Attendue au tournant depuis des semaines sur plusieurs dossiers, la Banque du Liban (BDL) a été très active ces dernières 48 heures en annonçant d’abord dimanche soir les grandes lignes – encore floues – d’un mécanisme de remboursement de certains dépôts en devises, puis en publiant hier trois circulaires applicables dès aujourd’hui et dictant les nouvelles règles de fonctionnement de la plateforme de change Sayrafa. Une mesure qui continue d’amorcer le virage d’un régime de change fixe – totalement stabilisé par la Banque centrale –, que l’économie libanaise connaît depuis les années 1990, à un régime de change flottant – défini par le jeu de l’offre et de la demande. La date effective de mise en service de la plateforme n’a toutefois pas été précisée.
Initialement réservée aux agents de change, Sayrafa avait été lancée en juin 2020 pour tenter de renforcer la transparence sur ce marché où le taux dollar/livre est presque exclusivement influencé par des agents informels jusqu’ici incontrôlables. L’initiative s’était soldée par un échec, dans la mesure où presque aucun agent agréé n’a vendu de dollars depuis ce lancement au taux fixé par la BDL via Sayrafa (un taux toujours largement inférieur à celui du marché parallèle) ni aux autres conditions fixées – les dollars ne pouvaient être échangés que pour certaines transactions définies à l’avance.
À l’issue d’une nouvelle période de forte volatilité des taux en mars dernier, les autorités et la BDL se sont entendues pour demander aux banques de s’inscrire à Sayrafa pour réaliser également des opérations de change, avec l’espoir, cette fois encore, de limiter l’influence du marché parallèle. Bien qu’en apparence louable, l’initiative n’a pas été accueillie avec le plus grand optimisme par la majorité des agents économiques qui sont pénalisés par le manque actuel de visibilité et de stabilité du taux dollar/livre. Des inquiétudes qui pourraient être en partie dissipées par les trois textes publiés hier, à savoir la circulaire principale n° 157, et les intermédiaires n° 582 et n° 583, qui faisaient la navette depuis la semaine derrière entre la BDL et le ministère des Finances. Une heure avant la publication des textes, le ministère avait d’ailleurs annoncé dans un communiqué avoir « accepté de coopérer avec la Banque centrale ».
Lever le secret bancaire
La circulaire n° 157 pose les bases de la participation des banques à Sayrafa en dictant la procédure technique à suivre. Une participation a priori volontaire, rien n’indiquant que les banques sont contraintes par ces nouvelles règles, et qui relativise le fait qu’aucune limite ou plafond n’a été fixé par la BDL pour encadrer les opérations de change, comme cela avait été pressenti par des sources bancaires il y a une dizaine de jours. De fait, la question de la disponibilité des devises pour alimenter le marché reste entière alors que le pays est toujours en crise.
La BDL indique ainsi que les banques se verront chacune attribuer une adresse IP (Internet Protocole) propre qui leur permettra de se connecter sur la plateforme pour y enregistrer « de manière transparente » les opérations effectuées en indiquant : la date, la somme, le nom, la personnalité juridique (particulier ou entreprise), le numéro de téléphone, le motif de l’opération. Pour effectuer une opération de change, les particuliers devront se munir d’une « copie » d’une pièce d’identité, tandis que les entreprises devront présenter le document attestant de leur inscription au registre du commerce.Les personnes démarchant les banques doivent également « accepter de lever le secret bancaire sur l’opération » en question en signant un document attestant de sa renonciation vis-à-vis de la BDL et de la Commission de contrôle des banques (CCB). Les banques, de leur côté, devront indiquer tous les jours à l’ouverture et à la fermeture de leurs portes le solde d’espèces en livres et en devises des opérations réalisées au cours de la journée, informations qui seront vérifiées, tout comme le respect des procédures, par la CCB.
Marge de 1 %
S’agissant de l’opération de change elle-même, le texte dispose que les banques pourront récupérer des livres en espèces pour les échanger contre des devises – ou inversement – à un taux « défini (en temps réel) par l’offre et la demande ». La BDL précise aussi que les devises achetées aux banques pourront servir à « effectuer des règlements à l’étranger » ou à « être placées dans des comptes “d’argent frais” » au Liban – par opposition aux comptes de « dollars libanais », ou « lollars », dont l’accès a été restreint par les banques depuis le début de la crise.
Elle ajoute que « les clients ont la liberté » d’utiliser les devises déposées sur leurs comptes frais pour « profiter de tous les services bancaires offerts par leurs banques comme les transferts à l’étranger, les retraits d’espèces et les services de cartes bancaires au Liban et à l’étranger ». Une disposition qui semble entériner le fait que les comptes d’argent « frais » seront les seuls véritables comptes de devises dans le pays et soulève des questions sur le devenir de ceux en dollars libanais – pour lesquels la BDL a annoncé dimanche soir un mécanisme de décaissement partiel.
S’agissant du taux de change, la circulaire dispose que le taux de vente de devises ou de livres doit être au maximum supérieur de 1 % à celui appliqué pour les achats de ces mêmes monnaies au moment de la transaction. Il n’y a, en revanche, aucune mention du taux qui sera pratiqué au moment du redémarrage effectif de Sayrafa – qui jusqu’à présent relayait un taux de 3 900 livres pour un dollar environ fixé par la BDL depuis près d’un an et que cette dernière a longtemps rappelé chaque matin avant d’arrêter. Le taux du marché parallèle gravitait toujours hier autour de 12 500 livres, un niveau stable depuis des semaines.
Intervention de la BDL
La BDL annonce enfin qu’elle interviendra sur « le marché de la plateforme » pour stabiliser le « taux de change bancaire » si elle estime que cela cadre avec « ses capacités et ses intérêts ». Une mesure tout à fait habituelle dans un régime de change flottant et qui permet généralement aux banques centrales de contrer les éventuelles attaques spéculatives contre la monnaie nationale. Les fonds injectés devront être placés dans des comptes spéciaux enregistrés sous l’intitulé « caisse de stabilisation du taux de change bancaire ». Beaucoup plus brèves, les deux circulaires intermédiaires n’apportent que des précisions mineures. La circulaire n° 582 supprime la mention de « taux de la plateforme de change » dans plusieurs textes précédents pour la remplacer par « taux de 3 900 livres pour un dollar ». Cet amendement vise spécifiquement la circulaire n° 151 qui permet de retirer des dollars libanais au taux indiqué ; la n° 152 qui fixait le taux de remboursement des aides distribuées après le 4 août dernier ; et la circulaire n° 564 qui met en place le panier alimentaire élargi, permettant à la BDL de fournir des devises aux importateurs de denrées alimentaires à un taux de 3 900 livres pour un dollar.Pour finir, la circulaire n° 583 précise simplement que les agents de change devront suivre le taux fixé par la loi de « l’offre et de la demande », avec une marge autorisée de 1 % comme les banques, cette précision devant être intégrée à la circulaire principale n° 5 publiée en juin 2020 pour instituer Sayrafa.
commentaires (6)
Si on pouvait arréter de taper sur le directeur de la BDL. Tout le monde peut imaginer les salaires que lui payait la Meryll Linch et ceux que lui payait Hariri pere.Son argent est donc bien a lui . Il a ete peut etre complaisant avec des voyous, mais n'a pas volé pour son propre compte!
Marie-Hélène
19 h 25, le 11 mai 2021