Benjamin Netanyahu lors d'une réunion du cabinet de guerre israélien au siège du ministère israélien de la Défense, à Tel Aviv, le 31 décembre 2023. Abir Sultan/AFP
Pour la première fois depuis le début de la guerre à Gaza le 7 octobre 2023, Benjamin Netanyahu a été reçu jeudi soir par un média français, la chaîne d'information en continu LCI, membre du groupe TF1. L'interview n'a pas tardé à susciter la polémique alors que le chef du gouvernement israélien est la cible de critiques en interne, mais aussi à l'international, au moment où les frappes israéliennes contre l'enclave palestinienne se poursuivent sans relâche, notamment contre la ville de Rafah.
Lors de cet entretien, le Premier ministre israélien a répété ses éléments de langage habituels pour légitimer l'opération militaire en cours à Gaza responsable d'au moins 36.224 morts, en majorité des civils, d'après le dernier bilan publié par le ministère de la Santé du Hamas. « Le nombre de pertes civiles relatives à celui des combattants (palestiniens) est le taux le plus bas qu'on ait vu dans une guerre urbaine », a notamment affirmé M. Netanyahu.
Cette interview controversée rappelle celle de Bachar el-Assad en février 2017 sur cette même antenne, soit deux mois après la fin de la bataille d'Alep, qui avait causé la mort de 21 452 civils d'après un décompte de l'Observatoire syrien des droits de l'homme (OSDH). « Il s'agit d'un pas important sur le chemin qui va nous conduire à l'élimination du terrorisme dans notre pays. [...] Nous n'avons que faire de ce que les Occidentaux pensent de la façon dont nous menons ce combat », avait alors notamment déclaré le président syrien depuis Damas.
« Sabotez cette émission »
À peine la chaîne avait-elle annoncé l'entretien avec M. Netanyahu, réalisé à distance et diffusé à 20h30 (heure de Paris), que les messages d'indignation et les appels au boycott ont fusé sur les réseaux sociaux, en particulier de la part d'élus de La France insoumise (parti de la gauche française comptant le plus d'élus à l'Assemblée nationale) et de collectifs comme L'Association France Palestine solidarité (AFPS). « La place de celui que le procureur de la Cour pénale internationale considère comme un criminel de guerre et un criminel contre l'humanité est devant la justice et non sur les plateaux télé en France ! », a écrit l'organisation sur le réseau X. « Salariés et stagiaires du groupe TF1, prenez vos responsabilités ! Sabotez cette émission », a renchéri la militante franco-palestinienne Rima Hassan, septième sur la liste LFI aux élections européennes, en amont de la diffusion de l'entretien.
Salariés et stagiaires du groupe TF1 prenez vos responsabilités! Sabotez cette émission. https://t.co/DKw9sOebMh
— Rima Hassan (@RimaHas) May 30, 2024
À Boulogne-Billancourt, dans la banlieue proche de Paris, où se trouve le siège du premier groupe médiatique français, près de 2.500 manifestants se sont rassemblés au plus fort de la soirée, selon la préfecture de police. Portant keffiehs et drapeaux palestiniens, les manifestants n'ont pas pu atteindre les abords de la tour TF1, isolée par un important dispositif policier. Ils ont entonné des chants tels que « Gaza, Gaza, Paris est avec toi », « Cessez-le-feu maintenant » ou encore « Israël assassin ». Si aucun incident n'a été signalé, des manifestants ont été violentés par des membres des forces de l'ordre en marge de ce rassemblement, notamment dans les gares et stations de métro alentours.
« Je suis venue parce que je n'en peux plus de voir les images que nous voyons quotidiennement depuis des mois. Trop, trop de morts, d'enfants innocents. Il faut dire stop », a expliqué Nadège Roubaud, retraitée de 67 ans, à l'AFP. Soraya, étudiante en sciences politiques de 23 ans qui ne souhaitait pas donner son nom de famille, a estimé qu'un « génocide (est) en cours et (que) personne ne fait rien. Balancer des bombes sur des camps de réfugiés alors que les gens n'ont nulle pas où aller... Pourquoi le monde ne dit rien ? », a-t-elle lancé.
« Netanyahu n’est ni Dreyfus, ni de Gaulle »
Le contenu de l'interview, menée par Darius Rochebin, n'a pas non plus manqué de faire réagir les internautes, dont nombre de professionnels des médias qui ont qualifié la séquence de « scandale journalistique », malgré les questions et les tentatives de contradictions du journaliste en plateau.
« Notre victoire, c'est la victoire d'Israël contre l'antisémitisme, c'est la victoire de la civilisation judéo-chrétienne contre la barbarie, c'est la victoire de la France », a entamé M. Netanyahu en français avant d'enchaîner les comparaisons historiques avec l'Affaire Dreyfus ou la Seconde Guerre mondiale visant à justifier l'offensive terrestre menée par l'armée israélienne contre la ville surpeuplée du sud de la bande de Gaza. « Lorsqu’on va à Rafah, c’est l’équivalent du débarquement en Normandie », a-t-il affirmé. « C’est comme si De Gaulle et Churchill avaient été jugés avec les dirigeants nazis lors du procès de Nuremberg », a-t-il ajouté, en référence à l'émission d'un mandat d’arrêt à son encontre, et de plusieurs dirigeants du Hamas, par le procureur général de la Cour pénale internationale (CPI), Karim Khan, le 20 mai dernier.
« Je pense qu'un mort civil, c'est une mort de trop, mais on ne peut pas les éviter. Nous ne faisons pas d’attaques non-ciblées à Gaza, contrairement aux Alliés pendant la guerre [...], et faisons tout pour éviter la famine. Dire le contraire, c'est proférer des calomnies antisémites », s'est encore défendu le Premier ministre israélien. Des propos tenus quatre jours après un bombardement israélien contre un camp de déplacés palestiniens à Rafah, tuant 45 personnes.
L'ambassadeur adjoint de Palestine à l’ONU, Majed Bamya, a ensuite été invité pendant une dizaine de minutes par la chaîne pour commenter l'entretien qui venait de se terminer : « Netanyahu n’est ni Dreyfus, ni de Gaulle, c’est un criminel de guerre. [...] Il a une vision des faits, des chiffres et du droit parallèle que personne ne partage, pas même les États-Unis », a-t-il commenté, demandant un « cessez-le-feu immédiat » et « l'arrêt du génocide » à Gaza.
Gloubi-boulga, comme d'habitude !Ne pas confondre les intentions et les circonstances :Le Hamas (Palestiniens) réagit dans le cadre d'un cas réel de casus belli (76 ans d'agression)La Syrie lutte réellement contre des groupes armés "terroriste"
08 h 00, le 02 juin 2024