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Lifestyle - Architecture

Avec sa poésie et sa précision, Hala Wardé réalise le Mirabeau, nouveau bâtiment du groupe CMA CGM à Marseille

Jeudi 27 juin, le groupe CMA CGM, Bouygues Immobilier et HW Architecture inauguraient la tour « Le Mirabeau » à Marseille, que l’architecte libanaise Hala Wardé a pensée comme une question empreinte de musicalité. « L’Orient-Le Jour » l’a visitée en avant-première.

Avec sa poésie et sa précision, Hala Wardé réalise le Mirabeau, nouveau bâtiment du groupe CMA CGM à Marseille

Le Mirabeau, un nouveau bâtiment dans l’univers maritime de Marseille. Photo Alain Fleischer

De beaucoup de manières, et en tout cas sur beaucoup de plans, Marseille ressemble terriblement à Beyrouth. Dans cette ville portuaire aux pieds de laquelle se déverse la Méditerranée, il suffit que le soleil se mette à décliner et que tout d’un coup, comme à Beyrouth, une lumière dorée recouse le paysage en l’enveloppant, pour qu’une forme d’indolence vienne repousser à demain ce qui va mal.

Marseille, c’est aussi beaucoup Beyrouth de par l’imposante ancre que le Libanais Jacques Saadé a jetée en 1978, au moment où il fonde le groupe CMA CGM, aujourd’hui un géant du transport maritime, terrien et aérien, fort entre autres d’une flotte de 620 navires, de 160 000 employés dans le monde, dont 6 000 à Marseille où siège le groupe.

C’est ici justement, et plus précisément sur le boulevard Jacques Saadé, que CMA CGM, en copromotion avec Bouygues Immobilier, inaugurait le 27 juin le Mirabeau, une tour conçue par l’agence HW Architecture de la Libanaise Hala Wardé venue s’ajouter au paysage portuaire de la ville.

Un projet d’autant plus significatif pour CMA CGM que c’est dans l’ancêtre de ce bâtiment, également appelé le Mirabeau et déconstruit en 2019, que son fondateur avait installé ses premiers bureaux avec seulement quatre employés. Dès septembre, le nouveau Mirabeau sera investi par des bureaux de la CMA CGM – destinés à alléger ceux situés dans la tour réalisée par Zaha Hadid – mais aussi de la CEVA, de Bouygues Immobilier, de Colis Privé, de La Méridionale, d’Infosys, de KPMG et de Campus Cyber Sécurité, ainsi que par un café ouvert au public qui occupera les deux premiers niveaux.

À la fois marin et terrien

La veille de l’inauguration officielle, au cours de la visite de presse du bâtiment, il fallait imaginer l’armada de journalistes en train d’interroger Quentin Le Prince (directeur de l’Immobilier d’entreprise Région France Sud) et Guillaume Béan (directeur construction immobilière du groupe CMA CGM) principalement sur des questions techniques, insistant notamment à connaître le coût de ce projet colossal (qui n’a pas été révélé) et d’autres chiffres où souvent l’humanité se perd.

Et Hala Wardé, debout au milieu de tout ça, déroulant lentement la genèse et les spécificités de son bâtiment dont elle parlait comme on fait le portrait d’un être humain. Évoquant sa « peau » changeante selon la direction des façades, énonçant ses « fonctions vitales » et l’agencement de ses « organes techniques » pour une « meilleure respiration ».


Pour mémoire

Hala Wardé, étoile du dôme Nouvel

C’est que depuis le lancement de son agence HW Architecture en 2008, et aussi lorsqu’elle travaille en collaboration avec Jean Nouvel comme elle a pu le faire pour le Louvre d’Abou Dhabi par exemple, Hala Wardé a toujours sous-tendu ses projets d’un geste extrêmement précis mais qui se rapproche on ne sait trop comment de la musique, de la poésie ou même de la philosophie. C’est d’ailleurs autour de l’idée de contrepoint que cette grande mélomane, mais aussi musicienne qui joue de la flûte à ses heures perdues, a construit le projet du Mirabeau.

« Lorsque j’ai été commissionnée en 2017 suite à un concours, pour édifier le Mirabeau entre les deux bâtiments très présents de Zaha Hadid (le siège de CMA CGM et la plus haute tour de Marseille, NDLR) et la Marseillaise de Jean Nouvel, ma première pensée a été de ne pas ajouter une tour de plus dans le paysage maritime. J’ai décidé de construire un objet qui s’intègre aux autres bâtiments portuaires mais qui suscite la curiosité, qu’on se demande, en arrivant de la mer, “Qu’est-ce que c’est ?” plutôt que “Encore une tour de bureau”. » Je me suis dit que s’il restait comme une question posée, j’aurais réussi », refusant l’appellation de « tour » au Mirabeau (même si c’en est une, d’un point de vue strictement technique, la bâtisse culminant à 85 mètres sur 22 étages, avec 7 étages de parkings souterrains) et lui préférant celle de « bâtiment ». Car « c’est un mot qu’on utilise à la fois pour un immeuble et pour un bateau. Je voulais que ce soit un objet architectural qui n’est ni totalement terrien ni complètement marin ».

Cet objet architectural, Hala Wardé raconte en avoir développé son langage, son écriture, en prenant comme point de départ les multiples contraintes qui l’accompagnent. « Ce bâtiment est conçu comme un assemblage de volumes imbriqués, inspiré par les partitions de musique de Jean-Sébastien Bach dont j’aime l’art, comme un contrepoint. Les façades sont conçues selon l’orientation : contraintes de vent, de vue et de soleil. Chaque bloc est adapté à ces contraintes. Une architecture est l’art des contraintes, transformées en écriture. Une exigence importante était d’avoir des loggias à tous les niveaux, offrant des espaces extérieurs rares dans ce genre de bâtiments. »

L’intérieur du Mirabeau. Photo HW Architecture

Une architecture de la musicalité

Ce clin d’œil à la Méditerranée, notamment le Liban de Hala Wardé, n’est pas seul qui trame le langage architectural du Mirabeau. Si l’intégralité du bâtiment a été réalisée avec de l’aluminium, du verre et du béton, la plupart de ses sols sont rythmés par une quasi-partition de terrazzo. Et, surtout, son noyau central de béton qui traverse le bâtiment dont la structure est en périphérie – libérant ainsi les plateaux d’environ 1 100 mètres carrés – a été revêtu par l’empreinte d’un cèdre du Liban réalisé grâce à une technique d’hydrogommage. Creusé à 25 mètres sous le niveau de la mer, le Mirabeau se termine par « un belvédère avec des terrasses tout autour et deux volumes posés, dont le principal est un volume horizontal, signe distinctif du bâtiment, possédant une peau semblable à des écailles. Nous avons mis au point un algorithme et orchestré l’orientation des petits hexagones qui le forment. L’idée était de créer une confusion avec le ciel et la mer ». 

Pourtant, ce que l’on retient fondamentalement de notre visite, en grimpant d’étage en étage jusqu’à atteindre son sommet en forme de tour de guet, est encore une fois cette notion de musicalité.

Ici, tout, en commençant par les différents volumes qui forment le Mirabeau, relève d’une idée de la musicalité, du rythme. C’est que le bâtiment semble être un assemblage de structures a priori dissonantes mais qui, par la magie du geste de Hala Wardé, finissent par composer une harmonie qui invoque une forme d’apaisement.

Une œuvre architecturale tout en musicalité. Photo HW Architecture

La cadence des façades aussi et surtout, que Wardé appelle des « peaux », notamment celle plein ouest, toute en verre et qui devient un miroir changeant où se recomposent la mer, ses vagues, son écume et ses couchers selon le passage du temps et des saisons. Et, à propos de la mer, le Mirabeau utilise l’énergie thermique marine grâce à sa connexion boucle d’eau de mer « Thassalia », réduisant de 70 % ses émissions de gaz à effet de serre et de 40 % sa consommation énergétique.

« Cela libère aussi de l’espace, habituellement occupé par des machines », conclut Hala Wardé qui,encore une fois et en attendant la grande rétrospective de Nan Goldin « This will not end well » qu’elle prépare pour novembre 2025, aura insufflé à la faveur du Mirabeau des choses rares, et donc précieuses, au milieu d’un paysage architectural de plus en plus rigide et dénué d’âme, et avant tout, son immense humanité.

De beaucoup de manières, et en tout cas sur beaucoup de plans, Marseille ressemble terriblement à Beyrouth. Dans cette ville portuaire aux pieds de laquelle se déverse la Méditerranée, il suffit que le soleil se mette à décliner et que tout d’un coup, comme à Beyrouth, une lumière dorée recouse le paysage en l’enveloppant, pour qu’une forme d’indolence vienne repousser à demain...
commentaires (2)

Ces architectes ont detruit le charme de Marseille comme ils ont detruit le charme de Beyrouth leurs immeubles refletant surtout leurs egos surdimensionnes et celui de leurs commanditaires .

Salha Marcel

11 h 03, le 29 juin 2024

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Commentaires (2)

  • Ces architectes ont detruit le charme de Marseille comme ils ont detruit le charme de Beyrouth leurs immeubles refletant surtout leurs egos surdimensionnes et celui de leurs commanditaires .

    Salha Marcel

    11 h 03, le 29 juin 2024

  • Magnifique reportage qui met en relief le talet de Hala Wardé, mais de grace meme avec les rues des quartiers Nord de Marseille, jonchées de détritus, comment trouvez vous que sur beaucoup de plans, Marseille ressemble terriblement à Beyrouth...

    C…

    08 h 53, le 29 juin 2024

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