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Santé - Entretien

Hassan Hosseini : L’AVC n’est pas une fatalité

Médecin franco-libanais, docteur en médecine et en neurosciences, spécialisé dans les pathologies du cerveau, de la moelle épinière et des nerfs, Hassan Hosseini préconise l’action rapide et la prévention pour éviter les conséquences graves de l’AVC.

Hassan Hosseini : L’AVC n’est pas une fatalité

« Le cerveau compte 100 milliards de neurones, et chaque neurone a environ un million de connexions. Cet organe permet à chacun de nous de constituer son identité. » Photo d’illustration Bigstock

Hassan Hosseini, qui a récemment reçu les insignes de chevalier de la Légion d’honneur à Paris des mains d’Amin Maalouf, rappelle d’emblée ce fameux adage libanais qui dit que l’AVC (Accident vasculaire cérébral) est une fatalité « falej la taalej » qui veut littéralement dire c’est un AVC, il n’y a rien à faire. « C’est faux ! assène-t-il fermement. Il faut au contraire dire « ajjel taalej » : dépêche-toi de traiter ! Nous n’avons que quelques heures au maximum pour éviter la mort des neurones et l’installation de séquelles irréversibles. Chaque minute compte ! »

Dans le monde ce sont 15 millions de nouveaux cas par an et selon les estimations les chiffres vont doubler en 2030. En Europe, la prévention a permis de baisser fortement l’incidence et la mortalité. Les conséquences d’un AVC, lorsque l’on survit, peuvent être un handicap neurologique, le besoin d’un fauteuil roulant, la perte de la parole. « Nous sommes face à un problème de santé publique. »

Une personne sur cinq risque de faire un AVC, ce qui équivaut à 20 % de la population. Cette maladie touche toutes les tranches d’âge, des enfants, des jeunes adultes.

Pour se souvenir, il faut savoir oublier

« Le cerveau compte 100 milliards de neurones, et chaque neurone a environ un million de connexions. Ces kilomètres de connexions en font une machine incroyable, aucun ordinateur ne peut faire cela, décrit le Pr Hosseini. Cet organe permet à chacun de nous de constituer son identité. Nous pouvons subir une greffe du cœur, de foie, de rein ou de poumon mais nous restons la même personne grâce à ce cerveau. »

Il enchaîne : « On dit couramment que l’on n’utilise que 10 % du cerveau, ceci est vrai et faux. On utilise les 100 % dont seulement 10 % consciemment et volontairement. Les 90 % restants sont occupés de manière involontaire à penser au passé et à anticiper le futur. Lorsque l’on est submergé par l’inconscient, quand on pense à ce qui nous est arrivé avant ou à ce que l’on va faire demain, cela nous laisse moins de 5 % de neurones disponibles. Et c’est là que peut surgir le « burn out » ou le stress extrême. Nous avons alors des problèmes de concentration, d’attention, de mémoire. Ce n’est pas une question de mémoire parce que pour se souvenir, il faut savoir oublier : ce travail « de nettoyage » se fait durant le sommeil profond, au moment où on se refait le film de la journée. Et il faudrait pouvoir dire : ceci est important je le garde, cela n’est pas important je le jette. Les personnes qui ne savent pas faire ce travail se retrouvent avec plein d’informations inutiles et inutilisables qui rendent de moins en moins de neurones disponibles volontairement. »

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80 % des AVC sont évitables

Pour pouvoir prévenir les AVC, qui sont à 80 % évitables, il faut connaître les facteurs de risque : l’hypertension artérielle (HTA), le diabète, le cholestérol, le surpoids. L’hygiène de vie est donc primordiale.

Surveiller ce qu’on mange (le gras, le salé, le sucré), ce qu’on boit (l’alcool), éviter le tabac sous toutes ses formes, dont le narguilé qui est un fléau chez la jeunesse libanaise. Éviter la sédentarité en exerçant une activité physique.  « Le stress est un facteur de risque non négligeable. C’est lui qui va augmenter la tension artérielle, la fréquence cardiaque, contracter les artères. Durant les 27 ans de mon expérience professionnelle, devant un cas d’hémiplégie et en regardant l’historique récent du patient, nous découvrons que dans les jours qui l’ont précédé, un événement éprouvant ou une grande contrariété a eu lieu : un deuil, un divorce, une rupture sentimentale, un conflit. Un facteur émotionnel fort qui a déclenché l’AVC », explique Hassan Hosseini.

Avant de poursuivre : « Le mauvais sommeil (apnée, insomnies, cycle inversé) rejoint le surmenage, le stress et les autres facteurs. Donc nous sommes devant un cercle vicieux. Le patient passe par une période de contrariété, ceci l’empêche de dormir, il se réveille la nuit, il est en sueur, ceci influe sur l’humeur, il n’a pas envie de sortir ni de s’amuser, il se jette sur l’alcool, le gras, le sucré, le trop salé, le corps va avoir un comportement d’addiction avec une consommation d’anxiolytiques, de drogues. Ceci entraîne l’obésité… Malheureusement, ces facteurs ne s’additionnent pas… Ce n’est pas 1+1+1+1, c’est 4x4=16 et 16x4=84, c’est exponentiel, et surtout ces facteurs sont liés entre eux. Les risques d’AVC sont ainsi multipliés. »

Et comme au Liban nous avons toujours un petit plus, le Pr Hosseini rappelle l’incidence de la pollution sur les AVC. « Cette prévalence est élevée par rapport aux autres pays en voie de développement et de la région et bien sûr beaucoup plus élevée que dans les pays développés. »

Hassan Hosseini évoque des chiffres significatifs : une personne sur cinq risque de faire un AVC. Pour faire barrage à ce problème de santé publique il multiplie les conférences sur la prévention et l’urgence du traitement. Photo DR

Agir très vite

Certains signaux doivent immédiatement alerter : la main qui se paralyse quelques minutes ; déformation de la bouche ; troubles de la parole ou de la vision. 30 % des victimes d’AVC ont connu ce genre de phénomène dans les jours qui ont précédé l’hémiplégie. « Les clés sont tombées, j’avais du mal à bouger la jambe droite, ça a duré quelques minutes, cela ne m’a pas effrayé … Je ne voyais plus de l’œil droit », en fait il ne voit plus ce qui se trouve à sa droite. En résumé, tout signe neurologique qui apparaît brutalement doit faire penser à un AVC.

Devant de tels signaux, il faut immédiatement appeler les secours. Les soins se font à l’hôpital dans une unité neurovasculaire, qui doit être fonctionnelle 24/24, 7/7.

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Hassan Hossein parle de deux types d’AVC. « Dans la majorité des cas, c’est un AVC ischémique quand une artère est obstruée. Il faut alors déboucher l’artère occluse le plus vite possible. Il y a deux moyens l’un chimique (thrombolyse), le médecin injecte un médicament anticoagulant qui va dissoudre le caillot. Et l’autre mécanique (thrombectomie) : le médecin introduit un cathéter pour retirer le caillot. Dans 15 % des cas, l’AVC est hémorragique. L’artère éclate et saigne abondamment. Le traitement consiste à aspirer le sang et s’il y a un gros hématome, une chirurgie est envisagée. »

Pendant les premières heures après un AVC, les neurones ne sont pas morts encore, ils sont « off ». D’où l’urgence d’irriguer les artères, plus c’est proche tôt plus c’est efficace. Le dysfonctionnement et la paralysie sont réversibles si on agit dans les heures qui suivent.

Puis suit la rééducation pour que les membres puissent fonctionner à nouveau. « Elle sert à orienter les neurones sains pour qu’ils viennent en aide aux neurones lésés suite à l’AVC, même si le patient en perd un ou deux milliards. N’oublions pas que nous avons 100 milliards de neurones. La rééducation profite de la plasticité cérébrale, les neurones pouvant changer de fonction et de spécialisation. Dans le cas d’une paralysie de la main, on demande aux patients d’imaginer qu’ils sentent leur main ou qu’elle est en train de bouger. Et petit à petit le cerveau va appeler au secours les autres neurones pour qu’ils s’activent. C’est une rééducation par imagination et par simulation. »

Hassan Hosseini et le Liban

« Le Liban est actuellement hémiplégique, il a besoin d’un traitement urgent pour le remettre sur ses deux pieds, et lui redonner la parole dans le concert des nations », assène Hassan Hosseini. Pour être actif dans son pays natal, le médecin a présidé l’Association médicale franco-libanaise (AMFL) de 2019 à 2022 dans des conditions difficiles de crise sanitaire, au moment de l’explosion au port de Beyrouth, le tout sous une crise économique majeure. L’association fournit à la population des aides logistiques et a pour mission de rassembler les professionnels de santé franco-libanais, de consolider la médecine francophone au Liban, de favoriser les échanges scientifiques entre la France et le Liban et de structurer la communication entre les praticiens des deux pays… Sachant que la France métropolitaine compte 5 000 médecins d’origine libanaise.

Par ailleurs, Hassan Hosseini codirige INSPECT-LB (Institut national de santé publique, d’épidémiologie clinique et de toxicologie-Liban), un groupe de recherche autonome créé en 2018 pour promouvoir la recherche multidisciplinaire en santé et optimiser les pratiques professionnelles au Liban. Ses objectifs comprennent la conception et l’exécution de projets de recherche spécifiques, l’établissement de priorités de recherche en santé, la promotion de la formation des chercheurs libanais, la proposition de solutions pour combler les lacunes des professions de santé et l’engagement dans la promotion de la santé auprès du grand public.

Hassan Hosseini, qui a récemment reçu les insignes de chevalier de la Légion d’honneur à Paris des mains d’Amin Maalouf, rappelle d’emblée ce fameux adage libanais qui dit que l’AVC (Accident vasculaire cérébral) est une fatalité « falej la taalej » qui veut littéralement dire c’est un AVC, il n’y a rien à faire. « C’est faux ! assène-t-il fermement. Il...
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