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Humeurs de justice

Ceux qui croient aux caprices de la fatalité auront été amplement servis, même si pour sévir simultanément contre ces deux puissances régionales ennemies que sont l’Iran et Israël, le sort aura eu la coquetterie de diversifier ses coups.


Dimanche, la République islamique a perdu son président dans ce qui est, jusqu’à plus informé, un accident d’hélicoptère. La République islamique est loin d’être décapitée pour autant, comme s’est hâté de l’assurer son guide suprême. De fait, la machine du pouvoir y est parfaitement huilée et un président intérimaire est déjà installé au poste en attendant l’élection, le mois prochain, du successeur en titre. Il n’en reste pas moins que la disparition de ce froid technicien de la répression interne que fut, sous ses airs plutôt bonhommes, Ebrahim Raïssi soulève plus d’une incertitude. La raison en est que ce personnage semblait prédestiné un jour à la dignité de guide suprême, assumée durant tout le demi-siècle écoulé par les ayatollahs Khomeyni puis Khamenei. Compte tenu de l’âge vénérable de ce dernier, c’est donc sur deux paliers – la présidence, et à plus ou moins long terme la sublime instance coiffant cette dernière – que va se jouer une féroce émulation probablement restreinte aux partisans les plus notoires de la ligne dure. Dès lors, et même si Raïssi volait par mauvais temps sur un engin datant de la guerre du Vietnam et dépourvu d’instruments de navigation électroniques, on ne saurait exclure tout à fait à ce stade la thèse d’un attentat.


Toujours est-il que l’on voit une multitude d’ONG regretter que le défunt n’ait pas eu à rendre compte devant la justice des hommes des crimes contre l’humanité qui lui ont été imputés, notamment par l’ONU, tout au long de sa carrière de procureur, de chef du pouvoir judiciaire et enfin de président. Par-delà leurs condoléances de rigueur, les États-Unis n’auront d’ailleurs pas manqué de stigmatiser ce sombre dossier. Pour des considérations qui n’échappent à personne, notre petit pays, dont Téhéran se vante publiquement de l’avoir ajouté à sa collection de satellites, y sera allé, quant à lui, de trois jours de deuil national : au diapason avec la Syrie où le régime ne doit sa survie qu’aux interventions iranienne et russe…


L’impunité, Benjamin Netanyahu ça le connaît bien, lui aussi. La guerre de Gaza, qu’il souhaite la plus longue possible, lui a permis d’échapper pour l’heure aux poursuites pour corruption dont il est l’objet chez lui. C’est à La Haye cependant que le Premier ministre d’Israël vient d’être rattrapé par une justice à vocation universelle. Celle-ci ne se veut pas seulement immanente, c’est-à-dire naturellement, divinement vouée à sanctionner tôt ou tard le mal. Incarnée par la Cour pénale internationale, elle jouit en effet d’une considérable portée morale ; mais elle engage aussi, sur leur propre territoire, les 123 États (sur les 193 membres de l’ONU) qui reconnaissent la compétence de la CPI.


Lundi, le procureur général de cette juridiction se livrait à un retentissant doublé en demandant des mandats d’arrêt, pour crimes de guerre et crimes contre l’humanité, contre, d’une part, Netanyahu et son ministre de la Défense Yoav Gallant ; et de l’autre, trois des chefs les plus en vue du Hamas palestinien. Les premiers se voient reprocher d’exterminer et d’affamer délibérément la population civile de Gaza ; la même accusation d’extermination est brandie contre les seconds, de même que celles de violences sexuelles et de prises d’otages.


Reste évidemment à savoir si les juges de la CPI donneront suite ou non à la requête du procureur, qui affiche déjà à son tableau de chasse un Vladimir Poutine poursuivi pour déportation d’enfants ukrainiens vers la Russie. Comme on pouvait s’y attendre, Israël et le Hamas ont tempêté à l’unisson contre une décision qui conduit à les mettre dans le même sac. C’est cette même équivalence, ce même jumelage, cette même promiscuité dans l’opprobre que dénonce vivement l’Amérique. En revanche, l’Union européenne a pris note de l’initiative de l’indomptable magistrat britannique et rappelé l’obligation faite aux pays membres d’en exécuter les décisions.


Particulièrement remarquable est toutefois la position de la France qui proclamait hier son vigoureux soutien à cette cour, à son indépendance, à la lutte qu’elle mène contre l’impunité. Cerise sur le gâteau, s’ouvrait au même moment, pour la première fois dans l’Hexagone, un premier procès sur les crimes commis par le régime de Damas.


On n’est pas pour rien patrie des droits de l’homme. Il est tout de même bon de l’entendre sans cesse rappeler.

Issa GORAIEB
igor@lorientlejour.com

Ceux qui croient aux caprices de la fatalité auront été amplement servis, même si pour sévir simultanément contre ces deux puissances régionales ennemies que sont l’Iran et Israël, le sort aura eu la coquetterie de diversifier ses coups.Dimanche, la République islamique a perdu son président dans ce qui est, jusqu’à plus informé, un accident d’hélicoptère. La République...