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Culture - Portrait

De « lover boy » à symbole de la résistance palestinienne, le tournant artistique de Saint Levant depuis le 7 octobre

Avec la sortie de son album « Deira » et le lancement de la bourse 2048 à destination des artistes palestiniens, le chanteur gazaoui décuple de fougue alors que l’art gazaoui pâtit des assauts israéliens.

De « lover boy » à symbole de la résistance palestinienne, le tournant artistique de Saint Levant depuis le 7 octobre

Saint Levant pose pour la communication du futur album « Deira ». Photo de Pedro Damasceno @pedrose via le compte Instagram de l’artiste

Lèvres au micro, débardeur blanc, regard assuré, mêlant arabe, français et anglais sur des paroles envoûtantes, Marwan Abdelhamid alias Saint Levant, s’est fait connaître d'abord par ses vidéos sur les réseaux sociaux. Il y rappe, chante, raconte l’histoire de son pays et critique même la masculinité toxique. Dès le début, son potentiel laisse deviner un présage prometteur. Son « blaze » sonne familier, y résonne le nom du père de la mode française, Saint Laurent, et renvoie à sa terre d'origine : la Palestine. Son image de lover boy moderne et son apparence, loin des codes virilistes, sont devenues sa marque de fabrique. Sa musique embrasse les influences d’un héritage pluriel, elle puise autant dans le hip-hop nord-américain que les mélodies orientales et le chaabi algérien, musique dite « populaire » d’origine arabo-andalouse.

De sex-symbol engagé à fervent militant

L’artiste, né à Jérusalem en 2000 d’une mère franco-algérienne et d’un père palestino-serbe, a grandi à Gaza jusqu'en 2007 avant de gagner la Jordanie à cause de la guerre civile. À 17 ans, il emménage en Californie pour poursuivre ses études et se construire une carrière. En novembre 2022 sort le single qui marque son envol musical, Very Few Friends, il y raconte une idylle sensuelle entre France, Maroc et Liban.

Saint Levant pose avec les jeunes d’un village aux airs palestiniens, en compagnie du jeune rappeur MC Abdul, qui chante avec lui sur une musique de l’album. Source : @saintlevant

Le 6 octobre 2023, Saint Levant souffle les bougies de ses 23 ans. Le lendemain, sa vie bascule. Du rêve d’offrir un croissant à sa bien-aimée dans la ville de l’amour, il est passé au rêve de retrouver le pays de ses souvenirs d’enfants. Son compte Instagram, suivi par 1,1 million de followers ne laisse plus voir les musiques qui avaient ensorcelé son public. Seules les images de Deira y figurent.

Deira, c’est d’abord l'hôtel construit par son père en 2000 sur la côte gazaouie. Très fréquenté par des journalistes étrangers, le lieu a été détruit par l’armée israélienne il y a quelques mois. C’est le souvenir familial des Abdelhamid qui s’évanouit, et le souvenir de quatre enfants palestiniens tués dans ce lieu en 2014 qui rejaillit. L’album est un hommage qui incarne l’attachement à la terre et la conviction de pouvoir un jour revenir et reconstruire. C’est aussi l’acte politico-artistique d’un homme qui ne sait plus où est sa place, mais qui n’a jamais perdu de vue ses racines.

Depuis toujours, avec la Palestine comme boussole

Du rêve d’enfant de devenir président de la Palestine à une carrière d’artiste, toute la trajectoire de Saint Levant œuvre pour son pays d’attache. Diplômé en 2022 d’un bachelor en sciences politiques de l’Université de Santa Barbara en Californie, Marwan fait sentir son habileté à s’exprimer et sa maîtrise des sujets abordés.

Saint Levant érige petit à petit le pilier solide d'une jeunesse en lutte pour sa dignité. Ses initiatives ont permis de renforcer le réseau des membres de la diaspora avec des entrepreneurs gazaouis. Une semaine avant la sortie de son album, il lance la bourse Fondation 2048, dont le nom fait référence au centenaire de la Nakba en Palestine. Le projet financera à hauteur de 5 000 dollars des projets d’artistes de culture palestinienne.

« Mon corps à Paris, mon cœur à Gaza »

Depuis plusieurs semaines, Saint Levant enchaîne les interviews et les concerts entre Paris et New-York. Son passage en avril dernier au festival californien de Coachella n’est pas passé inaperçu. Comme à son habitude, il n’a pas lissé ses convictions politiques ; c’est en portant keffieh et dansant la dabké, sur des visuels percutants de Gaza, qu’il a investi cette scène peu propice à l’expression de sujets clivants. Avant de monter sur scène, l’artiste explique sur les réseaux sociaux qu’il aurait eu une altercation avec un membre du personnel au sujet du drapeau palestinien qu’il arborait.

Saint Levant en compagnie de sa petite-amie Naika sur la scène du festival Coachella, le samedi 13 avril dernier. Source : @coachella via l’instagram de l’artiste

Ce n’est pas la première fois que Saint Levant se montre subversif : lors de son discours pour le prix de « L’homme de l’année » 2023 décerné par GQ France, il décrète : « On m’a dit de ne pas parler de la Palestine si je gagnais ce prix. Mais de un, on ne me censure pas, de deux, je ne peux pas me taire, alors que plus de 8 000 enfants palestiniens se sont fait massacrer par l’occupation israélienne. »

Le 25 mai au matin, Saint Levant annonce la sortie de son nouvel album pour le 9 juin. Le soir même, il est au cœur d’une soirée dédiée à la Palestine tenue à l’Institut du monde arabe, dans le 5e arrondissement parisien. Deux jours plus tard, le quotidien français Libération fait paraître son portrait. Dans les heures qui suivent, de nombreux articles documentent une frappe israélienne qui fait plus de 45 morts et 249 blessés dans un camp de réfugiés à Rafah. Entre la violence de l’occupation israélienne et l’ascension du chanteur se déploie un terrible jeu de miroir. Crier la Palestine, chaque jour, jusqu’à que la surdité flanche devant l’horreur.

L’incarnation de la jeunesse arabe occidentale(-isée)

Ce qui est indéniable, c’est qu’en Europe, Saint Levant n’a pas de concurrence. Il prend une place jusque-là restée vacante. L’investissement des scènes musicales occidentales et de ses codes musicaux, tout en restant fidèle à la culture arabe, a permis à l'artiste de faire forte impression. D’une perspective géopolitique, la saturation de l’industrie musicale occidentale a créé un appel d’air dans le monde arabe, et la crispation autour de la question palestinienne a rendu difficile la capacité des artistes d’avoir un impact dans cet espace public ultraclivé.


Dans ce trop plein, Saint Levant a su donner un cap artistique et politique aux enfants des diasporas arabes ; par la clarté de son engagement et la multiplicité de ses racines culturelles. Ce tremplin lui a permis de focaliser l’attention sur le peuple palestinien et d’encourager son public à soutenir Gaza depuis l’étranger. Il ne s’agit pas seulement d’une concordance de facteurs favorables : au-delà de son talent et de son charme certain, Marwan a été capable de se réinventer et d’approfondir son identité artistique durant les nombreux mois de guerre qui ont fait de Gaza un champ de ruines. Et cela, sans jamais verser dans la haine de l’autre.

Photo de couverture de l’album « Deira » montrant la façade de l’hôtel Deira, construit par le père de Saint Levant en 2000 et récemment détruit par les bombardements israéliens. Source : @saintlevant

Si l’on peut évidemment lui prêter un côté rêveur, Saint Levant a été touché par la guerre, et de près. Loin d’être déconnecté de Gaza, il est bien l’enfant de ses parents et de leurs parents avant eux. Sa capacité à traduire ce message en plusieurs langues et sa conviction inébranlable du retour l’inscrivent directement dans la tradition de la transmission propre aux Palestinien.ne.s. Deira s’annonce être le premier projet d’un nouveau volet de sa carrière. Saint Levant a récemment affirmé, sur le réseau social X, que la musique « n’était pas un projet de vie » : l’artiste envisage de toucher à d’autres domaines et, pourquoi pas, d’assumer des responsabilités politiques à part entière.

Lèvres au micro, débardeur blanc, regard assuré, mêlant arabe, français et anglais sur des paroles envoûtantes, Marwan Abdelhamid alias Saint Levant, s’est fait connaître d'abord par ses vidéos sur les réseaux sociaux. Il y rappe, chante, raconte l’histoire de son pays et critique même la masculinité toxique. Dès le début, son potentiel laisse deviner un présage prometteur. Son...
commentaires (2)

C’est un crétin. Lors d’un concert au maroc. Des spectateurs lui ont remis un drapeau marocain. Normalement, tout artiste, sur une terre dont c’est le drapeau. Récupère le drapeau et remercie les spectateurs de ce pays. Il a pris le drapeau et l’a jeté par terre au bout de quelques minutes !!! Sachant qu’il est sur une scène AU MAROC. Aucun respect pour les spectateurs du pays où il se présente et qui ont payé pour assister à son show. Il a de belles chansons mais côté gratitude envers les citoyens du pays qui ont payé et qui le reçoivent ? Zéro.

LE FRANCOPHONE

10 h 04, le 01 juillet 2024

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Commentaires (2)

  • C’est un crétin. Lors d’un concert au maroc. Des spectateurs lui ont remis un drapeau marocain. Normalement, tout artiste, sur une terre dont c’est le drapeau. Récupère le drapeau et remercie les spectateurs de ce pays. Il a pris le drapeau et l’a jeté par terre au bout de quelques minutes !!! Sachant qu’il est sur une scène AU MAROC. Aucun respect pour les spectateurs du pays où il se présente et qui ont payé pour assister à son show. Il a de belles chansons mais côté gratitude envers les citoyens du pays qui ont payé et qui le reçoivent ? Zéro.

    LE FRANCOPHONE

    10 h 04, le 01 juillet 2024

  • Bravo

    Ma Realite

    08 h 32, le 30 juin 2024

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