C'est un discours particulièrement belliqueux que le secrétaire général du Hezbollah, Hassan Nasrallah, a prononcé mercredi. À l'heure où le risque de guerre totale entre le Liban et Israël n'a jamais semblé aussi sérieux depuis le début des affrontements sur le front sud, le 8 octobre dernier, le dignitaire chiite a veillé à faire étalage de muscles, dans ce qui pourrait être interprété comme une tentative de dissuader les Israéliens de franchir le Rubicon. « Si la guerre est imposée au Liban, nous combattrons sans restrictions ni limites », a-t-il ainsi martelé, lors d'une cérémonie d'hommage à Taleb Abdallah, un commandant du Hezbollah éliminé par Israël la semaine dernière. « L'ennemi sait parfaitement que nous nous sommes préparés au pire (..) Il sait qu'aucun lieu (..) ne sera épargné par nos missiles, a-t-il ajouté. En cas de guerre, Israël devrait « nous attendre par la terre, par la mer et par les airs ». Nasrallah a également affirmé que l'escalade sur le front sud signifierait le déclenchement d'une guerre régionale. « Les Américains savent ce que cela signifierait pour la région », a-t-il ajouté, au lendemain d'une visite express d'Amos Hochstein, émissaire de Joe Biden pour le Liban, qui tente d'obtenir une désescalade. Fait notoire, le leader pro-iranien est allé jusqu'à menacer Chypre, l'accusant de soutenir les Israéliens dans leurs efforts de guerre contre le Liban.
« Nouvelles armes »
« Nous avertissons le gouvernement de Nicosie : l'ouverture des aéroports et des bases chypriotes à l'ennemi israélien pour cibler le Liban signifierait que le gouvernement chypriote est partie prenante dans la guerre », a-t-il lancé, affirmant disposer « d'informations certaines » selon lesquelles les soldats israéliens s’entraînent sur l’île, « dont la géographie est similaire à celle du Liban-Sud », dans la perspective d'une invasion. « Nous avons présenté ces informations aux autorités libanaises, qui en ont discuté avec le président chypriote lors de sa visite officielle à Beyrouth (en avril), dit le chef du Hezbollah. Il a démenti ces informations, dont nous sommes pourtant certains. » À travers ces menaces dirigées contre un pays de l'Union européenne et ayant une relation historiquement amicale avec le Liban, Hassan Nasrallah fait donc monter les enchères dans l'espoir d'obtenir une intensification des pressions internationales visant à empêcher Israël d'attaquer le pays du Cèdre.
L’ambassadeur de Chypre en Israël, Kornelios Korneliou, n'a pas tardé à réagir. « Lorsqu’un tel homme menace, une réaction s'impose », a-t-il déclaré, selon des propos accordés au site d'information israélien Ynet. « Nous attendons la réponse officielle de Nicosie. Et de poursuivre : Nos relations avec Israël sont excellentes et n’ont jamais été aussi fortes, et nous essayons de remplir un rôle modeste dans la livraison de l’aide humanitaire à Gaza en coordination étroite avec Tel-Aviv. Je suis certain que tout cela n’est pas vu d’un bon œil par le Hezbollah. »
C'est dans le même cadre de montée des enchères que s'inscrit également la pléthore de menaces formulées par Nasrallah à l'encontre de Tel-Aviv. « Jusqu’à présent, nous n'avons utilisé qu'une partie de nos armes, a-t-il lancé. Nous avons reçu de nouvelles armes, nous avons développé certaines de nos armes (..) et nous en gardons d'autres pour les jours qui viennent ». Ces propos interviennent à l'heure où les spéculations vont bon train, notamment en Israël, sur les véritables capacités militaires du Hezbollah. Ces dernières semaines, la formation a employé, pour la première fois de son histoire, des missiles sol-air qui ont forcé des avions de chasse israéliens à battre en retraite. À travers ces déclarations, le chef du Hezbollah semble donc répondre à ceux qui s'interrogent sur la capacité de sa milice à abattre ces avions, mais aussi aux interrogations quant au stock de missiles de longue portée dont elle disposerait et sa capacité à frapper des cibles situées en profondeur. « L'ennemi sait qu'en cas de guerre, il n'y aura aucun endroit à l'abri de nos missiles et de nos drones, a-t-il martelé. Nous disposons d’une banque complète et réelle de cibles, nous avons la capacité de les toucher et d’ébranler les fondations de cette entité. »
Au-delà de Haïfa
Hassan Nasrallah a, en outre, menacé de frapper des cibles en Méditerranée, dans une allusion aux navires israéliens (déjà en proie aux attaques des houthis yéménites en mer Rouge) mais aussi et surtout aux lucratives plateformes gazières offshore sur les côtes de l'État hébreu. Concernant les effectifs de sa formation, il n'a pas non plus fait preuve de modestie. « L'année dernière, j'avais parlé de 100 000 combattants, et même à l'époque, ce chiffre était en deçà de la réalité. Aujourd'hui, nous sommes encore plus nombreux, à tel point qu'on ne sait plus quoi faire de nos hommes », a-t-il lancé. Le chiffre de 100 000 combattants présenté en 2022 par le Hezbollah est contesté par de nombreux observateurs et est considéré comme étant surtout une tentative d'intimider ses adversaires sur la scène locale. Mais cette fois-ci, la menace semble dirigée au Premier ministre israélien, Benjamin Netanyahu. « L'invasion de la Galilée est une option en cas de guerre totale avec Israël », a lancé Nasrallah.
Il a également évoqué les images (une vidéo d'une dizaine de minutes) de Haïfa survolée par un drone, diffusées par son parti mardi. « Nos drones ont pu capturer pas moins de 9 heures de vidéo au-dessus de Haïfa, et nous allons bientôt publier des vidéos d'autres villes, situées au-delà de Haïfa », reprenant la fameuse expression prononcée lors de la guerre de juillet 2006 à travers laquelle il menaçait de bombarder les métropoles israéliennes. La capacité des drones du Hezbollah à pénétrer une quarantaine de kilomètres à l'intérieur d'Israël a suscité des interrogations quant aux systèmes de défense des Israéliens. « Ils disent qu'ils n'ont pas abattu notre Hodhod (le nom du drone, NDLR) parce qu'ils ne voulaient pas mettre les habitants de Haïfa en danger... quel mensonge ! N'auraient-ils pas pu l'abattre au-dessus de la mer ? » a lancé Hassan Nasrallah. Il a également vanté la capacité de son parti à obtenir des informations sur les positions et sites israéliens, à l'heure où Israël semble avoir pris le dessus dans la guerre des renseignements, multipliant les frappes ciblées contre des sites et des dirigeants du Hezbollah depuis octobre.
Malgré cette rhétorique enflammée, le chef du Hezbollah a tout de même affirmé « qu'il ne souhaitait pas une guerre totale ». « Nous sommes un front de soutien à Gaza, a-t-il insisté. Et que ceux qui nous menacent de guerre, dont les Américains qui craignent pour l'entité ennemie, sachent que nous ne nous arrêterons pas et sommes prêts à toutes les éventualités. La solution est simple : Arrêtez la guerre à Gaza ». Après la vidéo du drone, Amos Hochstein vient donc de recevoir une deuxième réponse.
Qu’il soit un homme et qu’il execute ses menaces sur le terrain au lieu de baratiner dans le vide.
20 h 22, le 20 juin 2024