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Politique - Polémique

Pourquoi Geagea et Gemayel ont boycotté le sommet de Bkerké

Les Kataëb et les FL avancent l’argument sécuritaire, mais les sources de l’Église maronite évoquent le « refus d’une rencontre entre les pôles chrétiens ».

Pourquoi Geagea et Gemayel ont boycotté le sommet de Bkerké

Le cardinal Parolin à son arrivée mercredi au Grand Sérail. Photo Joseph Eid/AFP

Après le « sommet spirituel » de Bkerké mardi, il n'y a pas que le boycott de la communauté chiite qui a fait couler de l'encre. L'absence de deux principaux leaders chrétiens, le chef des Forces libanaises Samir Geagea et celui des Kataëb Samy Gemayel de ce sommet, organisé à l’occasion de la visite du numéro deux du Vatican, le cardinal Pietro Parolin, continue aussi de faire des vagues. L'argument d'une absence liée à des considérations de sécurité personnelle, avancé aussi bien par les FL que par les Kataëb, ne convainc pas. D’autant que dans le cas de Samir Geagea, ce dernier aurait été vu en public à Jbeil il y a quelque temps, lors d’un déjeuner avec le député FL de la région, Ziad Hawat. 

« Par précaution de sécurité, Samir Geagea n’assiste pas à des événements dont la date et le lieu ont été définis à l’avance, indique Charles Jabbour, porte-parole des FL à L’Orient-Le Jour. Nous n’avons pas boycotté la réunion, puisque nous avons envoyé notre député Pierre Bou Assi. » « D’ailleurs, il s’agissait surtout d’une rencontre cordiale. Il n’y avait pas d’initiatives politiques », ajoute-t-il. Quant à Samy Gemayel, qui a envoyé le député Nadim Gemayel le représenter, « il ne se déplace jamais (lui non plus ) à un endroit dont l’adresse et le rendez-vous sont fixés d’avance, souligne le porte-parole du parti, Patrick Richa. C’est une routine qu’il adopte depuis un certain temps et que nous prenons très au sérieux ». Et d'ajouter : « Les Kataëb ne boycottent jamais les réunions à Bkerké avec lequel les relations sont au beau fixe. Mais il est clair que ceux qui sont dans les bonnes faveurs du Hezbollah se déplacent comme il leur plaît et participent à toutes les réunions. Par contre ceux qui expriment clairement et honnêtement des positions intrépides, risquent gros. » Une référence au chef du Courant patriotique libre Gebran Bassil et celui des Marada Sleiman Frangié, tous deux proches du Hezbollah, et qui étaient présents lors du sommet de mardi. 

Bras de fer interchrétien

Du côté de Bkerké, cependant, la déception est grande. D’autant plus que c’est à la demande du secrétaire général du Vatican, dépêché par le pape lui-même pour tenter de paver la voie à un accord autour de la présidentielle – sujet de prédilection par excellence au Saint-Siège – que les organisateurs ont décidé d’accueillir les chefs de file chrétiens. « Si vous continuez sur cette voie et maintenez un comportement potentiellement suicidaire, c’en est fini pour le Liban », aurait dit le cardinal devant les leaders chrétiens, d’après une source du CPL. Sollicité par L’OLJ, un proche du patriarche a expliqué l’absence de MM. Geagea et Gemayel par un jeu d’ego. « Ils refusent le principe de rencontre entre les pôles chrétiens à Bkerké, dit-il. C’est un faux pas qui nuit à l’Église et aux chrétiens. » « Certains leaders chrétiens se prennent pour des incontournables et veulent que la solution passe par eux… c’est un peu ce qu’ils reprochent à Nabih Berry », a-t-il ajouté en allusion au chef du Parlement, qui conditionne le déblocage du dossier présidentiel à la tenue d'un dialogue national sous sa houlette. 

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Si les responsables à Bkerké n’ont pas mâché leurs mots, c’est parce que le patriarche a été « étonné » du comportement des deux leaders chrétiens, qu’il a qualifié de « manque de respect au Vatican et à son haut représentant », comme souligné par la source aouniste. Le double boycott de MM. Geagea et Gemayel a d’ailleurs été une occasion de plus pour les FL et le CPL de donner libre cours à leur hostilité l’un envers l’autre. « L’absence de certains leaders chrétiens est une attitude négative non seulement à l’égard de Bkerké mais également du Vatican. Un manque de respect aussi par rapport au principe du rapprochement et du dialogue », a indiqué le CPL dans un communiqué. Et d’ajouter : « Comment expliquer le refus des rencontres nationales, chrétiennes-musulmanes, chrétiennes-chrétiennes, sinon par une volonté d’obstruction de tout règlement et de la perpétuation de la vacance présidentielle », fustige le CPL.

La riposte ne s’est pas fait attendre. Dans un communiqué, les FL ont dénoncé les tenants des « “porte-voix” au sein du CPL » comme au sein de « la moumanaa (le camp du Hezbollah ) », accusant ces derniers de se placer en porte-à-faux avec la « politique nationale adoptée par Bkerké en s’alignant sur ceux qui ont attaqué l’Église en lui attribuant les qualificatifs les plus vils ». L’allusion est faite aux propos d’une violence inédite du mufti jaafarite qui, mardi dernier, a accusé le patriarcat d’être « instrumentalisé pour servir l’intérêt du terrorisme sioniste et de la criminalité mondiale ».

Rencontres en marge

Il y aurait toutefois un autre motif qui aurait dissuadé les deux leaders chrétiens de se rendre au sommet de Bkerké : les rencontres en tête à tête que le cardinal Parolin avait prévues avec plusieurs personnalités libanaises, dont l’ensemble des leaders chrétiens.

Lors de sa visite, l’émissaire du pape a rencontré à tour de rôle  Samy Gemayel et Samir Geagea. Il s’est également entretenu avec Sleiman Frangié et Gebran Bassil. On apprend de sources concordantes que ces réunions en aparté sont restées confidentielles pour des raisons probablement sécuritaires, à l’exception de celle avec Samy Gemayel, tenue mercredi. « Les Kataëb sont soucieux de voir l’élection d’un président capable de communiquer avec toutes les parties », a souligné Samy Gemayel pour l’occasion dans un communiqué. Au cours de la réunion, qui a duré deux heures de temps, M. Gemayel a évoqué dans ce cadre « la paralysie qui touche l’ensemble des institutions constitutionnelles, résultant de l’intransigeance du Hezbollah et de ses alliés, et de leur hégémonie sur les grandes décisions du Liban ».  

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Dimanche, le cardinal Parolin s’était entretenu avec le député de Zghorta et ancien candidat de l'opposition à la présidence, Michel Moawad. « Le Vatican considère que si les institutions sont en danger, et à leur tête la présidence de la République, c’est toute la formule libanaise qui s’en trouverait menacée », a confié une source au courant de la teneur des rencontres avec les figures chrétiennes.

Placée sous le thème de la préservation du vivre-ensemble et de la nécessité de réhabiliter le rôle du « Liban-message », concept cher au pape Jean-Paul II , le responsable du Vatican a inclut dans ses rencontres personnelles une séance d’échange avec les membres du comité de suivi de la déclaration d’al-Azhar sur la « citoyenneté et le vivre-ensemble » (2017) et de la « déclaration sur la fraternité humaine » d’Abou Dhabi (2019), une initiative de l’ancien Premier ministre Fouad Siniora. La déclaration d’al-Azhar, rappelle-t-on, proclame que « tous les citoyens sont égaux dans l’islam » et élimine toute discrimination civique fondée sur l’appartenance religieuse.

« Malheureusement nous sommes désormais en dernière position en matière du vivre-ensemble. Le Vatican lui est très concerné par cette situation et soucieux de préserver l’exemple libanais », a indiqué M. Siniora à L'Orient-Le Jour évoquant un document que les membres du comité ont soumis au cardinal. Étaient notamment présents à cette rencontre : les anciens ministres Tarek Mitri et Khaled Kabbani, l’ancien député Farès Souhaid, Mohammad Sammak, membre du comité de dialogue islamo-chrétien, Antoine Messara, ancien membre du Conseil constitutionnel, et Antoine Courban, auteur et activiste. « Le drame dans notre pays est que, en présence de micro-ambitions, nous récoltons des macroconséquences », a conclu M. Siniora. 

Après le « sommet spirituel » de Bkerké mardi, il n'y a pas que le boycott de la communauté chiite qui a fait couler de l'encre. L'absence de deux principaux leaders chrétiens, le chef des Forces libanaises Samir Geagea et celui des Kataëb Samy Gemayel de ce sommet, organisé à l’occasion de la visite du numéro deux du Vatican, le cardinal Pietro Parolin, continue aussi de faire des...
commentaires (10)

" Tout royaume divisé contre lui-même court à la ruine;aucune ville,aucune famille,divisée contre elle-même ne se maintiendra . " ( Matthieu , 12:25 ) M.Z

ZEDANE Mounir

14 h 35, le 29 juin 2024

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Commentaires (10)

  • " Tout royaume divisé contre lui-même court à la ruine;aucune ville,aucune famille,divisée contre elle-même ne se maintiendra . " ( Matthieu , 12:25 ) M.Z

    ZEDANE Mounir

    14 h 35, le 29 juin 2024

  • Que les aounistes, principaux fossoyeurs de la cause chrétienne au Liban, aient la décence de se taire au lieu d’attaquer les Kataeb et les FL qui ont offert des milliers de martyrs pour défendre la présence des chrétiens face aux hordes palestiniennes et syriennes. Les aounistes se contentent de slogans populistes et creux et ne font que de la parade de paons

    Lecteur excédé par la censure

    10 h 50, le 29 juin 2024

  • Quel dialogue est possible dans ce pays sans l’intervention directe des USA ?

    Sam

    09 h 05, le 29 juin 2024

  • Très bien, c'est que pour la paix, on peut compter sur le Pape...

    NABIL

    15 h 33, le 28 juin 2024

  • L'absence de Geagea et de Gemayel à Bkerké est une gifle énorme assainée à la fois au Vatican et au Patriarche maronite ! Elle aura sûrement des conséquences sur le regard que porte le Saint-Siège sur le Liban .

    Chucri Abboud

    14 h 51, le 28 juin 2024

  • Il est facile de critiquer depuis son canapé des patriotes qui ont déjà donné de leur vie et qui n’ont plus rien à prouver à personne. La justification de leur absence est on ne peut plus juste et plus réaliste, vu que notre pays est gouverné et controlé par une milice lourdement armée, sans foi ni lois et qui a déjà à son actif plusieurs assassinats de patriotes. Tout ceci sans jamais être pour le moins inquiétée. Heureusement que nous n’avons pas le culte de la mort pour le plaisir, nous préférons la vie et c’est tout à notre honneur, contrairement aux demeurés qui préfèrent le contraire.

    Sissi zayyat

    12 h 19, le 28 juin 2024

  • Je comprends parfaitement la prudence de Sami Gemayel. Son frere a ete assassine lors d'un deplacement prevu a l'avance...

    Michel Trad

    10 h 33, le 28 juin 2024

  • - LE COMBLE CES DEUX CHRETIENS. - J,AI TAXE MOULT DE VAURIENS. - POURQUOI VOUS GRACIER TOUS DEUX ? - LE DROIT N,EST PAS RELIGIEUX. - DANS LA RUINE DU LIBAN, - VOUS AVEZ VOTRE BILAN. - DES AUTRES IL EST ENORME. - LE VOTRE AUSSI HORS LA NORME. - LES SAUTE-D,HUMEUR J,EXECRE, - NON PAS DE LA SEULE PEGRE, - MAIS SURTOUT DE TOUTE INSTANCE, - OU JE NICHAIS MA CONFIANCE. - SI VOUS ROULEZ DE LA SORTE, - VOUS ETES HORS DE MA PORTE. - JE NE MENAGE PERSONNE, - QUEL QUE SOIT SON SAXOPHONE. - REUNISSEZ-VOUS SOUS L,AILE, - DU PATRIARCHE REBELLE, - QU,UNE CHRETIENTE NOUVELLE, - SORTE UNIE DE LA CHAPELLE.

    LA LIBRE EXPRESSION

    00 h 23, le 28 juin 2024

  • Ceci étant dit, toutes ces excuses sécuritaires ne tiennent pas debout, puisque dans un cas comme dans l’un autre, ils ont pu affronter d’autres dangers parfois l’arme à la main. Ces petits calculs mesquins, ces susceptibilités qu’on n’arrive pas à ménager, frisent le ridicule et les portes de Bkerké sont ouvertes à toutes les tendances politiques même à ceux qui ont un passé bien documenté. Il y a un mystère que je n’arriver pas à déceler dans l’attitude de certains politiciens, mais ceci est une autre histoire qui ne tient pas uniquement du psychologique…

    NABIL

    22 h 43, le 27 juin 2024

  • Pour les uns ce n’est pas à proprement parler de boycott puisqu’ils ont délégué non pas des sous-fifres, mais des députés très proches d’eux. Pour les autres, le cas de Gemayel est excusable, puis que le jeune marié en compagnie de sa femme pour ne pas rater le moindre match de la Coupe d’Europe a préféré le petit écran aux illustres connus et inconnus. Dans le cas du milicien chef Geagea habitant à quelques mètres à vol d’oiseau du Patriarcat, c’est plutôt une faute de goût craignant par susceptibilité qu’on lui fasse de l’ombre, et le cardinal Pietro Parolin n’étant pas n’importe qui.

    NABIL

    22 h 30, le 27 juin 2024

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