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Plus arrogant est le Hezbollah, plus passif est le Liban


Hassan Nasrallah a menacé Chypre. Il soupçonne l’île d’ouvrir son territoire à Israël dans la préparation des opérations militaires de ce dernier contre sa milice. Fort bien. Cela veut dire qu’un jour, pas nécessairement lointain, les États-Unis, voire la France, mais aussi la Jordanie, l’Arabie saoudite et beaucoup d’autres pourraient très bien eux aussi se retrouver dans le viseur du Hezbollah, puisqu’à des degrés différents certes, toutes ces puissances aident ou ont aidé l’État hébreu à améliorer ses capacités défensives et offensives, lui ont épargné d’être touché par des missiles iraniens ou encore ont contribué directement ou indirectement à la normalisation de son existence dans la région.

Cependant, pour Hassan Nasrallah et ses sbires, peu importe qu’une telle surenchère soit menée jusqu’au bout ou pas. À leurs yeux, l’audace est souvent payante et elle le sera sûrement ici même, au Liban. Pas un jour ne passe en effet sans que le contraste ne devienne plus saisissant entre le volontarisme créatif du Hezbollah et la passivité mortifère du reste des Libanais. Sans parler bien sûr de leur État, qui n’en finit pas de creuser sa tombe.

L’arrogance de la milice pro-iranienne ne doit pas surprendre. Quel loup ne serait pas tenté de passer à l’attaque face à un tel troupeau d’agneaux lascifs, de marchands au rabais, de politiciens florentins occupés à se tirer dans les pattes lorsqu’ils ne rivalisent pas de populisme, de trafiquants de tous poils, de mafieux se pillant les uns les autres et une république si lâche qu’elle n’ose plus rouler que derrière des vitres teintées ?

Le Hezbollah est dans son rôle. Il l’est depuis toujours. Ce sont les autres qui ont abandonné leurs postes. Lui sert un projet, iranien certes, mais qui va bien au-delà de l’Iran et du Liban et qui s’inscrit dans la perspective d’une grande revanche historique sur une oppression qui a duré près de quatorze siècles. À ses yeux, ce projet vaut bien les bombes israéliennes. Trois cents ou quatre cents morts ? Et alors ? Hassan Nasrallah n’a-t-il pas dit mercredi que le Hezbollah avait un si grand nombre de combattants qu’il n’en « sait que faire » ? Au passage, comment ne pas relever que le plus glaçant dans ses propos, ce n’est pas tant la menace du nombre, mais plutôt le mépris ou du moins le peu de cas affiché à l’égard de ses propres combattants qui ne sont pas encore morts ?

Face à une telle détermination, il faudra autre chose que les 20 000 combattants chrétiens que Camille Dory Chamoun souhaite aligner face au Hezbollah. Non, Monsieur Chamoun, ce n’est certainement pas par une nouvelle guerre civile, qui plus est à caractère confessionnel, que le pays du Cèdre revivra et viendra à bout des tares qui le minent. Cet objectif ne sera possible que lorsque l’ensemble des Libanais prendront véritablement conscience de l’énorme péril existentiel que représente le Hezbollah pour le Liban pluraliste, démocratique et ouvert au monde que nous aimerions tant préserver. Nous en sommes loin, très loin… Un peuple qui se mobilise lorsqu’on lui annonce une taxe WhatsApp, et ne fait rien, absolument rien, lorsque le pays est pris en otage par une milice qui spolie littéralement l’État au service d’un agenda régional, est un peuple qui mérite… d’être pris en otage.

Voilà pour l’opinion publique. Et que dire de la classe dirigeante et des institutions ? Voici un ministère des Affaires étrangères noyé dans sa médiocrité à un point tel qu’il ne voit plus dans les relations entre le Liban et Chypre qu’une « longue histoire de coopération diplomatique ». Comme s’il avait peur, face à la milice dont il n’ose même pas prononcer le nom, d’évoquer l’amitié entre les deux peuples voisins.

Et que dire de Nagib Mikati, un homme si gentil, si présentable, si fréquentable, si modéré, et pourtant si synonyme de néant politique ? Que dire de Nabih Berry, bricoleur d’entourloupes, roi de la turpitude et cache-sexe du Hezbollah ; que dire de Samir Geagea, ermite figé dans ses certitudes, qui cache son incapacité à contrer le Hezbollah en privilégiant, en pleine guerre, le dossier des réfugiés syriens ; que dire aussi de Gebran Bassil, l’homme qui a si bien appris de son beau-père à ne rien incarner du tout pour pouvoir tout incarner à la fois ; que dire de Walid Joumblatt, capable du meilleur et du pire – ces temps-ci c’est reparti pour le pire –, si comique lorsqu’il s’offusque en feignant de découvrir que des druzes d’Israël rendent hommage à son père… ?

Et que dire de la justice libanaise et de ses magistrats, qui continuent sans vergogne à condamner et à envoyer dans des cellules infâmes de pauvres hères coupables de larcins, à l’heure où l’État et le pays sont les otages d’une milice qui jouit depuis des lustres de l’impunité la plus totale ?

Un État qui est puissant devant les faibles et faible devant les puissants est un État qui ne mérite pas d’exister…

Hassan Nasrallah a menacé Chypre. Il soupçonne l’île d’ouvrir son territoire à Israël dans la préparation des opérations militaires de ce dernier contre sa milice. Fort bien. Cela veut dire qu’un jour, pas nécessairement lointain, les États-Unis, voire la France, mais aussi la Jordanie, l’Arabie saoudite et beaucoup d’autres pourraient très bien eux aussi se retrouver dans le...
commentaires (22)

Malheureusement l'equation est aussi que plus arrogant est Israel plus passive est la communaute internationale

Baddoura Rafic

08 h 49, le 22 juin 2024

Tous les commentaires

Commentaires (22)

  • Malheureusement l'equation est aussi que plus arrogant est Israel plus passive est la communaute internationale

    Baddoura Rafic

    08 h 49, le 22 juin 2024

  • L'interprétation des propos du secrétaire général du Hezbollah porte à confusion : lorsqu'il parle des soldats dans leur rang, il veut signifier que la raison et la cause portées par leur opposition aux voisin-colons, motivent nombreux libanais à intégrer les rangs, contrairement au camp d'en-face, où les réservistes se font de en réticents, des cas de suicide de en nombreux à l'appel de la réintégration des troupes. Ce qui explique la demande de la part des membres du gouvernement israélien d'abroger la loi sur la conscription des Haredis (loi de dispense des services de l'armée)

    peacepeiche@gmail.com

    04 h 47, le 22 juin 2024

  • Le Liban pluriel ne pourra pas exister tant qu’une milice illégitime détient des armes étrangères pour combattre les citoyens libanais tout en continuant le lavage de cerveaux de ses partisans. Je les ai entendu lors d’un rassemblement dans la,banlieue sud répéter en cœur: L’UMILIATION C’ÉTAIT HIER. Donc les chiites croient dur comme fer que leur zaim fait leur intérêt et mêmes sacrifiés, même morts ou affamés et privés de leur liberté, et vivant sous son diktat, ils ne seront plus humiliés. Cherchez l’erreur.

    Sissi zayyat

    20 h 13, le 21 juin 2024

  • Excellent article de m.Fayard, comme d’habitude. Certains voient voit l’ambassade des américains sur notre petit territoire, mais préfèrent fermer les yeux sur la présence des iraniens sur tout notre territoire usurpé et leurs armes de tous les calibres dignes d’un pays de 3millions de Km carrés juste pour détruire notre pays. Ça va, il n’y aurait pas de quoi faire un fromage ou casser trois pattes à un canard. Après tout ils sont maintenant chez eux. Non mais!

    Sissi zayyat

    20 h 05, le 21 juin 2024

  • Vu de France, je me garderai bien de porter un jugement définitif sur le comportement de tel ou tel dirigeant politique libanais... Encore que !!! Toutefois, pour ce qui est de la qualité d'écriture et du talent de son auteur, je dis "CHAPEAU"... C'est un modèle... KJR

    Katherine - Jean-Robert CHERFILS

    18 h 02, le 21 juin 2024

  • - ARROGANCE CONTRE FAIBLESSE. - NOUS CONSTATONS LES DEUX SANS CESSE. - L,UNE EST PORTEE SUR D,AILES PERSES. - L,AUTRE EST NEE DE RANCOEUR DIVERSES. - AVEC L,AIDE DE LA TRAITRISE, - L,UNE PRATIQUE LA MAINMISE. - L,AUTRE PUISE SA NONCHALANCE, - EN COMBATS DE COQS SANS SUBSTANCE. - L,UNE EN PROFITE DES CONTRASTES, - ET POURSUIT SES ACTIONS NEFASTES, - METTANT EN DANGER DU PAYS, - CE QU,ELLE N,A PAS ENCOR DETRUIT. - L,AUTRE BROUILLEE EN ELLE-MEME, - SE PLAINT, CONTESTE ET TRAITE MEME. - LES DEUX PARLENT DE CONSENSUS, - CHER UNIQUEMENT AUX BARBUS. - CONSENSUS EGAL BORDEL. - A REFUSER CE LABEL.

    LA LIBRE EXPRESSION

    17 h 44, le 21 juin 2024

  • Magnifique article! Eclatant de vérité.

    Johnny Sarkis OLJ00989

    15 h 25, le 21 juin 2024

  • C’est un article absolument exceptionnel! Une référence. Bravo!

    Akote De Laplak

    12 h 25, le 21 juin 2024

  • Triste aussi la construciton de cette immense ambassade américaine posée au mlilieu du Liban et dont aucun journaliste ne semble questionner la pertinence et le but . Enlevez vos oeillères M. Fayad.

    nabil samir

    11 h 17, le 21 juin 2024

  • Bravo Mr Fayad point dans le mile, En sus de tous les politiciens que vous évoquez il fait aussi parler de ce peuple amorphe, toujours prêt à la tache quand il s’agit d’entreprise individuelles mais qui fait le sourd et l’aveugle dès qu’il s’agit de faire quelque chose en groupe. Cette tendance à se rendre avant même de combattre parce que soi-disant les miliciens ont des bâtons . A titre d’exemple les Ukrainiens n’ont pas courbe l’échine devant des tanks, le peuple syrien que les libanais aiment décrier a été remarquable et il a fallu l’intervention de 2 armées étrangères pour sauver le tyran

    Liban Libre

    10 h 45, le 21 juin 2024

  • La force des mots! Quel article poignant et quelle triste réalité! Bravo Monsieur Fayad, en résumé! tout haut ce que TOUT le Monde pense tout bas! Pauvre Liban si déchiré et pauvre nation déchue. Vous! Les hommes politiques avez réussi votre pari mais l’histoire ne vous pardonnera pas… Citoyen du Monde FA

    Fayez ABILLAMA

    08 h 49, le 21 juin 2024

  • Bravo Elie Fayad, vous avez bien résumé l'état des Libanais, mais surtout de ceux qui les dirigent. Une chose a ajouter a votre analyse : Les libanais ne savent pas voter, ils deviennent claniques lors des votes, comme si leur vote n'aura aucune influence sur leur futur

    Aboumatta

    08 h 45, le 21 juin 2024

  • Excellent

    RIGA Pavla

    07 h 13, le 21 juin 2024

  • La guerre que mène le Hezbollah au Sud est, qu’on le veuille ou non, une guerre contre le Liban. Le silence des uns est désertion devant l’ennemi. Quant à l’approbation des autres, on ne peut l’appeler autrement que trahison.

    Yves Prevost

    06 h 55, le 21 juin 2024

  • Bien dit M. Fayad. Nous avons peut-être écopé trop de coups pour continuer à nous révolter. Que faire pour contrer les fous d'Allah? Même Israël ne sait plus. Il ne nous reste plus que continuer à espérer.

    Onaissi Antoine

    06 h 38, le 21 juin 2024

  • EXCELLENTE ANALYSE DE LA SITUATION! VOTRE ARTICLE AURAIT ÉTÉ PLUS COMPLET ET PLUS OBJECTIF SI VOUS AVIEZ MENTIONNÉ AUSSI L'ABSENCE ET LA PARTIALITÉ DE LA JUSTICE À L'ÉGARD DES DÉPOSANTS QUI ONT ÉTÉ VOLÉS PAR LES BANQUES AVEC LA PARTICIPATION ACTIVE DE TOUS LES PARTIS POLITIQUES ET DES GRANDES INSTITUTIONS DE L'ÉTAT QUI BÉNÉFICIENT D'UNE IMPUNITÉ TOTALE DANS LEUR IMPLICATION DANS LE CASSE DU SIÈCLE. C'EST CETTE IMPUNITÉ QUI AUGURE DE LA DISPARITION DE L'ÉTAT!

    Georges Airut

    03 h 56, le 21 juin 2024

  • ""Plus arrogant est le Hezbollah…"" Ce terme arrogant est souvent repris, pourrait faire croire à une guerre entre arrogants. Récemment, l’arrogance d’Israël, aujourd’hui, l’arrogance du Hezbollah, et par le passé vaincre « l'arrogance mondiale » (sic). Un élément de langage. Que dire des menaces contre Chypre (Etat européen) et surtout depuis la guerre, porte de sortie et de secours pour tant de Libanais "coincés" sous les bombes. Si "Oui,à l’heure qu’il est, cela signifierait une « victoire » de l’axe de la résistance",ça promet "l’intelligence au-delà du chaos".Mais l’heure est déjà passée.

    NABIL

    03 h 09, le 21 juin 2024

  • ""Un État qui est puissant devant les faibles et faible devant les puissants est un État qui ne mérite pas d’exister…"" C'est bien écrit, mais c'est aussi de la langue de bois journalistique, tant qu'on n'a pas d'Etat.

    NABIL

    02 h 49, le 21 juin 2024

  • ""…que dire de la justice libanaise et de ses magistrats"", mais monsieur le corédacteur en chef, depuis l’autre séisme de la double explosion au port, comment qualifier le travail d’un magistrat instructeur qui ne peut rejoindre son bureau ? Un magistrat empêché ? Il y a au Liban des magistrats intègres pour faire correctement leur travail, mais dès que l'un d'eux ose défier, non l'Etat mais la ""Manzoumé"", ce système hybride propre à certains pays, que de journalistes hurlent avec les loups, pour l'accuser de traiter de certains dossiers ou de son appartenance politique...

    NABIL

    02 h 45, le 21 juin 2024

  • .......veut avoir l'exclusivité de la lutte armée, de la "résistance", et comme on dit au Liban, il veut avoir toute la place pour lui. Certains l’appellent hégémonisme, mais selon les rapports de force, cette formation a un agenda d’abord national chargé de revanches historiques ""…sur une oppression qui a duré près de quatorze siècles"", comme celles revendiqués par un certain chef politico-militaire druze il y a quarante ans avec le soutien de puissances régionales, (au pluriel). L’occasion se présente pour l’un et l’autre, et de revanches en revanches, la guerre se porte à merveille.

    NABIL

    02 h 35, le 21 juin 2024

  • La Palestine mérite tout cela . Lorsqu'elle sera sur pieds, tous nos problèmes disparaîtront .

    Chucri Abboud

    02 h 19, le 21 juin 2024

  • ""Le Hezbollah est dans son rôle.Il l’est depuis toujours.Ce sont les autres qui ont abandonné leurs postes"". Par "autres",on ne peut que penser à Saad Hariri et au leadership sunnite,car les "autres" leaders politiques,le druze et les chrétiens,d’anciens chefs de guerre cités dans l’analyse,ne pèsent pas lourd face à la formation chiite,et font de la figuration,de la gesticulation.Ce n’est pas tout à fait un abandon de poste de la part de Saad Hariri.Son départ a une autre histoire,car depuis le séisme de février 2005,la formation politico-militaire chiite veut avoir l'exclusivité de la lutt

    NABIL

    02 h 16, le 21 juin 2024

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