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Nos Lecteurs ont la Parole

Identité plurielle : guerrière, pacifiste

Identité plurielle : guerrière, pacifiste

Chez tout un chacun selon la référence à un « moi idéal » ou bien à l’« idéal du moi », on aboutit à un « moi » plus ou moins stable. Photo d’illustration Bigstock

L’identité est une notion complexe qui admet plusieurs approches. Il y a l’approche philosophique, sociale, psychologique, légale, psychanalytique et d’autres. Cette identité est modulable par différents ajouts (famille, amis, milieu, culture, croyances religieuses, tribu, genre, communauté, politique et secte). Tout un chacun peut valser pour faire semblant et modifier son apparence identitaire et pour tromper les autres. Il y a en définitive une résultante comprenant du rationnel, de l’émotion, de l’intérêt, de la haine, de l’amour, de la jalousie dans toute la façon d’être de l’individu pour constituer son identité. Pour situer et structurer cette identité, la psychanalyse parle plutôt d’identification. Chez tout un chacun selon la référence à un « moi idéal » ou bien à l’« idéal du moi », on aboutit à un « moi » plus ou moins stable. Un narcissisme s’ajoute à cette structure pour constituer la personnalité. Le « moi idéal » est une formation psychique appartenant au registre de l’imaginaire. L’« idéal du moi » est l’instance psychique qui choisit parmi les valeurs morales et éthiques requises par le surmoi, celles qui constituent un idéal auquel le sujet aspire (le fanatisme et l’état amoureux).

Pourquoi le monde semble en désordre et en état d’ébullition ? L’histoire est jalonnée de conflits, de guerres, de déchirements et souvent d’extermination. Les guerres résultent de l’instabilité intérieure des peuples et les frictions entre leurs structures personnelles et les multiples identités que les chefs manipulent et exploitent au gré de leur narcissisme. Le XXe siècle nous rappelle les deux grandes guerres, les millions de morts et surtout les liquidations à l’intérieur de leur pays par Staline, Mao Tsé-toung et Pol Pot.

La décomposition de l’Empire ottoman a fait émerger différents États dans la région. Partout dans le monde, de l’Asie à l’Amérique ou l’Afrique, il y a eu l’émancipation politique d’États qui vont se grouper dans l’Organisation des Nations unies. Cela a constitué des identités voulant se libérer du joug des puissances colonisatrices. Ces identités pour un État ne sont pas définitivement acquises. C’est une construction de tous les jours et surtout de tout un chacun des groupes humains qui constituent ces États. C’est une affirmation de cette flamme intérieure qui reconnaît l’appartenance dite nationale. Nous assistons actuellement à un déséquilibre entre un Occident en tourmente (guerre Russie-Ukraine et le reste) et un Sud global en effervescence. Il y a une remise en cause de tout un passé dominant avec ses codes et ses idéologies. En d’autres termes, c’est la période du « West versus the rest ». C’est la période de postvérité avec ses « fake news » où dominent les émotions et les élans narcissiques. Les réseaux sociaux jouent de façon dominante l’équivalent d’une arme de destruction et désorganisation massives pour faire éclater les consensus. C’est une période où nous assistons à un « sale temps » pour les démocraties. Est-ce dû au dérèglement des émotions et à un éclatement des identités, à une perte de repères qui entraînent les chocs des groupes sociaux qu’on appellera chocs des cultures ou chocs des fantasmes ou chocs des fanatismes. Dans ces groupes sociaux, il y a des clivages pluriels résultant de vieux conflits refoulés qui peuvent émerger et faire que le consensus est ébréché ou n’est plus respecté.

Dans notre région, la foule ne pense pas et, si elle pense, elle pense souvent mal. Nous sommes englués dans les marécages de la haine et de la violence. En Israël, des dirigeants fanatiques avec des ambitions meurtrières, vaniteux et dominateurs se déchaînent contre les Palestiniens. En Iran, une équipe aussi fanatique ambitionne la domination de la région par ses bras armés et dévoués et la mainmise sur le Liban. La région s’enfonce dans la guerre des dieux. Les entités guerrières envahissent les entités iréniques. Les autres peuples subissent les affres de la guerre, la mort et la déroute (en Palestine, au Liban, en Syrie, en Jordanie…). Ceux qui se proclament d’une volonté divine oublient que Dieu est amour, justice, miséricorde, liberté et paix. Rappelons que l’adhésion au sacré protège le sujet des tiraillements intrasubjectifs et le préserve de toute vision externe différente. Ce lieu devient purifiant et refuse toute différence. L’individu s’y identifie en tant qu’idéal résistant à toute approche rationnelle. Nous sommes pris au Liban entre guerre sacrée, guerre exterminatrice et disparition de l’État de droit. Le peuple est noyé dans les vices déroutants, ces vices sont comme une chambre close où seul le chef a la clé. Ces chefs fanatiques sont embusqués dans les fantasmes loin de la réalité de tous les jours. Nos responsables représentent la « kakistocratie » ou le pouvoir des pires, des incompétents (Diriger la CIA : mon combat contre le terrorisme, John Brennan).

Nul ne peut prétendre posséder à lui seul la vérité absolue, sauf à glisser dans le sacré qui exclut l’autre et qui pervertit son identité. Au Liban, on se doit de recorriger notre déviance identitaire. C’est une conscience de soi capable de garder à l’esprit les phases brillantes de notre existence. La reconnaissance réciproque du « moi » et de l’« autre » avec des interactions individuelles mêle tous les objectifs, même contradictoires.

Notre conscience politique au Liban, florissante à une certaine période, a laissé croire à un bonheur stable, rassurant et durable, un semblant partage des idées, des émotions et des choses. D’aucuns avaient appelé cela « un Liban-message », que tout le monde s’est mis à répéter pour essayer de s’en convaincre, mais sans résultat. Or notre monde est secoué, déstabilisé par des vagues identitaires émergentes, contradictoires. Les êtres humains, soit individuellement, soit en groupes, peuvent changer de priorité au cours de l’histoire. C’est une chose réelle et prévisible qui a entraîné nos responsables ignorants et aveugles dans une tornade sans fin. Le Liban a besoin d’un élan commun de tous ses constituants pour soutenir cette identité rêvée d’un consensus, d’une paix et d’un développement pour tous à tous les niveaux. Il faut transcender par le verbe et l’action pour consolider le rêve de chaque Libanais et le faire vivre et perpétuer. Il faut éviter les fluctuations émotionnelles et les émergences guerrières qui sommeillent dans chacun et l’attrait de la violence. Les Libanais aspirent à une identité nationale apaisée ou règne les fondamentaux démocratiques (paix, justice, liberté de chacun et égalité des chances).

Adel AKL

Psychiatre, psychanalyste

Les textes publiés dans le cadre de la rubrique « Courrier » n’engagent que leurs auteurs. Dans cet espace, « L’Orient-Le Jour » offre à ses lecteurs l’opportunité d’exprimer leurs idées, leurs commentaires et leurs réflexions sur divers sujets, à condition que les propos ne soient ni diffamatoires, ni injurieux, ni racistes.

L’identité est une notion complexe qui admet plusieurs approches. Il y a l’approche philosophique, sociale, psychologique, légale, psychanalytique et d’autres. Cette identité est modulable par différents ajouts (famille, amis, milieu, culture, croyances religieuses, tribu, genre, communauté, politique et secte). Tout un chacun peut valser pour faire semblant et modifier son apparence...
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