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Jour 1 : Nadine Labaki et ces (moins fameux) Libanais du festival

Cette année encore, « L’Orient-Le Jour » vous raconte les coulisses du plus grand festival de cinéma au monde. Des cancans de bistrot au tapis rouge guindé en passant par les soirées alcoolisées. 

Jour 1 : Nadine Labaki et ces (moins fameux) Libanais du festival

Nadine Labaki, membre du jury des longs-métrages. Photo Valery Hache/AFP

Assise dans un des TER matinaux reliant Nice à Cannes, Marwa affiche son anxiété. Robe fleurie et badge rose autour du cou, elle s'apprête à vivre son tout premier festival. « Je trépigne d’impatience à l'idée de, peut-être, rencontrer Meryl Streep ! », lance naïvement cette jeune Libanaise, à peine majeure.

Arrivée sur la Côte d’Azur en septembre dernier pour entamer une licence en droit, la native de Tyr ne semble pas prête pour le « shoot d’adrénaline intense » qu’elle s'apprête à « prendre en pleine figure » comme lui explique son amie de trois ans son aînée, plus habituée des grands événements.

Loin des tumultes de la famille qu’elle a laissée dans son sud meurtri, la jeune cinéphile aux racines palestiniennes expose à sa camarade ses préférences pour le cinéma scorsesien, le jeu d’un DiCaprio en perdition et les robes de Bella à celles de Gigi.

«Ma maman me dit qu’il faut que je vive du mieux que je peux. Que je me crée des souvenirs sans trop penser à eux», évoque Marwa, la larme à l'œil et une perche à selfie en main. Fan absolue de l'interprète de Miranda Priestly qui a «bercé une enfance» faite de rares sorties et de piratage de films, l’étudiante se décide, dès l’entrée en gare du train, de se tenir devant le portique de sécurité la menant à la « fan zone ».

Là-bas, elle découvre avec surprise qu’une petite dizaine d’habitués campent depuis au moins 5 h du matin pour ne rien rater du passage de la comédienne multi-récompensée, venue recevoir une Palme d’or d’honneur. Comme si elle en avait besoin !

Meryl Streep, reine d'Hollywood, de Cannes et de pas mal d'autres villes. Photo Christophe Simon/AFP

Petite gêne, grande fierté

Dans les rues trempées de Cannes, l’humeur est aussi grisâtre que la météo en ce premier jour de fête. Alors que les agents accourent pour rassurer leurs talents les plus fragiles, les maquilleurs professionnels en sont déjà à leur troisième tête. Et il n’est même pas midi.

Dans les cafés quasi-vides d’une Croisette habituellement vibrante, la bonne humeur légendaire des Parisiens semble avoir déteint sur le décor. « Cette année, personne n’a le cœur à courir les soirées et les galas, c’est à peine si quelques interviews seront données », explique une directrice d’agence artistique à une journaliste du Harper’s Bazaar, irritée à l’idée de rentrer bredouille, sans grand entretien. « On m’a proposé dix minutes avec Frédérique Bel ! C’est dire que les grands noms ne veulent pas se fouler », relance la chroniqueuse mode, le tailleur blanc tâché par la pluie et une bonne petite séance de pleurs. « Ça ira mieux après avoir appelé ma psy ».

À peine le cappuccino avalé post-déjeuner, les membres du jury de la sélection officielle se dirigent vers un photocall pour quelques clichés avant une conférence de presse attendue, redoutée et crainte. En tête de file, la présidente herself, Greta Gerwig, fait taire avec tact une assemblée de reporters internationaux enclins aux polémiques et aux discussions autour de la vague de #MeToo qui, paraît-il, pourrait déferler à tout instant.

Entourée par une assistance majoritairement féminine - cinq femmes contre quatre hommes -, la cinéaste américaine se dit « bien représentée ».

Greta Gerwig, plus jeune présidente du jury cannois depuis Sophia Loren en 1966. Photo Téa Ziadé/L'Orient-Le Jour

Bien représenté également, le pays du Cèdre, toujours avec Nadine Labaki. « Je suis encore plus fière d'être ici parce que je viens du Liban qui traverse de grandes difficultés. C’est la preuve que la résistance culturelle prévaut », confie avec émotion celle qui campe le rôle d’une Égyptienne en perte de repères dans Retour en Alexandrie, long métrage de Tamer Ruggli.

Au rang avant de ce briefing, Cynthia Sarkis Perros veille au grain. La responsable de communication est présente pour s’assurer du bon déroulement de ces échanges avec la presse. Et peu importe la question embarrassante et redondante - faite dans un anglais plus qu’approximatif - d’un envoyé spécial libanais sur le cinéma humaniste, Labaki esquive, répond poliment avec le peu d’aisance qu’on confère généralement aux jurés, entre un Omar Sy décontracté et une Eva Green réservée.

Les jurés de cette 77e édition du Festival de Cannes. Photo Téa Ziadé/L'Orient-Le Jour

« Vivement le tapis rouge », souffle plus loin dans la salle un chargé de relations publiques prêt à exhiber son meilleur trois-pièces. Inutile de remettre son casque de traduction donc, plus personne n’écoute Hirokazu Kore-Eda…

Madame en costard

À l'heure de gravir les 24 marches du Palais, c’est toujours Nadine Labaki dont on parle. En smoking-noeud pap’, elle détonne de ses consœurs, bien traditionnellement habillées. « Au Liban, on a cette fierté innée, trop souvent mal placée, mais pas avec elle. Aucun autre Libanais ne peut légitimement se tenir aux côtés d’une femme qui a fait presque 1 milliard et demi au box-office », souligne Yasmine, décoratrice de bijoux, en évoquant le pays de sa mère dont elle ne peut être citoyenne, et en faisant allusion à Greta Gerwig dont le film Barbie a brisé tous les records de rentabilité dans le monde.

La montée des marches du 14 mai, longue et intense. Photo Téa Ziadé/L'Orient-Le Jour

Il est 18 h pétantes quand s’ouvre le bal des froufrous et des vanités. Celui où les badauds en sweat-casquette se penchent sur les starlettes en haute couture, où Alexandra Lamy et Virginie Ledoyen s’embrassent cordialement et où Jack Lang fait encore mouche. Méconnaissable après l’énième passage d’un petit ange en blouse blanche sur un visage lissé, l’ancien ministre de la Culture tacle au passage Rachida Dati, aux abonnés absents.

Entre les éternelles égéries engagées d’Hollywood - Jane Fonda pour ne citer qu’elle -, Brigitte Fossey et Danièle Thompson se pavanent, bronzées et en pleine forme. L’incorrigible vieille garde est bien représentée.

De Lily Gladstone à Emmanuelle Béart, le public acclame actrices et activistes devenues mythes au détriment d’une Heidi Klum, passée inaperçue alors qu’est applaudi Messi, chien-mascotte d’Anatomie d’une chute, primé en 2023 en ces mêmes lieux.

Emmanuelle Béart, co-présidente de la Caméra d'or cette année. Photo Téa Ziadé/L'Orient-Le Jour

Sur les notes de Mamma Mia, la star de la soirée fait son entrée. Meryl - mother - Streep tout de blanc vêtue ne dédaigne s’approcher de la populace. Elle a quand même trois Oscars ! Et bientôt une nouvelle plaquette à mettre au-dessus de la cheminée, une Palme d’or remise par Juliette Binoche, récompensant une impressionnante carrière en plein milieu d’une cérémonie d’ouverture parfaitement oubliable, n'était-ce la présence de la maîtresse de céremonie Camille Cottin.

Au téléphone, Marwa, épuisée après plus de huit heures debout, tremble en expliquant à sa mère l’euphorie dont elle a été témoin. Si elle quitte la Croisette bredouille, sans selfie ni autographe, il n’en demeure qu’elle « a passé la meilleure journée de sa vie », confesse-t-elle en Facetime à des parents ravis, presque troublés de voir leur fille si enjouée. « J’espère qu’ils sont en sécurité, je me sens un peu coupable d’être heureuse ce soir », confesse l’apprentie festivalière. « On en arrive là, nous Libanais. À se sentir coupable d’être heureux », poursuit-elle... À 18 ans.

Assise dans un des TER matinaux reliant Nice à Cannes, Marwa affiche son anxiété. Robe fleurie et badge rose autour du cou, elle s'apprête à vivre son tout premier festival. « Je trépigne d’impatience à l'idée de, peut-être, rencontrer Meryl Streep ! », lance naïvement cette jeune Libanaise, à peine majeure. Arrivée sur la Côte d’Azur en septembre dernier pour entamer une...
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