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Politique - Décryptage

Lorsque Riyad reprend la main au Liban

La conférence élargie organisée samedi par l’ambassade saoudienne à Beyrouth pour « défendre Taëf » à l’occasion du 33e anniversaire de la signature de cet accord a marqué le paysage politique libanais. C’est d’ailleurs la première fois depuis novembre 1989 que cette signature est célébrée de façon aussi grandiose, et les observateurs ont relevé l’absence d’une représentation chiite de poids, tout en mettant l’accent sur le timing de la conférence, porteur de nombreux messages.

Le Hezbollah était donc le grand absent de cette conférence, alors que le président de la Chambre y a été convié en raison de sa fonction. Bien que Nabih Berry se soit fait représenter, la présence chiite à cette conférence est restée limitée. Selon des sources proches du Hezbollah (qui a suivi attentivement le déroulement de la conférence), il était clair, d’après les déclarations de l’ambassadeur d’Arabie Walid Boukhari – dans lesquelles il a mis l’accent sur le fait que toute tentative d’amender l’accord de Taëf équivaudrait à « un saut dans l’inconnu » –, que pour les Saoudiens, la menace éventuelle ne pourrait venir que du Hezbollah et, derrière lui, de l’Iran. Les mêmes sources rappellent que cette conférence s’est déroulée à un moment particulier où les relations entre le royaume wahhabite et la République islamique d’Iran sont particulièrement mauvaises. D’ailleurs, les médias saoudiens font état de craintes au sujet d’une éventuelle attaque iranienne. Le fait que l’Arabie saoudite décide soudain de célébrer en grande pompe la conclusion de l’accord de Taëf et d’adresser des avertissements à tous ceux qui voudraient le modifier peut donc être perçu comme un message direct adressé aux Iraniens et aux chiites du Liban. Or, toujours selon les milieux proches du Hezbollah, cette formation ainsi que le mouvement Amal n’ont jamais exprimé clairement une volonté de modifier les équilibres politiques consacrés par Taëf ni de changer des points de cet accord devenu Constitution du pays. La seule partie qui a évoqué clairement la possibilité d’organiser une conférence pour discuter d’un nouvel accord entre les Libanais a été le président français Emmanuel Macron, qui avait évoqué ce sujet pendant sa réunion avec les chefs de file politiques libanais lors de sa seconde visite à Beyrouth, en septembre 2020. Mais aussi bien le Hezbollah que le mouvement Amal ont à plusieurs reprises précisé qu’ils n’entendaient pas modifier l’accord de Taëf et qu’ils ne cherchaient pas à remplacer la parité entre chrétiens et musulmans qui y est reconnue par un partage en trois tiers des sièges et des fonctions. Dans ce cas, pourquoi considérer que les représentants de la communauté chiite pourraient constituer une menace pour l’accord ? Les milieux proches du Hezbollah estiment qu’il s’agit d’une manœuvre saoudienne visant à prendre Taëf pour prétexte afin de marquer l’emprise de Riyad sur le Liban. Il s’agirait pour le royaume de montrer qu’il peut, quand il le décide, isoler le Hezbollah et l’affaiblir et, à travers lui, porter un coup à la République islamique d’Iran.

Selon les milieux du parti chiite, la soudaine dégradation des relations entre Téhéran et Riyad – suite aux derniers soulèvements populaires en Iran dans lesquels le royaume wahhabite aurait joué un rôle selon les autorités iraniennes – aurait poussé Riyad à vouloir reprendre la main au Liban, après une période de retrait relatif. Les milieux proches du Hezbollah précisent toutefois que depuis quelques mois, l’Arabie saoudite a décidé de s’impliquer de nouveau sur la scène libanaise. Cela a commencé à la veille des élections législatives, lorsque les dirigeants saoudiens ont poussé leurs alliés, notamment les Forces libanaises et la Rencontre démocratique, à conclure une entente électorale. La volonté saoudienne de renforcer son influence au Liban s’est aussi traduite par les tentatives de regrouper les députés sunnites du Parlement sous la houlette de Dar el-Fatwa et, à travers cette instance, sous l’influence de Riyad. Jusqu’à présent, toutes ces tentatives n’ont pas été couronnées de succès et une partie non négligeable de la communauté sunnite continue à considérer l’ancien président du Conseil Saad Hariri comme son seul leader. À cet égard, les milieux proches du Hezbollah font remarquer que si derrière l’idée de défendre Taëf et les équilibres politiques qu’il a instaurés, il s’agit de protéger les acquis de la communauté sunnite, c’est quand même Riyad qui a frappé cette communauté en retirant son appui à Saad Hariri. Riyad a toutefois réussi à pousser les Français à ne plus parler d’un « nouveau pacte politique » entre les Libanais, selon la lecture du Hezbollah. C’est d’ailleurs ce qu’a déclaré samedi l’ambassadeur Boukhari. Tout comme ce dernier a réussi à faire échouer une tentative suisse d’organiser un dialogue entre les différentes parties politiques libanaises. Les milieux proches du Hezbollah estiment donc que l’organisation de la conférence de soutien à Taëf s’inscrit essentiellement dans cette nouvelle politique saoudienne de consolider l’emprise de Riyad sur le Liban pour contrer l’influence iranienne. En même temps, Riyad mise sur une victoire des républicains et en particulier des partisans de Donald Trump aux élections de mi-mandat aux États-Unis pour renforcer sa position et son rôle dans la région.

De leur côté, les milieux libanais prosaoudiens démentent ces considérations et précisent que l’accord de Taëf doit être protégé car il a mis un terme à la guerre au Liban et instauré un équilibre qui protège le pays. Il ne faudrait donc pas chercher d’autres interprétations.

Une question se pose toutefois : faut-il s’attendre à des troubles au Liban, sur fond de bras de fer régional entre l’Arabie saoudite et l’Iran ?

Selon des sources diplomatiques arabes et occidentales, la sécurité au Liban reste une ligne rouge, car dans le paysage international actuel particulièrement complexe, aucune partie externe ne souhaite qu’il y ait des troubles sécuritaires susceptibles de provoquer un chaos au Liban.

La conférence élargie organisée samedi par l’ambassade saoudienne à Beyrouth pour « défendre Taëf » à l’occasion du 33e anniversaire de la signature de cet accord a marqué le paysage politique libanais. C’est d’ailleurs la première fois depuis novembre 1989 que cette signature est célébrée de façon aussi grandiose, et les observateurs ont relevé l’absence...
commentaires (5)

Et que disent les chiites, Hassouna et l’Iran ?

Eleni Caridopoulou

16 h 51, le 08 novembre 2022

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Commentaires (5)

  • Et que disent les chiites, Hassouna et l’Iran ?

    Eleni Caridopoulou

    16 h 51, le 08 novembre 2022

  • Taëf a mis fin à la guerre, donc re-guerre si on en discute: argument débile. Un dialogue interlibanais sans ingérence (du type de celui proposé par la Suisse) n'est même pas envisageable. Quand la majorité de nos représentants à déjà vendu son âme au diable, c'est plus facile de faire le choix d'une ingérence externe, saoudienne ou iranienne, qui décide à notre place, au bénéfice de quelques individus et totalement au désavantage du peuple libanais toutes communautés confondues.

    N.A.

    13 h 42, le 08 novembre 2022

  • L’accord de Taef maintient des prérogatives aux chrétiens et renforce le conseil des ministres, mais pas le premier ministre sunnite comme le font croire certains. Il ne faut pas oublier que cet accord est survenu après les défaites de son principal détracteur, michel aoun. Si le CPL va poursuivre son appui á la thèse chiite des trois parts, pour se venger encore des sunnites, il mettra un point final á la présence politique des chrétiens au Liban. A surveiller, car ce qui intéresse ce parti c’est de loger à Baabda et rien d’autre. L’expèrience l’a prouvé.

    Goraieb Nada

    08 h 36, le 08 novembre 2022

  • HUM... ARTICLE NEGATIF D,UN GRAND COTE ET POSITIF D,UN PETIT COTE... MA3 GHASSA T2ILE !

    ANNULE L,ABONNEMENT. DECONNECTEZ-MOI DU JOURNAL

    08 h 35, le 08 novembre 2022

  • Puisque les lecteurs francophones ne lisent pas les organes de presse du Hezbollah, Mme Haddad est chargée de leur présenter et de leur expliquer les positions du Hezbollah et accessoirement celles du CPL. Il faut dire que ses articles qui reprennent la même réthorique en utilisant les mêmes termes de phrases toutes faites pourraient paraître instructifs mais il s’avère rapidement que c’est un tissu de contre vérités qui tente de justifier l’injustifiable

    Lecteur excédé par la censure

    02 h 57, le 08 novembre 2022

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