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Idées - Commentaire

Présidentielle iranienne : l'espoir d'un tournant pour la région ?

Présidentielle iranienne : l'espoir d'un tournant pour la région ?

Les partisans du candidat réformiste à la présidence iranienne, Massoud Pezeshkian, brandissent ses portraits lors d'un rassemblement à Téhéran le 26 juin 2024. Photos d'archives AFP

La décision du président français Emmanuel Macron de dissoudre l’Assemblée nationale et de convoquer des élections anticipées ce dimanche détournera l’attention mondiale d’un autre tremblement de terre politique possible : l’élection présidentielle iranienne dont les résultats du premier tour seront annoncés ce week-end.

Même sans le vote français, il serait tentant de banaliser l’enjeu de ce scrutin, imposé par le décès du président Ebrahim Raïssi dans un accident d’hélicoptère le mois dernier, et dont les opérations de vote ont été prolongées jusqu’à vendredi soir. Après tout, le guide suprême de la République islamique, Ali Khamenei, est un adversaire acharné de l’Occident, et Raïssi, son fidèle partisan, avait remporté une victoire décisive en 2021.

Mais la politique iranienne a pris un tournant décisif au cours des trois années qui se sont écoulées entre l’ascension et la chute de ce dernier. En vertu de la Constitution iranienne, les candidats doivent être approuvés par le Conseil des gardiens, dominé par l’élite religieuse, avant de pouvoir se présenter à l’élection. En 2021, M. Raïssi a dû sa victoire au refus du Conseil d’accorder une place sur le bulletin de vote à tout opposant solide à l’antioccidentalisme militant de M. Khamenei. L’escalade des protestations publiques a cependant contraint le Conseil à permettre à un opposant majeur de Khamenei d’entrer dans la course cette fois-ci – dans des conditions qui rendent très probables sa victoire et la révolution de la politique dans une direction prooccidentale. Par conséquent, si l’administration du président américain Joe Biden joue bien ses cartes, la victoire d’un pacificateur iranien pourrait bien permettre – croyez-le ou non – l’instauration d’une paix durable au Moyen-Orient.

Dans ce cas, plutôt que de viser un fragile accord de cessez-le-feu, le secrétaire d’État américain Antony Blinken peut commencer à élaborer un accord multilatéral dans lequel les États-Unis et l’Iran servent de garants militaires d’une solution à deux États pour les Israéliens et les Palestiniens.

Pour s’en convaincre, il suffit de revenir en 2021 et d’examiner comment l’interdiction faite aux gardiens d’avoir des opposants sérieux a provoqué une aliénation généralisée de la population. Si M. Raïssi l’a emporté haut la main sur ses rivaux de la ligne dure, c’est parce que la plupart des Iraniens ont refusé de voter. Pour être précis, seuls 49 % des 59 millions d’électeurs iraniens se sont rendus aux urnes, contre 70 % quatre ans plus tôt.

Ce boycott tacite a servi de base à la mobilisation populaire. Un tournant s’est produit à l’automne 2022, lorsqu’une jeune femme, Mahsa Amini, a été arrêtée pour ne pas avoir voilé son visage en public et est décédée en garde à vue trois jours plus tard. Sa mort a provoqué des manifestations dans tout le pays, et le gouvernement a répondu par des coupures de presse, du gaz lacrymogène et des tirs qui ont tué des centaines de manifestants au cours de l’année suivante. Malgré la répression brutale, les étudiants et les travailleurs ont continué à manifester pacifiquement contre l’extrémisme de M. Raïssi.

La mort de M. Raïssi a déclenché un nouveau cycle de protestations. Le mouvement d’opposition a exigé que, contrairement à 2021, certains de ses propres dirigeants soient autorisés à faire campagne pour la présidence, et a juré que, dans le cas contraire, il organiserait des manifestations de rue massives qui catapulteraient le pays au bord de la guerre civile.

Les gardiens ont cédé à cette demande. S’ils ont autorisé cinq partisans de la ligne dure à se présenter aux élections, ils ont également permis à Massoud Pezeshkian d’inscrire son nom sur le bulletin de vote. M.Pezeshkian représente un contraste saisissant avec ses rivaux. Au lieu de chercher l’inspiration divine, il a fait des études de médecine, est devenu chirurgien cardiaque et a été président de l’Université des sciences médicales de Tabriz pendant cinq ans. Entre 2001 et 2005, il a été ministre iranien de la Santé, avant de se tourner vers la politique électorale et d’occuper le poste de premier vice-président du Parlement de 2016 à 2020.

Peu d’Iraniens ont réussi à combiner de manière aussi remarquable les réussites académiques, bureaucratiques et politiques. En outre, M. Pezeshkian a réagi à la mort brutale d’Amini en 2022 en dénonçant immédiatement les efforts de la police pour « mettre en œuvre la foi religieuse par l’usage de la force ». À l’époque, il ne pouvait pas savoir si Raïssi réagirait en ordonnant son arrestation – c’est pourquoi de nombreuses autres élites iraniennes se sont tues.

Changer de vision

Si M. Pezeshkian l’emporte, il sera essentiel de modifier radicalement la vision que les États-Unis ont toujours eue de l’Iran, qu’ils considèrent comme son ennemi juré, afin de pouvoir réagir de manière constructive. Le secrétaire d’Etat Anthony Blinken, est heureusement assez agile pour un tel revirement. De plus, ses navettes diplomatiques incessantes au Moyen-Orient lui permettent d’entrer facilement en contact avec d’éventuels négociateurs iraniens.

Il est tout aussi important que Joe Biden prenne au sérieux les rapports de M. Blinken, car la division de la communauté juive américaine et l’opposition croissante des Arabo-Américains à sa candidature représentent une menace majeure pour sa réélection. Cette menace sera encore plus grande lorsque le Premier ministre israélien Benjamin Netanyahu arrivera à Washington pour s’adresser à une session conjointe du Congrès le 24 juillet. À ce moment-là, M. Biden pourrait être en mesure de l’inviter à participer aux négociations multilatérales avec l’Iran. Un tel scénario pourrait non seulement réduire considérablement le risque de prolifération nucléaire et de guerre au Moyen-Orient, mais aussi ouvrir la voie à une solution à deux États qui permettrait à Israël et à la Palestine de coexister en paix.

La mort de M. Raïssi représente une occasion rare pour les dirigeants politiques de rivaux de longue date d’inaugurer une nouvelle ère de diplomatie. Mais M. Biden doit saisir l’occasion. S’il considère Pezeshkian comme un ennemi, Khamenei sera en mesure de saboter la popularité du nouveau président et de convaincre les électeurs de rejeter sa vision progressiste la prochaine fois.

Ce n’est pas la première fois dans l’histoire récente que quelques décisions rapides prises à la Maison-Blanche déterminent l’avenir du Moyen-Orient. Certaines ont conduit à des années de conflit amer. Celle-ci pourrait tracer la voie d’une coexistence pacifique pour les décennies à venir.

Par Bruce ACKERMAN, professeur de droit et de sciences politiques Sterling à Yale.

Copyright: Project Syndicate, 2024.

La décision du président français Emmanuel Macron de dissoudre l’Assemblée nationale et de convoquer des élections anticipées ce dimanche détournera l’attention mondiale d’un autre tremblement de terre politique possible : l’élection présidentielle iranienne dont les résultats du premier tour seront annoncés ce week-end.Même sans le vote français, il serait tentant de...
commentaires (2)

Les gardiens de la révolution n'ont pas "cédé" à la demande de l'opposition de permettre la candidature d'un réformiste ! C'est L'Ayatollah Khamenei lui même qui leur en a donné l'ordre . En plus , on oppose 4 autres candidats conservateurs à un seul réformiste , qui aura ainsi l'occasion d'avoir plus de voix à lui seul que les quatre autres qui devront se partager les voix des votes conservateurs . Ce qui prouve que L'Ayatollah Suprême a probablement déjà décidé d'adopter une nouvelle stratégie !

Chucri Abboud

14 h 21, le 29 juin 2024

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Commentaires (2)

  • Les gardiens de la révolution n'ont pas "cédé" à la demande de l'opposition de permettre la candidature d'un réformiste ! C'est L'Ayatollah Khamenei lui même qui leur en a donné l'ordre . En plus , on oppose 4 autres candidats conservateurs à un seul réformiste , qui aura ainsi l'occasion d'avoir plus de voix à lui seul que les quatre autres qui devront se partager les voix des votes conservateurs . Ce qui prouve que L'Ayatollah Suprême a probablement déjà décidé d'adopter une nouvelle stratégie !

    Chucri Abboud

    14 h 21, le 29 juin 2024

  • Aucun espoir.

    Pierre Hadad

    14 h 07, le 29 juin 2024

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