repas achevé que les Indiens se mettent à discuter. Et ce sont les femmes qui monopolisent la conversation. Elles n’adressent néanmoins la parole qu’aux filles, et la gent masculine se voit, à grand regret, exclue des débats. Une situation qui me fait sourire et dont je profite. Nous devons malheureusement prendre congé de nos hôtes. Je tiens à vous rassurer : je n’ai pas eu besoin de « pan » pour digérer mon repas ! Sarah HATEM


Comme chaque lundi (voir également notre numéro du 2 août), « L’Orient-Le Jour » publie le périple indien de notre lectrice Sarah Hatem. Mlle Hatem est arrivée à Madras avec dix camarades de l’École centrale de Paris, pour aider à la construction d’une école sur un chantier dont ils ont assuré le financement. Voici le récit de son voyage :

Dimanche dernier nous étions...