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Le syndrome de Haïfa


H comme Hodhod, H comme Haïfa aussi : ces derniers jours, l’improbable jumelage aura ravi la vedette de l’actualité au cruel et tragiquement monotone feuilleton de Gaza, avec ses mêmes et sempiternelles images d’enfer. Dans le sillage, et comme pour compléter le tableau, l’île de Chypre a fait une entrée des plus remarquées dans ces zones de tempête que sont devenues la Méditerranée et la mer Rouge.

Comme nul ne l’ignore encore, Hodhod est l’appellation arabe de la huppe, ce gracieux oiseau à la tête couronnée de splendides plumes qu’il peut, à volonté, dresser en éventail, et qui est tenu pour un messager de bon augure par les Juifs, les Arabes et les Persans. Assez ironiquement, Hodhod est aussi le nom de ce drone de fabrication iranienne lancé par le Hezbollah et qui s’est payé une balade aussi nonchalante qu’audacieuse au-dessus de Haïfa, premier port d’Israël, qu’il a filmé sous toutes ses coutures sans jamais être inquiété.

Clairs étaient les messages tous azimuts que convoyait l’insolente fugue ; si d’ailleurs ceux-ci n’étaient pas encore assez clairs, Hassan Nasrallah se chargeait mercredi de les expliciter. Les Israéliens, a-t-il affirmé, doivent comprendre qu’au cas d’une guerre totale, aucun lieu de leur territoire ne serait à l’abri des missiles du Hezbollah ; et les Américains réaliser enfin combien il est vain d’œuvrer à un règlement à la frontière libano-israélienne avant tout cessez-le-feu définitif à Gaza. Outre ces assertions qui, au fond, n’avaient rien de bien nouveau, Nasrallah a surpris jusqu’à son monde quand il a proféré des menaces contre Chypre, sommant ce pays d’interdire toute utilisation par Israël de ses aéroports et des bases étrangères installées sur son sol.

On doit sans doute à la vérité de noter qu’une éventualité aussi extrême n’est pas forcément une vue de l’esprit. Chypre est un des rares membres de l’Union européenne n’ayant pas, pour autant, adhéré à l’OTAN. Or cet apparent souci de neutralité régionale se trouve passablement écorné par les manœuvres militaires conjointes avec l’État hébreu auxquelles a pris part cette île ; selon les médias israéliens, ces exercices visaient des opérations au Liban, ce qui est vigoureusement démenti par les autorités de Nicosie. Le fait demeure toutefois qu’en menaçant de ses foudres l’avant-poste méditerranéen du Vieux Continent, le Hezbollah achève de mettre à nu l’État failli, l’État fantôme et potentiellement voyou qu’est, chaque jour un peu plus, notre pays. Déjà maîtresse de la décision de paix ou de guerre, voici en effet que la milice s’arroge le droit de parler pour le Liban dans ce qu’il avait naguère de plus précieux : ses traditions diplomatiques, son aptitude à se faire entendre des nations. C’est en vase clos, et sans oser aborder publiquement le cœur du problème, que les autorités libanaises se seront employées à noyer le poisson. La honte quoi, avec cette fois non plus un grand mais un énorme, un gigantesque H…

Mais voilà que l’alphabet nous ramène, non sans quelque malice, à Haïfa, la ville qui a dessaisi Beyrouth de son titre de porte du Levant. Les installations portuaires, ses raffineries et les nombreuses usines chimiques en font la plus grande zone industrielle d’Israël, et donc une cible prioritaire. S’y ajoute toutefois le fait que le chef du Hezbollah a visiblement un vieux compte à régler avec Haïfa, peut-être même une malédiction à conjurer. Et cela depuis le jour où il dissertait sur l’épouvantable cataclysme que provoquerait un seul de ses missiles s’il s’abattait sur les stocks de produits chimiques qui y sont entreposés : de nitrate d’ammonium, plus précisément. Peu après, c’est le port de Beyrouth, et tout un pan de la capitale, qui étaient ravagés par deux meurtrières explosions dues à ce même produit.

Mais chut, il ne faut pas trop parler de corde dans la maison d’un pendu. Les plus superstitieux ne se seront pas fait prier d’ailleurs pour croiser les doigts !

Issa GORAIEB

igor@lorientlejour.com

H comme Hodhod, H comme Haïfa aussi : ces derniers jours, l’improbable jumelage aura ravi la vedette de l’actualité au cruel et tragiquement monotone feuilleton de Gaza, avec ses mêmes et sempiternelles images d’enfer. Dans le sillage, et comme pour compléter le tableau, l’île de Chypre a fait une entrée des plus remarquées dans ces zones de tempête que sont devenues la...