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Monde - Reportage

En milieu rural, des jeunes parient sur le RN

En milieu rural, des jeunes parient sur le RN

Une affiche électorale dans un village du sud-est de la France, le 22 juin 2024. Valery Hache/AFP

« La France aux Français », lance Julien, 24 ans, moitié sérieux, moitié rigolard, à la sortie d’un supermarché du nord de l’Oise. Comme lui, des jeunes ruraux éloignés des grandes villes parient sur le Rassemblement national, qui le dispute à l’abstention dans les urnes.

La poussette dans une main, ce jeune père de famille vote d’abord « pour Bardella », qui « a toujours réponse à tout », et « pour le pouvoir d’achat ». « Tout devient trop cher et à la fin du mois avec un bébé, c’est compliqué », lâche le blond à casquette, employé dans la restauration.

Assis au soleil, Angelo Lafont, 19 ans, ira aussi voter RN aux législatives. « Dès que je peux voter, je vote », assure le jeune homme, qui vit dans un village du sud de l’Aisne, où le score du RN a réalisé 50,64 % aux européennes, un record.

« Ça va mal en France. Les Français galèrent, alors que les immigrés ont tout ce qu’ils veulent », confie le jeune intérimaire, qui se plaint aussi « du prix du gazole ». C’est dans les communes de moins de 2 000 habitants et les villes de moins de 20 000 que le RN a réalisé ses plus gros scores aux européennes.

« On s’inquiète de la posture de nos administrés qui ont la rage aux dents lorsqu’ils viennent voter », observe Gilles Noël, membre de l’Association des maires ruraux de France (AMRF), tout en rappelant que « sur les 7,6 millions d’électeurs de Jordan Bardella, 4,1 millions sont des urbains ».

Chez les 25-34 ans, le RN est arrivé en tête devant LFI, et en seconde position chez les 18-24 ans, tandis que l’abstention caracole à 60 %.

« Ce sont plutôt les jeunes qui restent à la campagne qui votent RN tandis que les autres, plus diplômés, sont partis en ville », note Fabrice Dalongeville, président de l’AMRF de l’Oise. « Il y a historiquement un Rassemblement national « des champs » dans l’Oise, ce qui s’explique notamment par la désindustrialisation du bassin compiégnois », analyse-t-il.

Le vote « intermittent »

Malgré le séisme politique du 9 juin, certains jeunes s’abstiendront dimanche aux législatives. C’est le cas de Chloé, 21 ans, qui vit près de Chauny (Aisne), 11 000 habitants. « Je ne suis ni de droite, ni de gauche, ni même du milieu. La politique, on n’apprend pas ça à l’école, donc quand on regarde, on comprend rien », lâche la jeune femme, qui cherche à travailler auprès des personnes âgées. À ses côtés, Kevin, 22 ans, estime, lui, que « voter ne servira à rien ».

Axelle, 27 ans, apprentie dans l’arboriculture, ira, elle, voter « pour un parti qui priorise la santé ». Mais ce n’est que son premier vote, depuis qu’on lui a « expliqué récemment à quoi servait l’Assemblée nationale ».

À Ribécourt-Dreslincourt (Oise), qui a voté RN à 53 %, Nolan, 30 ans, mettra, lui, un bulletin Nouveau Front populaire dans l’urne. « Il y a un ras-le-bol général et une méconnaissance de tous les partis chez les jeunes, qui regardent les « shorts » YouTube ou TikTok sans peser le pour et le contre », regrette-t-il.

« Par son utilisation des réseaux sociaux, Jordan Bardella a réussi à attirer une population de jeunes très éloignés des grandes villes », confirme le sociologue Erwan Lecœur. « Dans les milieux ruraux, certains jeunes vont s’identifier à Jordan Bardella, le jeune garçon blanc, beau gosse aux épaules carrées, qui va rénover leur honneur, leur honneur ethnique, pourrait-on dire, face aux jeunes de banlieue assimilés à des racailles », poursuit-il.

Les jeunes qui habitent à la campagne sont, selon lui, « plutôt moins diplômés que les autres » et ont des emplois « plutôt moins rémunérés », autant de déterminants sociologiques du vote RN. « Mais ce n’est pas parce qu’ils habitent la campagne qu’ils votent RN », souligne Erwan Lecœur.

Selon le sociologue Hugo Touzet, il n’y a « pas d’homogénéité des jeunesses rurales », mais les jeunes ont « un rapport plus intermittent au vote, qui n’est plus un acte sacré ».

« Il est évident que les jeunes ruraux ont un destin commun, un sentiment d’assignation à résidence et qu’ils ont plus de difficultés d’accès aux transports, aux formations et à la culture », relève pour sa part Salomé Berlioux, fondatrice de l’association Chemins d’avenirs, qui accompagne les jeunes en zone rurale. « Mais on se demande maintenant s’ils ont « mal voté » alors que ça fait des années qu’on dit qu’il y a une forme d’angoisse, d’anxiété, d’abattement chez ces jeunes », ajoute-t-elle.

Hélène DUVIGNEAU/AFP

« La France aux Français », lance Julien, 24 ans, moitié sérieux, moitié rigolard, à la sortie d’un supermarché du nord de l’Oise. Comme lui, des jeunes ruraux éloignés des grandes villes parient sur le Rassemblement national, qui le dispute à l’abstention dans les urnes.La poussette dans une main, ce jeune père de famille vote d’abord « pour Bardella »,...
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