Rechercher
Rechercher

Culture - Photo

Cap sur le Liban-Sud pour un road trip en images

La série photographique « Les Ruines circulaires », d’Orianne Ciantar Olive, qui propose une traversée visuelle et métaphysique du Liban-Sud, fait l’objet d’un livre d’art qui sera lancé jeudi 4 juillet au cours des Rencontres d’Arles.

Cap sur le Liban-Sud pour un road trip en images

Une vue de l’exposition « Les Ruines circulaires » qui se tenait en juin à Marseille. Photo DR

Le plan de départ d’Orianne Ciantar Olive, c’était un road trip photographique qui suivrait la ligne de chemin de fer Beyrouth-Damas. Mais c’est vers le Liban-Sud que le projet artistique a bifurqué, pour explorer des ruines circulaires dans un format carré. Le corpus, déjà exposé au cours du festival Photo Saint-Germain en novembre dernier, a aussi fait l’objet d’une exposition au Maupetit, côté galerie, sur la Canebière de Marseille au cours du mois de juin.

Une trentaine de photographies racontent un regard kaléidoscopique sur le Liban-Sud, traversé par une ligne de faille à la fois destructrice et poétique. Les Ruines circulaires, dont le titre est inspiré d’une nouvelle de Borges, interrogent supports, méthodes et codes de lecture au sein d’un essai photographique documentaire et métaphysique. Paysages baignés dans une lumière orangée, ciel ouvert de la prison de Khiam, visages fondus de rencontres saisies à vif, silhouettes voûtées, variations solaires… Et, pour accompagner des lieux fantasmagoriques aux teintes irréelles, les poèmes de l’artiste.


Un des visages fondus saisis à vif que l’on retrouve dans le livre d’Orianne Ciantar Olive. Photo DR

Après des études de cinéma et de criminologie, Orianne Ciantar entame sa carrière de photographe avec le Festival international de photographie d’Alep. « Après cette exposition, où je présentais des photos de voyages, j’ai eu mes premières commandes pour la presse, notamment avec National Geographic ou L’Univers des voyages. J’ai ensuite été journaliste, puis rédactrice en chef », explique la jeune femme. Depuis une dizaine d’années, elle se consacre exclusivement à ses recherches visuelles. « J’avais besoin de gagner en liberté et de mettre en place de nouvelles méthodes documentaires et artistiques dans mon approche de l’actualité », poursuit Ciandar Olive. C’est à Sarajevo et dans les Balkans que l’auteure photographe amorce un récit polyphonique du territoire, en suivant les trajectoires de plusieurs adolescents sur 5 ans. Sur un plan esthétique, la question était de savoir comment exprimer leurs perspectives figées, dans un territoire encore très marqué par la guerre. « J’ai commencé à interroger mon médium pour faire apparaître de nouveaux contours de l’histoire, avec deux ou trois niveaux de lecture », explique-t-elle sobrement.


La couverture de l’ouvrage « Les Ruines circulaires » d'Orianne Ciantar Olive. Photo DR

Pellicules, couleurs et regards renversés

En 2019, Orianne Ciandar Olive décide de partir à la recherche de la ligne de chemin de fer Beyrouth-Damas et de documenter son voyage. « En suivant cet axe discontinu, toute l’histoire du territoire apparaît, que ce soit par les nouvelles constructions, celles qui sont plus anciennes, ou bien à travers les terrains vagues. J’ai réalisé un travail de superposition de plans satellites et d’archives avant de me lancer. Certains épisodes ont été épiques, notamment lorsqu’un homme m’a montré les rails de chemin de fer à l’intérieur de son garage. Je faisais des photos en noir et blanc, type carnet de voyage, mais je ne suis jamais arrivée à Damas, je me suis arrêtée au niveau d’une ancienne base militaire, à Rayak », confie l’artiste en souriant.

« Ayant été plusieurs années correspondante au Moyen-Orient, j’étais nourrie de la poésie de Mahmoud Darwich et d’Etel Adnan, notamment de son texte L’Apocalypse arabe, avec ses soleils rouges, jaunes, bleus », enchaîne la globe-trotteuse, qui a ressenti une certaine circularité au Liban, du fait de frontières infranchissables. « J’ai donc entamé un voyage qui partait de Beyrouth, vers le Liban-Sud, entre 2019 et 2023. Mon premier axe était celui du désastre, autour de la guerre jamais interrompue à la frontière. Aller vers le Sud, c’était remonter le fil du désastre jusqu’à son origine, symbolisée par le mur de séparation, à Kfar Kila », précise l’auteure. L’idée était aussi de désancrer la représentation du mur de séparation, dont le principe est endémique dans l’histoire de l’humanité. « J’ai opéré un principe de renversement, en retournant les cartes, les mots et les pellicules de mes photos, ce qui a donné des couleurs orange, jaunes, rouges. Le film étant brut, le marquage de couleur est différent, et les teintes obtenues font écho à l’esthétique d’Etel Adnan. Symbole de vie et de mort, il est aussi la métaphore de l’aveuglement lié à la douleur et la vengeance. Certains tirages ont été solarisés, ce qui permet de montrer des lignes secondaires qui n’apparaissent pas normalement », approfondit la jeune femme, qui a embrassé différentes identités au fil de son périple. L’exposition propose notamment au public le carnet de Lina Bitar, qui déplie la narration personnelle d’un personnage de couverture.

Dans l’approche de la terre et des hommes, le regard est de biais, jamais frontal, et la question des ruines traverse le récit. « J’ai photographié les ruines liées au massacre de Cana, celles de la cité antique de Tyr, ainsi que le mur frontalier détruit, pour montrer le recommencement permanent de l’histoire », conclut la photographe, qui va poursuivre son exploration des « ruines circulaires » en Argentine.

En attendant, Les Ruines circulaires paraîtra jeudi 4 juillet aux éditions Dunes et sera présent dans plusieurs librairies au cours des Rencontres d’Arles, qui se tiennent jusqu’au 7 juillet. Il vient aussi d’être sélectionné pour le prix Polyptyque, Salon de photographie contemporaine qui aura lieu les 30 et 31 août prochains au Centre photographique de Marseille.

L’occasion de découvrir un regard solarisé sur un territoire empreint de vulnérabilité et de poésie.

« Les héros meurent parce que le monde tourne,

Tourne autour du soleil,

Qui lui-même se meurt »

Le plan de départ d’Orianne Ciantar Olive, c’était un road trip photographique qui suivrait la ligne de chemin de fer Beyrouth-Damas. Mais c’est vers le Liban-Sud que le projet artistique a bifurqué, pour explorer des ruines circulaires dans un format carré. Le corpus, déjà exposé au cours du festival Photo Saint-Germain en novembre dernier, a aussi fait l’objet d’une exposition...
commentaires (0)

Commentaires (0)

Retour en haut