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Lifestyle - La Mode

Karoline Lang, « des robes où l’on entend chanter les oiseaux »

L’une des tenues les plus spectaculaires portée par Nadine Labaki au 77e Festival de Cannes était une robe en velours noir de Karoline Lang. Derrière ce label libanais, la créatrice Karine Tawil prône une mode « honnête » dont l’exigence au niveau du savoir-faire n’a d’égale que la fraîcheur et la liberté.

Karoline Lang, « des robes où l’on entend chanter les oiseaux »

Une touche d’exotisme pour la collection printemps-été 2024 de Karoline Lang. Photo Karoline Lang

Pour le plaisir, se repasser la séquence, au 77e Festival de Cannes, où Nadine Labaki arrive à la première du film de Ali Abbasi The Apprentice. Il pleut, elle rit. Un agent de sécurité l’abrite sous un parapluie frappé en lettres d’or du logo du festival. Sur ce tapis rouge, rien ne pouvait faire plus bel effet que sa robe de velours noir à corsage en cœur, manches courtes d’où cascadent deux chaînes dorées.

Majestueuse Nadine Labaki à Cannes dans une robe en velours noir Karoline Lang. Photo AFP

Cette robe mille fois photographiée est de Karoline Lang, la jeune marque de Karine Tawil qui a donné à son label le nom de sa grand-mère. Ce choix l’inscrivait déjà dans une lignée, une transmission mère-fille, sur trois générations, garant de secrets de fabrique, de goûts affinés et raffinés, de justesse et de confiance. À celle qui confiait dans ces mêmes colonnes que le plus difficile, pour une jeune maison de couture dans le paysage actuel, était de se faire connaître, on peut dire que cette fois, son image est faite. Et elle est faite par la magie d’une seule image qui a la vertu de changer un destin. Pourtant, depuis 2012, la créatrice avait mis toutes les chances de son côté en fondant, avenue Montaigne à Paris, le label Karoline Lang International. Derrière ce coup audacieux, il y avait surtout une volonté farouche de travailler aussi dur qu’il le faudrait pour assurer la longévité de cette maison et lui faire tenir ses promesses.

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Lieu fétiche : la Fondation Corm

La robe de Nadine Labaki a certes été créée sur mesure, mais Karoline Lang obéit rigoureusement aux saisons de la mode en produisant deux collections par an, une pour l’hiver et une autre pour le printemps-été. Son style, transgénérationnel avec une orientation « gen Z », veut avant tout, entre couture et structure, procurer un sentiment de confiance, de sécurité et de liberté. Après avoir présenté le défilé de sa collection automne-hiver 2023/2024 à la Fondation Corm, Karine Tawil s’attache à cette demeure historique transformée en un espace polyvalent, dédiée au soutien du patrimoine culturel et naturel du Liban. Le bâtiment centenaire qui se dresse, avec sa façade crénelée typique de l’architecture Art déco, comme un phare au cœur de la ville, est en quelque sorte le premier gratte-ciel de Beyrouth. La collection de la saison froide s’harmonisait alors avec la rigoureuse géométrie et la qualité de silence et de mystère de la maison de Charles Corm, premier importateur de Ford au Liban, doublé d’un délicat poète. Pour la créatrice, le succès de cette présentation a fait du lieu une sorte de fétiche. La voilà qui y revient pour la collection printemps-été 2024, cette fois dans le jardin où la végétation, malgré les stigmates de la guerre, a continué à foisonner.

Pour interpréter la saison, Karoline Lang a choisi cette fois une touche d’exotisme. « Dans un jardin extraordinaire, à la végétation luxuriante, les femmes se parent de couleurs vives et d’imprimés floraux », indique son manifeste. On n’est pas loin d’un romantisme revisité, annoncé par cette déclaration résolument lyrique : « Tout est une ode à la nature, un rappel que les femmes sont faites pour inspirer l’amour. » Et la collection se définit avant tout par sa fraîcheur. Pour le jour, une palette jaune paille, vert feuille, bleu océan, cannelle, beige, blanc, marine, noir moiré, et des imprimés abstraits d’inspiration florale où domine le bleu. Les corsets ont la part belle, à la fois structurants et libérateurs, portés sur des jupes longues ou asymétriques, courtes devant, ou des pantalons palazzo séparés de la ceinture à laquelle ils s’attachent, libérant la peau en un geste sensuel. Un imper d’été est féminisé avec une matière légère, des manches bouffantes, des poches ouvertes et une longue ceinture-ruban qui souligne joliment la taille.

Une collection qui se définit avant tout par sa fraîcheur. Photo Karoline Lang

« Sentir la brise soulever les jupes »

Pour le soir, le même imprimé revient, mais cette fois en fourreaux agrémentés de fleurs tridimensionnelles ton sur ton. Une robe rose, secrètement soutenue par un corset, semble tenir toute seule sur ses bretelles fines. Elle est découpée sur le devant en trois pans, et la poitrine, plissée, s’orne au milieu d’une fleur délicate. Des rubans s’échappent des deux côtés de la silhouette, jouant les lianes. Ailleurs, une robe en tissu argent métallisé s’orne d’un haut en cœur. Une autre, métallisée bleu Capri, s’offre une ceinture sous la taille à la manière des tenues des danseuses orientales. Une jupe et un haut à godrons jouent le pastel entre vert et rose, soulignés par une ceinture dorée. Tout dans cette collection évoque une ronde de nymphes à travers des tenues imaginées pour des garden-parties sous la lune.

« On pourrait presque entendre le chant des oiseaux, sentir la brise soulever les jupes plissées et rehausser l’effet structuré des robes », souligne Karine Tawil. « De la mousseline aérienne à la gaze de coton brillante en passant par la soie chatoyante, les matières sont sensuelles dans leur diversité. Les blancs immaculés, les jaunes paille, les roses tendres et les verts d’eau composent une palette directement inspirée d’une peinture impressionniste », ajoute la créatrice.

Une palette directement inspirée d'une peinture impressionniste. Photo Karoline Lang

Approche expérimentale et nouvelles technologies

Karine Tawil travaille aujourd’hui depuis son studio à Beyrouth, ville en laquelle elle voit le cœur névralgique de la mode au Moyen-Orient. Attirée par le mouvement du corps, la simplicité des formes et les détails des matériaux, elle crée des styles durables, basés sur des coupes épurées. Bien qu’elle s’approvisionne en tissus fins auprès des meilleurs fournisseurs de textiles, elle crée souvent ses propres motifs et textures. Son approche expérimentale va de l’utilisation de nouvelles technologies, comme la découpe au laser, aux techniques de couture traditionnelles. Ce qu’elle cherche à travers ses créations ? « Aider les femmes à s’exprimer », soutient celle qui va chercher son inspiration dans tous les azimuts : « La rationalité disciplinée de l’architecture moderniste, les couleurs chaudes et les détails exubérants de la peinture de la Renaissance, les corps exaltés des danseurs et les contrastes de la nature », détaille-t-elle. Parlant du travail de son atelier, Karine Tawil décrit une ruche dédiée à l’excellence : « Notre style est expérimental, mais notre exécution est orthodoxe. Nous nous appuyons sur nos explorations du corps, de l’objet et de l’espace. Nous célébrons la sensualité de la femme à travers des coupes précises et détaillées. Nous sculptons, coupons et tranchons afin de définir avec précision le corps et ses mouvements. Nos vêtements sont comme une seconde peau, s’ajustant avec une élégance et un confort disciplinés. Tous nos vêtements sont accompagnés de services de couture dans notre studio de Beyrouth. »

Pour le plaisir, se repasser la séquence, au 77e Festival de Cannes, où Nadine Labaki arrive à la première du film de Ali Abbasi The Apprentice. Il pleut, elle rit. Un agent de sécurité l’abrite sous un parapluie frappé en lettres d’or du logo du festival. Sur ce tapis rouge, rien ne pouvait faire plus bel effet que sa robe de velours noir à corsage en cœur, manches courtes...
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