![Peut-on investir aujourd’hui au Liban ? Peut-on investir aujourd’hui au Liban ?](https://s.lorientlejour.com/storage/attachments/1419/318505_403321.jpg/r/800/318505_403321.jpg)
Photo d’illustration : archives AFP
Le Liban traverse depuis plusieurs années une phase de crise économique et d’instabilité politico-sécuritaire. Dans ce contexte, le pays peut-il malgré tout rester attractif pour les entrepreneurs et investisseurs ? N’y a-t-il aucune amélioration qui leur permette de regarder l’avenir avec plus d’optimisme ? Pour répondre à cette question, il importe d’observer la situation sous plusieurs angles, afin de voir quels sont les éléments d’amélioration et ceux qui demeurent négatifs.
Les rares indicateurs macroéconomiques disponibles offrent un premier élément de réponse, et des signaux plutôt encourageants pour les investisseurs. La balance des paiements, en déficit quasi continuel depuis le début de la crise syrienne en 2011, et qui avait fortement plongé suite au crash de 2019, a montré une légère amélioration en 2023 avec un déficit réduit à 643 millions de dollars – sachant que les sept premiers mois avaient enregistré un excédent de près d’un milliard de dollars, avant l’attaque du 7 octobre. Le déficit budgetaire est également en amélioration, la dernière estimation de la Banque mondiale le situant à 1,3 % du PIB pour 2023 (avant la guerre de Gaza), soit nettement moins que le déficit pré-crise de 2018 (proche de 10 %). Des chiffres qu’il faut bien sûr considérer avec précaution, certains postes (comme une partie des salaires de l’armée) étant aujourd’hui pourvus hors budget, tandis que cette « amélioration » traduit aussi un effondrement de la capacité administrative.
La dévaluation massive de la livre a, de son côté, permis d’écraser (provisoirement) de nombreux coûts de fonctionnement, tout en balayant la dette publique en livres ; tandis que les restrictions bancaires, imposées dans l’illégalité et l’injustice la plus totale, ont soulagé les pouvoirs publics (État et BDL) de l’essentiel de leurs dettes respectives. En outre, le pays est en train de rétablir sa capacité fiscale, en alignant la TVA et les divers impôts, ainsi que les cotisations sociales, sur la réalité du marché. Tandis que le niveau des transferts extérieurs, essentiellement en provenance de la diaspora, demeure relativement stable.
Enfin, si l’inflation demeure forte, elle est également liée au réajustement général des prix ainsi que de la fiscalité post-crise tandis que la croissance prévue pour 2023 par la Banque mondiale (avant les événements de Gaza) était légèrement positive pour la première fois depuis 2018.
Cependant, si l’’ensemble de ces éléments traduisent un début de stabilisation macroéconomique (avec en quelque sorte certains des effets – positifs et négatifs – d’un ajustement structurel du FMI) le flou demeure cependant sur beaucoup d’autres indicateurs, retardant une reprise réelle.
Incertitudes multiples
Tout d’abord, au plan microéconomique et du « climat des affaires », le Liban est encore très en retard. Pour un investisseur, la paralysie encore patente des administrations et de la justice, le retard dans la promulgation des textes, la défaillance structurelle du secteur électrique et le mauvais état général des infrastructures sont autant d’épouvantails. La paralysie du crédit bancaire depuis 2019 est un autre problème grave : quel entrepreneur souhaiterait s’établir dans un pays où ni lui-même, ni ses clients, ni ses fournisseurs, ne pourraient bénéficier de financement ? Sans compter la contrainte posée par l’utilisation constante du « cash », qui impose des coûts de transaction et de manipulation. Et comment évaluer le pouvoir d’achat d’une population dont les avoirs sont bloqués, sans issue claire et prévisible ? Comment savoir si les dépôts (ainsi que les crédits) en « fresh » demeureront en sécurité ? Comment faire une étude de marché réaliste dans ces conditions ?
L’incertitude est d’autant plus patente au vu des inégalités socio-économiques qui ont explosé depuis 2019. Outre l’instabilité potentielle qu’une telle situation indiquerait au plan social, comment embaucher des personnels et les fidéliser, en leur assurant des prestations sociales suffisantes (payées aujourd’hui au prix fort), quand ces dernières sont constamment mises en danger par l’incurie administrative et l’imprévisibilité de la politique monétaire et bancaire ? Sans compter le fait que ces inégalités, et l’absence de filets sociaux, réduisent d’autant le pouvoir d’achat moyen, et donc l’intérêt du marché libanais ? Sans compter le risque politique et sécuritaire, plus que jamais présent, qui continue d’hypothéquer (ou de fournir un prétexte pour retarder) le règlement des réformes indispensables – à commencer par celle du secteur bancaire.
Opportunités risquées
Face à tout cela, deux possibilités s’offrent à un investisseur potentiel. La première consiste à se lancer dans des activités fortement rentables à très court terme, tout en ne nécessitant pas d’investissements lourds. Par exemple, la restauration et les activités touristiques, le commerce du luxe, ou encore les activités de services (notamment informatiques, juridiques ou de conseil, qui peuvent facilement s’exporter). La deuxième possibilité consisterait pour un entrepreneur à s’engager dans des activités fortement spéculatives, mais potentiellement rentables à long terme : par exemple, l’achat de terrains et propriétés foncières (ou de certains types d’actifs et d’entreprises), avec ’l’espoir que leur valeur se redresse à terme. Dans les deux cas, il s’agit d’un profil d’investisseurs particuliers, très avisés et présentant un appétit pour le risque.
Entre ces deux extrêmes, les investissements de « moyen terme » comme l’industrie, la promotion immobilière ou la construction, qui ont représenté par le passé, une part importante du PIB, ne pourront, elles, redémarrer réellement tant que le crédit bancaire demeurera à l’arrêt. Et si les activités de commerce peuvent continuer à perdurer, elles n’offrent cependant pas globalement aujourd’hui de fortes opportunités (du fait de la réduction des volumes depuis la crise), sans être dénuées de risques, dont celui d’une concurrence des prix effrénée, dans un pays où la protection du commerce et des consommateurs demeure faible.
S’il existe aujourd’hui, pour un entrepreneur, de nombreuses possibilités au Liban, celles-ci présentent donc un risque élevé et ne sont pas à la portée du premier venu. Et, surtout, elles ont, dans l’ensemble, un impact limité sur l’économie. Les activités réellement génératrices de croissance et d’emplois comme l’industrie, la construction (immobilier et infrastructures), l’éducation, le tourisme de masse, ainsi que le secteur financier, demeurant, elles, au ralenti sinon à l’arrêt. S’il existe donc, au plan individuel, des opportunités pour les entrepreneurs, le pays, lui, demeure pour l’instant en crise.
Écrivain, économiste et directeur exécutif de « L’Orient-Le Jour ». Il intervient ici en tant que contributeur extérieur à la rédaction.
Tout simplement, on est encore loin d’être un pays attractif des investissements étrangers, principalement due aux événements qui se passent au Liban Sud. En plus, aujourd’hui l’économie libanaise est une économie de cash, où presque la majorité des paiements sont faites avec l’argent liquide, et les autres moyens de paiements sont presque négligeables à cause de la paralysie du secteur bancaire.
14 h 00, le 24 juin 2024