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Avaries et dépannages


Il n’y a pas que le malheur pour se flatter de ne jamais arriver seul. Car la loi des séries peut aussi prendre un malin plaisir à aligner les pneus crevés et autres pannes sur les pistes cahoteuses des grands desseins politiques. Qu’il s’agisse de la guerre de Gaza ou de la question des réfugiés syriens au Liban, la semaine qui s’achève aura ainsi donné à voir deux pitoyables passages à vide. Mais comme pour conjurer la règle du jamais deux sans trois, c’est l’élection d’un président libanais qui revient salutairement sur le tapis, avec le net regain d’initiative dont fait preuve le quintette international œuvrant à cette fin.

À tout seigneur tout honneur : réunis en grande pompe à Bahreïn, les rois et chefs d’État arabes ont une fois de plus montré leur impuissance à peser significativement sur le cours des événements dans la région. Oh, toutes ces Majestés et Excellences n’ont guère été avares d’appels à la communauté internationale : appel à un cessez-le-feu immédiat à Gaza et à un arrêt au déplacement forcé des Palestiniens, à l’heure même où Netanyahu resserre de plus belle, au contraire, son étau sur la ville de Rafah ; appel, encore plus irréaliste, au déploiement de Casques bleus dans les territoires occupés en attendant la mise en œuvre de la solution de deux États en Palestine ; appel, enfin, à une conférence internationale pour sceller ladite solution. Pour légitimes et parfaitement justifiées que soient toutefois ces suppliques, elles ne sont assorties d’aucune velléité de pression diplomatique, économique ou autre, sur l’État hébreu. Le résultat en est qu’elles sonnent creux, tel un tonneau vide ; si bien que le seul fait marquant de ce sommet aura été un triste étalage des dissensions interpalestiniennes, quand le président Mahmoud Abbas a accusé ses adversaires du Hamas d’avoir, par leur attaque unilatérale du 7 octobre, fourni à Israël un surcroît de prétextes à l’hécatombe de Gaza.

À une échelle bien plus modeste, c’est à une même démonstration d’inconsistance que s’est livré, sous la férule de son inamovible président, le Parlement libanais. L’occasion en était un fort tardif débat autour de ce problème pourtant lancinant qu’est la présence sur le sol national de près de deux millions de réfugiés et de migrants syriens. Ce problème remonte pourtant à plus d’une décennie et sa gravité ne s’est enfin imposée aux esprits des élus qu’avec la levée de boucliers qu’a suscitée l’octroi d’un don européen à notre pays. Il reste qu’au terme de longues harangues, les législateurs n’ont rien eu à légiférer du tout : à la faveur d’une simple recommandation dénuée de tout caractère contraignant, ils ont renvoyé aux lois déjà existantes un gouvernement démissionnaire et lui-même divisé sur la question. Difficile de faire mieux, en matière de fuite devant les responsabilités.

C’est ce même Parlement pourtant qui, avec plus d’insistance que jamais, se trouve rappelé à ses devoirs constitutionnels par le groupe arabo-occidental ambitionnant de débloquer le dossier présidentiel. Pour les ambassadeurs du Quintette (États-Unis, France, Arabie saoudite, Égypte et Qatar) le Liban n’a plus les moyens d’attendre ne serait-ce qu’un mois supplémentaire pour se doter d’un président et s’assurer ainsi une place à la table des discussions régionales et se qualifier pour un accord frontalier avec Israël. Ces diplomates préconisent des concertations-express à seule fin de faire surgir un candidat consensuel à la magistrature suprême ou, à défaut, une liste restreinte de prétendants au titre ; suivrait alors, à la Chambre, une séance électorale ouverte, avec des tours successifs, jusqu’à l’apparition de la fumée blanche.

De la sorte, on en aurait fini avec les hérésies constitutionnelles du président de l’Assemblée court-circuitant régulièrement les phases du scrutin en prétextant une soudaine et savamment orchestrée perte de quorum. Mort et enterré serait aussi son projet de table de dialogue, un scénario qui sous couvert de tractations sur le choix d’un président de la République était voué à s’éterniser en s’étendant à l’ensemble des points de discorde entre les Libanais. Mais c’est surtout parce qu’elle tend à dissocier la crise présidentielle de l’affaire de Gaza que la démarche des Cinq est innovante ; c’est sur ce point précis qu’elle risque d’ailleurs de se heurter à un veto du Hezbollah qui a fait sienne la cause du Hamas.

Rarement point fort et défaut de la cuirasse se seront à tel point confondus.

Issa GORAIEB

igor@lorientlejour.com

Il n’y a pas que le malheur pour se flatter de ne jamais arriver seul. Car la loi des séries peut aussi prendre un malin plaisir à aligner les pneus crevés et autres pannes sur les pistes cahoteuses des grands desseins politiques. Qu’il s’agisse de la guerre de Gaza ou de la question des réfugiés syriens au Liban, la semaine qui s’achève aura ainsi donné à voir deux pitoyables...