Le second discours de Hassan Nasrallah, à l’occasion de la « Journée des martyrs » du parti, n’avait pas la même portée que le premier. Il n’a pas suscité la même attention régionale et internationale et a souvent donné le sentiment d’être une forme de répétition, dont le principal objectif était de « combler le vide » et d’envoyer plusieurs messages politiques.
Le secrétaire général du parti s’est exprimé davantage en tant que leader politique régional qu’en tant que chef de guerre et a ainsi confirmé qu’il ne souhaitait pas, au moins pour le moment, entrer dans une confrontation totale avec Israël.
D’un côté, il peut se satisfaire du fait que les bombardements israéliens sur Gaza ont un impact négatif sur l’image de l'État hébreu dans le monde occidental et que certains dirigeants occidentaux commencent à appeler à un cessez-le-feu. Il peut aussi se réjouir du fait que la riposte israélienne a largement contribué à créer une unité (de façade) entre les grandes puissances de la région. Mais de l’autre côté, il ne peut que constater que l’armée israélienne poursuit son avancée sur Gaza, malgré la pression de l’Iran et de ses alliés, et qu’il pourrait être confronté dans les prochaines semaines à un choix cornélien : intervenir avec force au risque de tout perdre ou ne rien faire et perdre la face.
Voici les sept principaux points à retenir de son discours :
- Hassan Nasrallah a évoqué le 7 octobre comme l’opération « la plus importante, la plus grande et la plus glorieuse de l’histoire de la Résistance et de la lutte de cette nation contre l’ennemi sioniste ». Si, dans son précédent discours, il avait surtout cherché à s’en distancier, il a cherché aujourd’hui à réinscrire l’attaque sanglante du Hamas dans une histoire plus longue, celle de la « Résistance » dans toute la région. Le leader du parti chiite a consacré une part importante de son discours à rappeler tout ce que le Hezbollah a « accompli » dans sa lutte contre Israël pendant des décennies, d’une part pour montrer que l’attaque du Hamas est aussi le résultat de tout cela, d’autre part pour insister sur le fait que c’est un combat de longue haleine qui ne va s’arrêter de sitôt. Autrement dit : les combattants peuvent mourir mais la cause demeure.
-Le chef du Hezbollah s’est adressé aux pays arabes à plusieurs reprises durant son discours qui se tenait au même moment que le sommet islamique et arabe à Riyad. Il est resté assez modéré, se contentant de leur demander d’adopter une position unifiée pour pousser les États-Unis à mettre un terme à cette offensive (contre Gaza) et à ces crimes ». Son précédent discours avait notamment pour objectif de tourner la page de la division sunnito-chiite qui a été au cœur de la dernière décennie dans le monde arabe. Il ne veut pas prendre le risque de perturber ce début d'unité, même extrêmement fragile, qui fait le jeu de son parrain iranien.
-Hassan Nasrallah s’est exprimé en tant que leader politique de l’ « Axe de la Résistance », mais en attribuant un rôle spécifique à chacune de ses composantes. Le combat contre les États-Unis revient ainsi au Yémen et à l’Irak, tandis que le Liban se concentre sur « l’ennemi sioniste ». Lors de son précédent discours, il s’était gardé d’évoquer le front syrien dans une volonté manifeste de « protéger » le régime Assad d’éventuelles représailles israéliennes. Aujourd’hui, il a explicité ce statut spécial. « Nous ne pouvons pas demander davantage à la Syrie » qui « subit une guerre planétaire depuis 12 ans », a-t-il dit. En plein processus de normalisation, la Syrie doit être, dans une certaine mesure, tenue à l’écart des combats, probablement sous la pression russe. A noter que la Cisjordanie a aussi été évoquée comme l’un des fronts de soutien à Gaza.
- S'il avait tout fait pour établir une distance entre l'Iran et l'attaque du 7 octobre lors de son premier discours, il a aujourd'hui affirmé que la République islamique apporte « son soutien militaire, financier et diplomatique » à la « Résistance dans la région ». Alors que la marge de manœuvre des alliés de l’Iran vis-à-vis de leur parrain fait l’objet de nombreux débats parmi les spécialistes, le chef du Hezbollah a néanmoins précisé que « Téhéran ne décide pas à la place des mouvements de Résistance, mais elle les soutient. »
- Hassan Nasrallah a parlé de « front de pression » et de « front de soutien », comme s’il souhaitait insister sur le fait que « l’Axe de la Résistance » n’est pas impliqué en première ligne dans la bataille. Cela lui laisse une marge de manœuvre pour la suite mais peut aussi lui valoir des critiques de la part de tous ceux qui attendent une plus grande participation du mouvement dans les combats actuels.
- Nous évoquions cette semaine dans un article la possibilité que le Hezbollah et l’Iran s'ouvrent à la solution aux deux Etats. Si Hassan Nasrallah a effectivement mentionné les frontières de 1967, il a cette fois-ci clairement appelé à un anéantissement total d’Israël.
-Enfin, le secrétaire général du parti a admis que les drones israéliens étaient une nouvelle donnée à laquelle le parti devait s’adapter. Celui-ci a perdu au moins 72 combattants depuis le 8 octobre. Il a affirmé que la Résistance « s’était améliorée avec l’utilisation de drones, de roquettes de type Katioucha et de missiles Bourkane qui transportent une charge entre 300 kg et 500 kg ». Revenant sur la frappe israélienne qui a tué quatre civils libanais dimanche dernier, Hassan Nasrallah a confirmé la nouvelle équation : le Hezbollah visera des civils israéliens en réponse aux civils tués côté libanais.
7 points? Ou 70 x 7 ? On les lui pardonnera tout de même... mais la destruction de la Patrie...
23 h 22, le 12 novembre 2023