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Monde - Chronique

En attendant le 30 juin

Entre mariages arrangés, coups bas et trahisons, cette chronique reviendra tout au long de la campagne des législatives françaises sur les (més)aventures des intrépides Macron, Attal, Ciotti, Bardella, Mélenchon et Cie.

En attendant le 30 juin

Jordan Bardella, Olivier Faure et Gabriel Attal, lors du second débat sur France 2, avant le premier tour des législatives, jeudi 27 juin 2024. Photo AFP

Dans les épisodes précédents

La campagne du premier tour des législatives passionne les Français. Dans la continuité du scrutin européen, elle est toutefois marquée par les invectives et les fake news. On ment d’une part, on insulte de l’autre. Certes, rien d’extraordinaire en politique. Mais cette fois-ci, le niveau de violence a peut-être atteint des sommets inégalés, du fait notamment de la concentration des médias et du rôle crucial joué par ces derniers dans l’imposition des thèmes de prédilection du Rassemblement national (RN). Du fait également des réseaux sociaux où, à gauche comme à droite, on adore prendre quelques libertés avec les faits. Tronquer les propos de son concurrent/adversaire. Ou lui prêter des discours qu’il n’a jamais tenus. La classe politique est fracturée, à l’image du pays qu’elle représente. Le « barrage républicain » est mort et enterré. Et la majorité présidentielle est parvenue à faire du Nouveau Front populaire (NFP) le repoussoir ultime en lui apposant le sceau de l’antisémitisme, transformant pour de bon le RN en parti « normal ».


Jeudi

Du côté de l’extrême droite et de la droite extrême, on se prépare à la fête. En témoigne ce superbe chant qui fait honneur à tout ce que la France a pu compter de grand, de beau et de subtil dans son histoire : « “Je partira pas.” “Si, si tu partiras, et plus tôt que tu ne crois. (...) Quand va passer Bardella, tu vas retourner chez toi. Tu mettras ta djellaba, tu pourras prier toute la journée (...)”. » On y décèle un peu de romantisme à la Chateaubriand et un indéniable tiraillement baudelairien, quelque part entre spleen et idéal. Le tout, bien évidemment, sur un air furieusement ravélien. Ce petit chef-d’œuvre mis en ligne le 21 juin sur la plateforme TikTok – un vivier électoral pour Jordan Bardella – fait le buzz dans la fachosphère. Les paroles appellent à l’expulsion des étrangers en des termes crus. Et provoquent l’ire de l’association SOS racisme qui a porté plainte jeudi pour « provocation à la haine raciale ».

La veille, le journaliste Mohammad Bouhafsi dénonçait sur le plateau de C à vous (France 5) les messages racistes quotidiens auxquels il a droit depuis l’élection européenne du 9 juin et la percée de l’extrême droite. Idem du côté de son confrère Karim Rissouli, présentateur, entre autres, de l’émission C ce soir, qui un jour auparavant confiait avoir reçu une lettre éloquente  à son domicile. « Franchement Karim, tu n’as pas compris le vote du 9 juin », démarre le courrier. « La seule et unique raison fondamentale du vote RN, c’est que le peuple français historique en a plein le cul de tous ces bicots, le reste c’est du bla-bla. » Ni Karim Rissouli ni Mohammad Bouhafsi ne sont célèbres pour leur militantisme décolonial, leur passion immodérée pour la question palestinienne ou leur piété exacerbée. Mais ils portent les noms qu’ils portent. Et c’est aussi à cela que l’on reconnaît le racisme : il ne distingue pas entre les « bons » et les « mauvais » « républicains » et se fiche de savoir si les Ahmad et Yaëlle de France mangent du porc ou non.

La France insoumise (LFI) a pour sa part retiré jeudi l’investiture à Reda Belkadi, candidat dans la 1ʳᵉ circonscription du Loir-et-Cher, pour des propos à caractère antisémites tenus en 2018. L’homme se targuait sur le réseau X (anciennement Twitter) d’avoir « traité un pote juif de youpin devant un prof » ou de visionner des best of du polémiste négationniste Alain Soral.

On prend presque les mêmes et on recommence. Pour l’ultime débat d’avant le premier tour, Gabriel Attal et Jordan Bardella sont encore de la partie, mais Manuel Bompard est remplacé par Olivier Faure. C’est qu’à gauche, on ne s’est toujours pas accordé sur le nom de l’éventuel Premier ministre, si d’aventure le NFP remportait le scrutin. L’ambiance sur le plateau n’est pas au beau fixe. En particulier entre Gabriel Attal, visiblement sur les nerfs, et Jordan Bardella, lui aussi chauffé à bloc. Le premier attaque le second en reprochant à son parti d’avoir investi des centaines de candidats aux propos homophobes, racistes ou antisémites. Le second crie au mensonge et accuse le troisième, Olivier Faure, de vouloir revenir sur « la loi » relative à l’interdiction du port de la abaya dans les établissements scolaires. Ni une ni deux, Gabriel Attal rappelle à son interlocuteur qu’il ne s’agit pas d’une loi mais que « comme vous m’aviez dit dans un précédent débat que vous ne lisiez pas les lois avant de les voter, ça ne m’étonne pas que vous ne le sachiez pas ».

Le représentant du NFP a tenté pour sa part de jouer la carte de l’apaisement. « Il faut en finir avec cette façon de considérer les Français comme des Gaulois réfractaires. À Matignon, ce qu’il faut, c’est une force tranquille. » Mais lorsqu’il défend la hausse du SMIC et l’augmentation du nombre de fonctionnaires, Jordan Bardella réagit au quart de tour : « Avec vous, tout est gratuit. J’aimerais bien vivre dans votre monde. » On retiendra du débat un rare moment d’amabilité entre Olivier Faure et Gabriel Attal, l’un remerciant l’autre d’avoir été le premier chef de gouvernement à assumer son homosexualité. « C’était un exemple pour toutes celles et tous ceux qui évidemment aujourd’hui la masquent, ont peur de l’avouer. » Et une punchline d’Attal à destination de Bardella : « Arrêtez de faire sujet-verbe-immigration en permanence. »


Vendredi

La campagne du premier tour des législatives anticipées s’achève à minuit. Entre le moment où Emmanuel Macron avait annoncé la dissolution de l’Assemblée le 9 juin et l’organisation de ce premier tour dimanche, le temps paraissait trop court. Mais au vu des rebondissements quotidiens, des coups bas des uns et des trahisons des autres, il a finalement paru interminable. Une mauvaise téléréalité, divertissante à ses débuts, lassante par la suite. Mais à l’issue plus menaçante que jamais.

En attendant le répit du week-end, Marine Le Pen intervient pour parfaire le ravalement de façade de la bâtisse RN avant son potentiel grand soir. C’est que parmi ses troupes, certains ont du mal avec le respect des consignes. Que voulez-vous. Spontanés et authentiques, ils ne savent pas faire semblant. Comme Roger Chudeau, député sortant du Loir-et-Cher, qui a estimé qu’un membre du gouvernement ne pouvait pas être binational. Cela pose un « problème de double loyauté », justifie-t-il. « Je suis un peu estomaquée que notre collègue (...) puisse exprimer un avis personnel totalement contraire au projet du Rassemblement national », a rétorqué Marine Le Pen sur CNews. 

Dans les épisodes précédentsLa campagne du premier tour des législatives passionne les Français. Dans la continuité du scrutin européen, elle est toutefois marquée par les invectives et les fake news. On ment d’une part, on insulte de l’autre. Certes, rien d’extraordinaire en politique. Mais cette fois-ci, le niveau de violence a peut-être atteint des sommets inégalés, du fait...
commentaires (1)

Une approche très intelligente, avec la distance qu'il faut, de ce qui se passe actuellement en France. Tragicomique? ya haram... Le plaisir (oui, aussi) de lire S. M

BARAKAT Hoda

11 h 52, le 29 juin 2024

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Commentaires (1)

  • Une approche très intelligente, avec la distance qu'il faut, de ce qui se passe actuellement en France. Tragicomique? ya haram... Le plaisir (oui, aussi) de lire S. M

    BARAKAT Hoda

    11 h 52, le 29 juin 2024

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