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Culture - Littérature

Une journée sans se rendre à Tripoli était une journée perdue pour Jabbour Douaihy

Dans la capitale du Nord-Liban, hommage à l'écrivain libanais à l’occasion de la parution en français, à titre posthume, de son dernier roman.

Une journée sans se rendre à Tripoli était une journée perdue pour Jabbour Douaihy

Un public nombreux à la Fondation Safadi de Tripoli pour assister à l'hommage rendu à l'écrivain Jabbour Douaihy. Photo Esper Melhem

À l’affiche, en chemise cerise et veste sombre, un borsalino noir de la ligne Fedora vissé sur ses cheveux poivre et sel, la moustache broussailleuse, le sourire présent sans être tracé, le regard indéfinissable, à la fois tendre, malicieux et amer : Jabbour Douaihy était l’un des plus grands écrivains libanais contemporains. Disparu le 23 juillet 2021 à 72 ans, il avait bouclé la boucle de ses récits inspirés de son quotidien libanais avec une œuvre truffée de symboles :  Il y avait du poison dans l’air. Bien que professeur de littérature française, sa langue d’écriture était l’arabe. Ses œuvres, publiées aux éditions Actes Sud dans la collection Sindbad, étaient traduites en français par Stéphanie Dujols. Et c’est précisément la parution récente en français de ce roman ultime, Il y avait du poison dans l’air, qui a réuni le 14 juin autour du souvenir l’auteur à la Fondation Safadi à Tripoli un grand nombre de ses inconditionnels. À la tribune, modérée par Antoine Courban, se sont notamment exprimés Charif Majdalani et Alexandre Najjar.

De gauche à droite : Alexandre Najjar, Charif Majdalani et Antoine Courban. Photo Photo Esper Melhem

Entre Douaihy et Tripoli, une relation privilégiée

En amont, sur une idée de l’actrice et chanteuse Maria Douaihy, la fille de l’écrivain, la table ronde avait été organisée par l'Institut français de Tripoli, la fondation al-Tawarek, le Comité d'identité francophone de Zghorta-Zawié, le campus du Liban-Nord de l'USJ et le département de littérature française de l’Université libanaise à Tripoli. Après un mot d'accueil du directeur de l'Institut français du Liban-Nord, Emmanuel Khoury, la séance s’est ouverte avec une projection de la dernière interview de Jabbour Douaihy, suivie d'un témoignage poignant de Zahida Darwiche Jabbour sur ce collègue avec qui elle a partagé la chaire de littérature française à l'Université libanaise de Tripoli depuis sa création, au début des années 1980. Elle a mis l'accent sur les rapports privilégiés entre Douaihy et la ville de Tripoli qu'il chérissait particulièrement, pour y avoir passé sa jeunesse comme bon nombre de ses congénères de Zghorta et de sa région. De fait, Tripoli est souvent évoquée dans l’œuvre de Douaihy et nombre de ses proches l’ont souvent entendu dire que pour lui une journée sans se rendre à Tripoli était une journée perdue. Le président du Comité d'identité francophone de Zghorta-Zawié, Walid Farah, a présenté la table ronde qui fut suivie d'un débat auquel a participé Maria, la fille de Jabbour Douaihy, le mot de la fin revenant à Thérèse, la veuve de l’écrivain.

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Écrire, comme une célébration

Dans une fine analyse de l’ensemble des œuvres de Jabbour Douaihy, Charif Majdalani a évoqué leur complicité d’écrivains, représentant notamment le processus de l’écriture comme un acte de célébration : « Il me semble justement que le souci de Jabbour était cette célébration, cette description du monde et de la vie, à travers la description d’un monde rural, le sien, ou d’un monde plus citadin, mais aussi à travers eux de raconter les hommes et leurs quotidiens, et de faire le portrait de notre résidence sur la terre », a-t-il notamment souligné.

De gauche à droite : Antoine Courban, Fadia Alam, Thérèse Douaihy, Emmanuel Khoury, Charif Majdalani, Alexandre Najjar, Maria Douaihy et Hind Darwiche. Photo Esper Melhem

Présence au-delà de la mort

« À un moment donné, la question qui a fait débat, soulevée par Charif Majdalani, était : Pourquoi écrit-on ? » raconte Maria Douaihy. « Pour ma part, dès que j’ai été capable de lire, j’ai constaté que la bibliothèque de mon père était truffée de livres sur la mort. Je me suis toujours demandée pourquoi il écrivait sur ce sujet, jusqu’à ce que j’ai compris qu’écrire, pour lui, était une sorte de voie vers l’immortalité, une manière de se survivre », poursuit-elle. « Et c’est ce qui s’est passé. Pendant la conférence, sa présence parmi nous était sensible. À la fin d’Il y avait du poison dans l’air, le narrateur s’envole avec les oiseaux. Au lieu de cet anti-héros des romans de Jabbour dont tout le monde parle, j’ai vu un superhéros capable de dépasser la mort et de rester non seulement présent, mais de plus en plus lumineux à travers ses livres, de plus en plus célèbre et aimé à travers ses écrits », ajoute-t-elle. Très émue, sa mère, Thérèse Douaihy, tout en remerciant l’assistance, a elle aussi fait part du fort sentiment qu’elle a eu de la présence de Jabbour au milieu de ceux qui l’aiment.

À l’affiche, en chemise cerise et veste sombre, un borsalino noir de la ligne Fedora vissé sur ses cheveux poivre et sel, la moustache broussailleuse, le sourire présent sans être tracé, le regard indéfinissable, à la fois tendre, malicieux et amer : Jabbour Douaihy était l’un des plus grands écrivains libanais contemporains. Disparu le 23 juillet 2021 à 72 ans, il avait bouclé la...
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