Pour la première fois depuis le début des hostilités entre le Hezbollah et Israël, le 8 octobre dernier, le parti chiite a publié mardi une vidéo d’un peu moins de dix minutes, filmée à partir d’un drone, montrant des sites stratégiques, civils et militaires identifiés comme des « cibles » en Israël. Le drone a été nommé par le Hezbollah « al-Hodhod », le nom arabe de la « huppe », l’oiseau symbole d’Israël, et il a atteint Haïfa, à 27 km de la frontière libano-israélienne, sans être intercepté par la défense aérienne israélienne. Dans un discours mercredi, le chef du Hezbollah, Hassan Nasrallah, a confirmé que le parti disposait de « drones al-Hodhod ».
Les images ont montré la zone portuaire de Haïfa, un site industriel exploité par Rafael Advanced Defense Systems Ltd. et la région de Krayot, où habitent 260 000 personnes. La vidéo décrivait l’importance stratégique de cette zone portuaire, qui comprend la principale base navale de l’armée israélienne dans le Nord et d’importantes installations militaires mais aussi commerciales. Environ une heure avant la diffusion de la vidéo, le Hezbollah a annoncé qu’il y présenterait des « scènes importantes », invitant les gens à les « regarder et analyser », soulignant le timing choisi en parallèle de la visite de l’envoyé américain, Amos Hochstein, à Beyrouth, sur fond de menaces d’une guerre à grande échelle qu’Israël lancerait contre le Liban.
Pourquoi Israël n’a-t-il pas abattu le drone ?
Le fait que le drone ait atteint Haïfa, filmé la ville pendant un certain temps, puis probablement retourné au Liban sans être intercepté par la défense aérienne israélienne a soulevé de nombreuses questions. Citant l’armée de l’air de l’État hébreu, le journal israélien Yediot Aharonot a déclaré que les « systèmes de défense aérienne israéliens avaient identifié le drone mais avaient décidé de ne pas l’intercepter après avoir reconnu qu’il n’avait pas de capacités offensives et craignant qu’une interception ratée puisse mettre en danger les habitants de la région. »
Pour autant, interrogé par L’Orient Today, l’expert militaire et ancien journaliste de guerre Elijah Magnier, basé à Bruxelles, a, mis en doute le bien-fondé de cette affirmation, expliquant que « le drone était par moments au-dessus de la mer, donc il était possible de l’abattre » sans mettre en danger les civils. Et d’ajouter : « Il est impossible pour quelque armée que ce soit, de voir un drone inconnu appartenant à un autre pays ou à un acteur non étatique dans son espace aérien et de ne pas l’abattre. » Selon lui, « la réponse est extrêmement simple » : si Israël n’a pas abattu le drone, c’est que l’État hébreu « ne l’a pas vu ». Et d'ajouter : « Le système d’Israël n’est pas parfait. Le système de défense aérienne Dôme de Fer et le système militaire (d’interception d’avions, de drones et de missiles, NDLR), dit Fronde de David, étaient tous deux présents au complexe militaire Rafael et au sein des infrastructures militaires de Haïfa et ils n’ont pas tiré contre le drone. »
Officiellement, le discours est toutefois différent. L’armée israélienne « sait quel moyen le Hezbollah a utilisé pour filmer des images du port de Haïfa », a ainsi affirmé mercredi le chef d’état-major, Herzi Halevi, cité par le Haaretz. « Nous nous préparons (…) pour faire face à de telles capacités », a-t-il ajouté, assurant que l’armée israélienne possède « des capacités infiniment plus puissantes » que le Hezbollah.
Citant le Yediot Aharonot, la chaîne de télévision libanaise MTV a rapporté mardi soir que le ministère israélien de la Défense a émis un chèque en blanc aux industries de la défense pour trouver une solution aux drones du Hezbollah, ajoutant que les évaluations de sécurité indiquent qu’une solution technologique pour les intercepter sera probablement trouvée dans trois mois.
Quel type de drone est-il capable de mener une telle mission ?
L’analyste militaire Charles Abi Nader a déclaré à la chaîne locale al-Mayadeen que « le Hezbollah a probablement utilisé un drone al-Hodhod 3, fabriqué en Iran, qui est un avion électrique sans empreinte thermique ou acoustique. » « Le drone al-Hodhod 3 peut transporter une variété de caméras, à une vitesse maximale de 70 kilomètres par heure et peut voler pendant plus d’une heure », a-t-il ajouté. Il a également affirmé que le drone, comme il s’avère, est « un avion très avancé » qui a « pénétré au cœur des capacités militaires israéliennes. »
De plus, Elijah Magnier a déclaré à L’Orient Today que le drone utilisé est très bien connu et fait partie de l’arsenal iranien. Il n’a pas précisé quelle génération de ce type de drones pourrait avoir été utilisée, mais a affirmé qu’il était clair, selon la vidéo, que différentes séquences ont été prises puis montées, ce qui signifie qu’il ne s’agit pas d’un seul drone qui a tout capturé.
De son côté, le Yediot Aharonot a rapporté que le Hezbollah a lancé « trois drones au total : un premier a été intercepté, un autre a disparu des radars et est censé s’être écrasé en mer et un troisième a terminé sa mission de reconnaissance. » L’appareil était « un petit dispositif non armé, équipé d’une caméra GoPro », a-t-il ajouté.
Le message du Hezbollah
Pour Elijah Magnier, par le biais de ces images, le Hezbollah a envoyé un message à Israël disant que si ce dernier insiste pour mener une guerre contre le Liban, les cibles mentionnées dans la vidéo sont celles qui seront attaquées par le parti. Selon l’expert militaire, l’inclusion d’installations civiles dans la vidéo « poussera les Israéliens à se demander si déclencher une guerre contre le Liban est une bonne idée ».
L’expert militaire et stratégique Naji Malaeb a, lui, expliqué au média qatari al-Araby que « ce que le Hezbollah a fait est une forme de guerre psychologique contre Israël, ses soldats et les habitants du Nord ».
La fameuse ´fronde de david ´ est un pétard mouillé
17 h 05, le 20 juin 2024