Un article du journal britannique The Telegraph affirmant que le Hezbollah stocke des armes iraniennes dans l’Aéroport international de Beyrouth (AIB) a suscité un tollé au Liban. De nombreux internautes ont critiqué la partialité de l’article, tandis que d’autres ont craint qu’il ne soit utilisé par Israël pour justifier le bombardement de l’aéroport.
Citant des « lanceurs d’alerte » de l’AIB, le Telegraph a rapporté dimanche que le Hezbollah avait stocké « d’énormes quantités d’armes, de missiles et d’explosifs iraniens dans le principal aéroport civil de Beyrouth ». Au lendemain de la publication de l’article, le ministre sortant des Travaux publics Ali Hamiyé a organisé une tournée à l’AIB à l’adresse des ambassadeurs et des médias, en vue de démentir les allégations du Telegraph. Quant au ministre de l’Information Ziad Makari, il a exhorté les médias à le condamner et à « révéler les objectifs derrière sa publication à ce timing précis ».
Lors d’une visite de l’aéroport organisée lundi à l’intention des ambassadeurs et des médias, plusieurs responsables ont dénoncé l’article comme faisant partie d’une « guerre psychologique » contre le Liban.
Depuis le 8 octobre 2023, le Hezbollah et Israël se livrent presque quotidiennement à des tirs transfrontaliers dans le sud du Liban, faisant craindre l’éclatement d’un conflit plus large.
Un article totalement irresponsable
Abbie Cheeseman, correspondante au Moyen-Orient et journaliste d’investigation, qui travaillait auparavant pour le Telegraph, a pris ses distances par rapport à cet article non signé. « Je n’ai cessé de travailler pour le Telegraph que le mois dernier, or je n’avais absolument pas connaissance de cet article totalement irresponsable jusqu’à ce qu’il soit publié aujourd’hui (dimanche) », a-t-elle déclaré dans un post sur X (ex-Twitter).
L’absence de signature dans l’article a suscité en particulier de vives critiques en ligne. « Une “exclusivité” sans signature. Dorénavant, j’aurai tout vu. C’est embarrassant », a commenté un utilisateur de X. Tandis que Sam Heller, chercheur, analyste et membre du centre de recherches Century International basé à Beyrouth, a fait remarquer qu’il s’agissait d’« allégations plutôt explosives attribuées à des “lanceurs d’alerte” anonymes dans un article sans signature ».
Gregg Carlstrom, correspondant de The Economist au Moyen-Orient, a qualifié l’article de « fascinant d’un point de vue journalistique » et s’est demandé qui, au Telegraph, avait décidé de publier un tel article sans que personne n’accepte d’y apposer son nom.
Un « Fateh 110 » dans une boîte
L’expert militaire et ancien journaliste de guerre Elijah Magnier a critiqué l’article de manière sarcastique en écrivant sur X : « Un missile Fateh 110 (Sadodah) de 9 mètres de long et pesant plus de trois tonnes et demie est caché “dans une boîte” à l’aéroport principal du Liban, affirme The Telegraph. »
L’analyste politique Karim Bitar a relevé que « le contrôle de l’aéroport de Beyrouth par le Hezbollah est un secret de polichinelle depuis vingt ans », suggérant que le moment choisi pour la publication de l’article pourrait servir de prétexte à une attaque israélienne.
Michael Young, rédacteur en chef au Carnegie Middle East Center, s’est lui aussi fait l’écho des inquiétudes exprimées sur les réseaux sociaux, craignant que l’affaire ne serve de base à une future attaque contre l’aéroport. « Je trouve que cette histoire soulève plusieurs points d’interrogation. Je ne doute pas que le Hezbollah puisse utiliser l’aéroport à volonté, et qu’il l’ait fait, mais y stocker du matériel ? Pourquoi ? Pour placer des armes au premier endroit qu’Israël est susceptible de bombarder ? »
Campagne contre le député des FL Ghassan Hasbani
Parmi les personnes citées par le Telegraph dans l’article, le député des Forces libanaises (FL) Ghassan Hasbani, qui a déclaré : « Le contrôle de l’aéroport par le Hezbollah est depuis longtemps une source d’inquiétude pour le Liban et l’est encore plus aujourd’hui, au cas où l’aéroport deviendrait une cible militaire potentielle dans le conflit avec Israël. » Cette citation lui a valu de nombreuses critiques sur les médias sociaux depuis dimanche.
« Il faut chercher le responsable FL chaque fois que quelque chose sert les intérêts d’Israël. Dans ce cas, le député Ghassan Hasbani est la source d’un article truffé d’inexactitudes du Telegraph sur le Hezbollah stockant des missiles à l’aéroport international Rafic Hariri », a posté Ali, un utilisateur de X, dimanche.
Lundi, le bureau de M. Hasbani a rétorqué que le quotidien britannique « attribuait les sources de son article aux... employés de l’aéroport ». Le communiqué ajoute que les commentaires du député des FL portaient sur les préoccupations générales et les informations entourant l’AIB, qui ont fait l’objet de « nombreux rapports » au fil des ans.
Réactions politiques
Les hommes politiques, qui utilisent X à volonté, n’ont pas dérogé à leurs habitudes dans cette affaire. En réponse à toute la polémique créée autour de cet article, le député Samy Gemayel, chef du parti Kataëb, a simplement écrit : « 1559 », en référence à une résolution des Nations unies stipulant, notamment, le désarmement des milices.
Mark Daou, un député de l’opposition, a estimé qu’« entre la menace israélienne de frapper l’AIB de manière détournée via un article non professionnel dans un média occidental et le lien créé par le Hezbollah entre le Liban-Sud et Gaza, les Libanais continuent de payer le prix fort, au détriment de leur stabilité ».
"... « Justification » pour bombarder l’AIB ..." - Bon la bonne nouvelle c'est que ça va de plus en plus mal pour eux. Avant c'était: "Dieu nous a choisi, on a le droit de tout faire", et maintenant ils doivent se justifier... Au train où ça va ils vont peut-être en arriver à se soumettre à la justice internationale, sait-on jamais...
15 h 13, le 25 juin 2024