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Politique - Décryptage

Baïssari entendu par le gouvernement vendredi : comment compléter les données du HCR


Vendredi matin, les ministres devront se pencher sur le dossier des réfugiés et migrants syriens qui, contrairement à ce qu’on pourrait croire, ne semble pas retomber dans l’oubli. Le Premier ministre sortant, Nagib Mikati, a même convoqué le directeur de la Sûreté générale à la réunion de son gouvernement, pour qu’il expose sa vision du problème ainsi que les solutions potentielles. Non pas que le général Élias Baïssari en détienne les clés, mais il dirige le service de sécurité le plus concerné par le statut des Syriens au Liban.

Des sources proches de la Sûreté générale ne cessent d’ailleurs de répéter que le traitement de ce dossier devrait se faire avec la participation de toutes les forces sécuritaires et politiques du pays. C’est à la Sûreté générale que le Haut-Commissariat des Nations unies pour les réfugiés (HCR) a communiqué récemment les listes des Syriens présents au Liban, enregistrés auprès de cette organisation selon les règles. Il a d’ailleurs fallu mener une grande campagne médiatique et même diplomatique pour que le Liban finisse par obtenir ces listes. Mais quelle n’a été la surprise de la Sûreté générale lorsqu’elle a reçu les listes demandées, qui consistent en une série de noms, sans la moindre indication sur la date d’arrivée de ces individus au Liban. Simple oubli ou décision volontaire ? Les responsables de la Sûreté générale ont eu beau demander des explications, ils n’en ont reçu aucune, à part le fait d’attribuer cette situation au fait que les réfugiés et migrants syriens sont souvent entrés au Liban dans des circonstances difficiles et qu’ils n’osaient pas se manifester par crainte d’être dénoncés aux autorités de Damas.

Mais il pourrait y avoir une autre explication à cette omission que les milieux gouvernementaux libanais commencent à évoquer. Dans la politique du HCR il y a une date importante, celle de 2015, où certains considèrent que la guerre est devenue limitée en Syrie à certaines régions géographiques seulement. À partir de 2015, officiellement, la vague d’exode de Syriens vers le Liban et d’autres pays de la région due aux combats aurait donc cessé. Par conséquent, le statut de ceux arrivés avant 2015 est différent de ceux venus après cette date. Ceux qui ont fui la Syrie entre 2011 et 2015 ont donc le statut de réfugiés et sont pris en charge par les Nations unies, et les pays d’accueil sont obligés de les recevoir et de leur accorder un statut spécial, alors que ceux qui ont fui la Syrie après cette date ne devraient avoir aucun de ces avantages et les autorités libanaises peuvent les renvoyer chez eux s’ils ne peuvent pas prouver qu’ils ont des raisons valables de ne pas retourner en Syrie.

Les autorités libanaises trouvent donc suspect le fait que le HCR ait remis à la Sûreté générale les noms des réfugiés et migrants syriens sans donner la moindre indication sur la date de leur arrivée. C’est un peu comme si l’objectif caché de cette omission qui ne peut pas être fortuite est d’obliger les autorités libanaises à les considérer tous comme étant arrivés avant 2015. Par conséquent, ils peuvent bénéficier du statut de réfugié et des nombreuses facilités qui vont avec. Les autorités libanaises estiment, quant à elles, que près de la moitié des Syriens enregistrés, selon les listes fournies par le HCR, serait venue au Liban après 2015. On parle ainsi de près de 900 000 personnes que le Liban aurait donc le droit de rapatrier vers la Syrie... Mais il faudrait, pour pouvoir le faire, retrouver les dates d’arrivée au Liban. La Sûreté générale essaye donc de le faire, et devant le Conseil des ministres, le général Baïssari devrait vendredi matin proposer un plan d’action dans ce sens pour compléter les données fournies par le HCR et commencer donc à agir.

Toutefois, la Sûreté générale est consciente du fait qu’il s’agit d’un travail gigantesque, indispensable mais pas suffisant pour pouvoir agir. Il faudrait pour cela une décision politique qui semble aujourd’hui acquise, mais aussi la coopération de tous les services libanais ainsi que l’aide des organisations internationales.

Selon ses sources, il faudrait aussi surtout en parler avec les autorités syriennes et jusqu’à présent, il n’y a pas encore une décision claire à ce sujet. Selon des échos venus de Syrie, les autorités de Damas voudraient qu’un dialogue à haut niveau soit établi avec le Liban, pour établir une coopération efficace. Mais la Syrie est actuellement un pays ravagé par les années de guerre et elle n’est pas en mesure d’accueillir ses citoyens alors que même ceux qui sont restés ne bénéficient pas de conditions de vie décentes. La solution, aux yeux des autorités syriennes, serait donc de lever « le blocus international » qui frappe la Syrie et de permettre aux aides données aux déplacés de leur être remises en Syrie même. Le Liban a bien essayé de défendre cette thèse devant les instances internationales dans le cadre de la dernière conférence de Bruxelles, en avril, consacrée aux réfugiés syriens, mais il n’a pas réussi à modifier la position internationale à l’égard de la Syrie.

Face à l’intransigeance occidentale à ce sujet, le Liban ne dispose donc pas de solution miracle. Il a été question à un moment donné d’une visite du directeur de la Sûreté générale à Damas pour étudier des mesures concrètes à ce sujet, mais les sources proches de la Sûreté précisent que l’idée a été abandonnée. « La Sûreté générale applique les mesures prises par les autorités exécutives, mais ce n’est pas à elle de les décider ». C’est ce que répondent les sources concernées lorsqu’on pose cette question. Autrement dit, les décisions devraient être prises à plus haut niveau et la visite d’un directeur général ou même d’un ministre ne peut pas être efficace. Or, jusqu’à présent, il n’est pas question d’une visite du président du Conseil en Syrie... Mais déjà si le Liban parvient à obtenir les données nécessaires, il pourra mieux défendre sa position.

Vendredi matin, les ministres devront se pencher sur le dossier des réfugiés et migrants syriens qui, contrairement à ce qu’on pourrait croire, ne semble pas retomber dans l’oubli. Le Premier ministre sortant, Nagib Mikati, a même convoqué le directeur de la Sûreté générale à la réunion de son gouvernement, pour qu’il expose sa vision du problème ainsi que les solutions...
commentaires (1)

Alors, après avoir lu cet article bien détaillé, on peut être sûr que les Libanais sont contraints de subir la présence des syriens ad vitam aerternam comme ce fut le cas des palestiniens qui ne sont jamais retournés au bercail . Que de bonnes nouvelles dans notre pays.

Hitti arlette

10 h 23, le 15 juin 2024

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Commentaires (1)

  • Alors, après avoir lu cet article bien détaillé, on peut être sûr que les Libanais sont contraints de subir la présence des syriens ad vitam aerternam comme ce fut le cas des palestiniens qui ne sont jamais retournés au bercail . Que de bonnes nouvelles dans notre pays.

    Hitti arlette

    10 h 23, le 15 juin 2024

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