L’alpiniste français Benjamin Védrines, à Paris, le 11 avril 2023. Joel Saget/AFP
« Mon souhait ultime » : l’un des plus grands alpinistes français, le guide de haute montagne Benjamin Védrines, s’apprête le mois prochain à repartir à la conquête du redoutable K2 au Pakistan, qu’il souhaite gravir sans oxygène et en moins de 24 heures.
En 2022, il avait failli y perdre la vie, après une hypoxie sévère à l’approche du sommet de cette montagne de 8 611 mètres, considérée comme la plus dangereuse de la planète.
« Je suis monté trop vite et la fatigue s’est accumulée. Je ne me souviens pas forcément de tout ce passage entre 8 000 et 8 400 mètres, car j’étais dans un état de faiblesse intense », avait raconté l’alpiniste de 32 ans quelques mois après son expédition.
Un an de préparation plus tard, ce Drômois installé dans les Hautes-Alpes (Sud-Est) attend désormais patiemment au camp de base du deuxième plus haut sommet du monde, qu’il espère pouvoir grimper à partir du 10 juillet.
« J’ai pris beaucoup de hauteur. Je n’ai pas envie de revivre le cauchemar de la dernière fois », a confié Védrines, qui évolue systématiquement en style alpin – sans oxygène et avec l’équipement le plus léger possible.
Rendu meilleur
Né au pied des hauts plateaux du Vercors, Védrines a commencé l’alpinisme à 15 ans avant de devenir guide professionnel. En 2021, il a ouvert une nouvelle voie en duo avec le virtuose Charles Dubouloz, sur la face nord du Chamlang (7 319 m, Népal).
Sa tentative ratée au K2 était son premier échec d’envergure. « Cela m’a rendu meilleur, j’y vais avec plus de prudence et j’ai désormais la sensation d’être encordé à tous les gens qui m’ont aidé dans ma préparation », estime-t-il aujourd’hui.
Bourreau de travail, il a effectué pendant plus de quatre mois entre 20 et 35 heures de ski de randonnée par semaine pour se préparer, avec son coach Léo Viret, mais aussi lors de collaboration avec des sportifs de renom comme le coureur espagnol Kilian Jornet.
« Des mecs capables de faire des 8 000 à la journée, il n’y en a pas beaucoup, mais lui pourrait », reconnait Védrines, qui appartient aussi à ce cercle fermé après son record en 2022 sur le Broad Peak (Pakistan), avalé en 7 heures et 28 minutes, sans oxygène.
Dans une vidéo diffusée sur les réseaux sociaux, on peut le voir sauter en parapente de ce sommet situé à 8 051 m d’altitude, « un shoot de bonheur » qu’il aimerait bien revivre le mois prochain au K2.
Parapente
« Décoller du K2 en parapente, c’est mon souhait ultime. Si je pouvais revivre ce que j’ai vécu sur le Broad Peak, ce serait incroyable. Plusieurs personnes sont sur les rangs, mais personne ne l’a encore fait », affirme-t-il.
Un défi fou qui pourrait paradoxalement diminuer les risques d’accident lors d’une descente toujours périlleuse. L’ascension est prévue pour durer environ 20 heures, tandis que le temps de vol vers le camp de base a été estimé à une trentaine de minutes.
« Moins on passe de temps à cette altitude, mieux notre organisme se porte », explique Védrines. « Bien sûr, cela dépend de plein de paramètres, comme de la météo et de mon état de forme, mais c’est comme ça que j’ai envisagé le projet », a-t-il ajouté.
Pour mettre toutes les chances de son côté, il a conçu une voile ultralégère. « J’ai mis tous les atouts de mon côté. Je suis assez serein, mais une fois que je serai devant cette zone de la mort comme en 2022, je ne pourrai pas être insensible. »
Et il n’hésitera pas à renoncer. « J’accepterai de faire demi-tour s’il le faut, car j’ai mené ce projet de tout mon cœur et avec passion : un échec sera forcément justifié et plus facile à accepter. »
François D’ASTIER/AFP