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Moyen-Orient - Entretien express

Pourquoi l'Arménie a-t-elle reconnu l'État de Palestine ?

Relations extérieures, motivations internes, sympathie des Arméniens pour la cause palestinienne... L'Orient-Le Jour fait le point avec le politologue Stefan Meister. 

Pourquoi l'Arménie a-t-elle reconnu l'État de Palestine ?

Le ministre arménien des Affaires étrangères, Ararat Mirzoyan. Photo AFP

Plus de huit mois après le début de la guerre de Gaza, l'Arménie a annoncé vendredi sa reconnaissance de l'État de Palestine. Une décision liée à des considérations aussi bien externes qu'internes pour le gouvernement d'Erevan, alors que l'Azerbaïdjan a repris en septembre dernier le Haut-Karabakh aux séparatistes arméniens et que le Premier ministre Nikol Pachinian est fortement contesté suite à cette défaite. 

L'Azerbaïdjan, pays voisin de l'Arménie, avec qui Erevan est en conflit depuis plusieurs décennies, reçoit des armes de pointe d'Israël en échange de gaz naturel. Allié de longue date de l'Arménie, le Kremlin semble, lui, l'avoir abandonnée durant la guerre-éclair de septembre, malgré le déploiement de troupes de maintien de la paix dans la région depuis la guerre de 44 jours entre l'Azerbaïdjan et l'Arménie en 2020. De leur côté, les Européens ont semblé prêts à sacrifier le Haut-Karabakh pour que les troupes russes se retirent de la région.

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Isolé sur la scène internationale, Erevan tente désormais de conclure un traité de paix avec l'Azerbaïdjan, après avoir remis à Bakou quatre villages qui avaient été conquis par l'Arménie dans les années 1990. D'importantes manifestations ont ainsi récemment eu lieu pour protester contre cette politique de Nikol Pachinian.

L'Orient-Le Jour a interviewé Stefan Meister, directeur du Centre pour l'ordre et la gouvernance en Europe de l'Est, Russie et Asie centrale au Conseil allemand sur les relations internationales (DGAP), pour comprendre les motivations de la reconnaissance de l'État de Palestine par l'Arménie dans ce contexte.

Comment interpréter cette décision dans le cadre de la politique étrangère de l'Arménie ?

L'Arménie entretient traditionnellement de bonnes relations avec la Palestine et les pays arabes, mais pas avec Israël. Je pense que, d'une part, il s'agit d'un signal fort de soutien au peuple palestinien. D'autre part, il s'agit d'un signal adressé à l'Iran sur la volonté d'Erevan de maintenir d'étroites relations, et à Israël en faisant comprendre que son soutien à l'Azerbaïdjan, pour qui Tel Aviv est notamment un des principaux fournisseurs d'armes et de drones, va à l'encontre des intérêts de l'Arménie. 

Erevan recherche ainsi le soutien de l'Iran et d'autres pays de la région dans le conflit avec l'Azerbaïdjan. Il est clair que le soutien d'Israël à l'Azerbaïdjan a été crucial pour gagner la deuxième guerre du Karabakh en 2020 et que, malgré l'exode forcé des Arméniens de cette région, Israël soutient toujours Bakou. Pour la communauté internationale, et en particulier les pays occidentaux, la reconnaissance de l'État palestinien par l'Arménie pourrait être problématique, puisque la plupart d'entre eux soutiennent Israël. Mais je constate également un changement clair en Europe : la situation des civils dans le territoire palestinien n'est pas acceptable et une solution politique est nécessaire au conflit. 

Comment expliquez-vous que l'Arménie cherche le soutien de l'Iran et d'autres pays de la région dans son conflit avec l'Azerbaïdjan et que, dans le même temps, le Premier ministre arménien tente de signer un traité de paix avec Bakou ?

Je pense que l'Arménie traverse une période très difficile, alors qu'elle a perdu son principal garant en matière de sécurité : la Russie. Erevan tente d'améliorer ses relations avec l'Union européenne, mais il a également besoin du soutien de l'Iran et d'autres acteurs régionaux pour contrebalancer et dissuader une attaque azerbaïdjanaise. L'Arménie souhaite un accord de paix, mais l'Azerbaïdjan n'en veut pas car il se nourrit de ce conflit, étant donné que la majorité des Azéris sont aussi pauvres que les Arméniens dans un État beaucoup plus riche, et qu'ils n'ont pas bénéficié économiquement de la victoire de la deuxième guerre du Karabakh. Cela signifie que les dirigeants de Bakou ont intérêt à ce que le conflit avec l'Arménie se poursuive, peut-être par de petites guerres, en prenant des pans de territoire, tant que l'Arménie est militairement faible. En ce moment, l'Arménie essaie d'obtenir un maximum de soutien de la part de tous les acteurs de la région, et l'Iran y joue un rôle crucial. L'Arménie n'est pas vraiment isolée sur le plan international, elle entretient de bien meilleures relations avec les États-Unis et l'Union européenne et a amélioré ses relations avec la Turquie. Mais elle n'a pas de garanties sécuritaires, c'est son principal problème.

Pensez-vous que la population arménienne soit satisfaite de cette décision ? Quel pourrait être l'impact de cette décision sur la popularité du Premier ministre à l'intérieur du pays ?

 Je pense que oui. Il y a une forte sympathie pour les Palestiniens dans la société arménienne, les gens suivent la guerre et la situation là-bas, et soutiennent cette décision. Par contre, je ne pense pas que cette question soit importante au point de réellement accroître la popularité de Nikol Pachinian. D'autres sujets comme la situation sécuritaire, les négociations avec l'Azerbaïdjan, les réformes dans le pays et les relations avec la Russie sont plus importants pour la société arménienne.

Plus de huit mois après le début de la guerre de Gaza, l'Arménie a annoncé vendredi sa reconnaissance de l'État de Palestine. Une décision liée à des considérations aussi bien externes qu'internes pour le gouvernement d'Erevan, alors que l'Azerbaïdjan a repris en septembre dernier le Haut-Karabakh aux séparatistes arméniens et que le Premier ministre Nikol Pachinian est fortement...
commentaires (1)

Depuis qu'il est au pouvoir, le président Pachinian a choisi la politique de rapprochement avec les Ètats-Unis et s1est lui-même éloigné de la Russie , traditionnelle alliée de l'Arménie ! Comment voulez-vous que le Président réagisse devant un pays qui se met dans les bras des américains , croyant que ceux-ci lui assureraient une bonne défense contre les convoitises du voisin azerbeidjanais ! Poutine n'aurait jamais abandonné l'Arménie si Pachinian n'avait pas eu la mauvaise idée d'opérer ce faux pas , ne se rendant pas compte que les américains abandonnent toujours leurs amis -sauf Israel

Chucri Abboud

03 h 00, le 24 juin 2024

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Commentaires (1)

  • Depuis qu'il est au pouvoir, le président Pachinian a choisi la politique de rapprochement avec les Ètats-Unis et s1est lui-même éloigné de la Russie , traditionnelle alliée de l'Arménie ! Comment voulez-vous que le Président réagisse devant un pays qui se met dans les bras des américains , croyant que ceux-ci lui assureraient une bonne défense contre les convoitises du voisin azerbeidjanais ! Poutine n'aurait jamais abandonné l'Arménie si Pachinian n'avait pas eu la mauvaise idée d'opérer ce faux pas , ne se rendant pas compte que les américains abandonnent toujours leurs amis -sauf Israel

    Chucri Abboud

    03 h 00, le 24 juin 2024

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