![Hariri à Bkerké : Le but n’est pas de former le gouvernement « n’importe comment » Hariri à Bkerké : Le but n’est pas de former le gouvernement « n’importe comment »](https://s.lorientlejour.com/storage/attachments/1246/208131_374597.jpg/r/800/208131_374597.jpg)
Saad Hariri a réaffirmé hier, à partir de Bkerké, la nécessité des réformes pour relancer l’économie et reconstruire la capitale. Photo Dalati et Nohra
La visite du Premier ministre désigné, Saad Hariri, hier soir au siège du patriarcat maronite à Bkerké n’a pas été annoncée à l’avance, mais des informations avaient fuité le jour même à travers les médias. Dans un contexte de tensions politiques entre le leader sunnite et le président de la République Michel Aoun, qui empêchent jusque-là la formation d’un gouvernement, plus de quatre mois après la démission du cabinet de Hassane Diab, cette visite au patriarche maronite Béchara Raï revêt un intérêt tout particulier. D’autant plus que le prélat a reçu M. Hariri, accompagné de son conseiller, l’ancien ministre Ghattas Khoury, en comité restreint (avec l’ancien ministre Sejaan Azzi notamment et le vicaire patriarcal Hanna Alwane), puis l’a retenu à dîner.
Entre la réunion et le dîner, M. Hariri a fait une déclaration très courte à la presse, dans laquelle il a affirmé avoir « dit au patriarche que l’objectif n’est pas de former le gouvernement n’importe comment, ou que ce soit moi qui le préside. Le but est de mettre en œuvre des réformes, stopper l’effondrement économique et reconstruire Beyrouth ». Il a également assuré avoir présenté au patriarche la mouture qu’il avait auparavant soumise au président, « formée de spécialistes non partisans, des personnes probes et compétentes, capables de mener à bien les réformes demandées ». « Pour réaliser nos objectifs (de stopper l’effondrement et de reconstruire la capitale), il faut mettre en place ces réformes, afin de voir les fonds affluer », a-t-il ajouté.
La désignation de M. Hariri date du 22 octobre dernier. Les négociations avec le président de la République butent notamment sur la répartition des portefeuilles et la nomination des ministrables. Au cœur de cette polémique se trouve également le refus du chef du courant du Futur d’accorder le tiers de blocage au Courant patriotique libre (aouniste) et au chef de l’État. Lundi, dans un échange de communiqués acerbes, la présidence de la République et le Premier ministre désigné se sont mutuellement accusés d’être responsables du retard dans la formation du futur gouvernement. Des tensions exacerbées par l’inculpation, la semaine dernière, du Premier ministre Hassane Diab (et de trois anciens ministres) dans l’affaire de la double explosion du port de Beyrouth, par le juge d’instruction Fadi Sawan. Une mesure qui a provoqué une levée de boucliers sunnite. « Nous insistons à connaître toute la vérité sur l’affaire de l’explosion du port de Beyrouth, et dans ce contexte, personne n’est couvert ou protégé, mais dans le respect de la Constitution et des lois », a lancé Saad Hariri depuis le siège du patriarcat maronite. M. Hariri n’a répondu qu’à une question sur le principe de neutralité défendu ardemment par le patriarche, un principe dont il s’est déclaré également partisan.
Ni abandon ni récusation
Si cette visite ne suffirait pas par elle-même à relancer le processus de la formation du gouvernement, elle n’en demeure pas moins très significative. Selon des sources proches des participants à la réunion, M. Hariri aurait profité de cet aparté avec le patriarche pour lui expliquer qu’il avait fait tout ce qu’il pouvait en vue de la naissance du cabinet, dénonçant le fait que les parties politiques libanaises, si coopératives quand le président français Emmanuel Macron a présenté son initiative à Beyrouth en septembre dernier, se soient dédites par la suite, entravant ainsi le processus. Il aurait assuré que l’initiative française est le seul processus de sortie de crise qui soit actuellement disponible aux Libanais et qu’il ne comptait ni l’abandonner ni se récuser. D’où sa mouture formée de spécialistes. M. Hariri aurait également souligné que les contacts directs étaient rompus avec Baabda, mais qu’ils se poursuivaient via des intermédiaires. Toutefois, il n’aurait pas demandé au patriarche d’effectuer une initiative en ce sens.
L’autre sujet largement abordé lors de cette réunion est celui de l’enquête sur l’explosion du port : le patriarche Raï se serait insurgé contre la transformation de l’inculpation d’un Premier ministre (Hassane Diab) en une polémique politico-confessionnelle, alors même que l’ampleur de l’événement suffit à justifier la collaboration de tous avec la justice. Ce à quoi M. Hariri aurait répondu que le procédé était anticonstitutionnel, pas la décision en soi, et qu’il ne comptait couvrir personne.
Par ailleurs, selon notre correspondant politique Mounir Rabih, Saad Hariri préparait cette visite depuis longtemps, depuis les déclarations sévères du patriarche sur le retard dans la formation du gouvernement, faites au palais présidentiel le 25 novembre dernier, et qui semblaient le viser personnellement. Durant l’entretien d’hier, le Premier ministre désigné aurait expliqué au patriarche qu’il n’avait pas de différends avec les chrétiens en général, mais avec Michel Aoun et son gendre, l’ancien ministre et président du Courant patriotique libre Gebran Bassil, dont les demandes et les perpétuels changements de position, selon lui, bloquent le processus de formation du gouvernement. De son côté, le patriarche Raï l’aurait assuré que les déclarations faites à Baabda ne le visaient pas personnellement, mais avaient pour objectif de pousser vers la formation d’un gouvernement, afin de sortir le pays de l’effondrement économique et d’assurer la reconstruction de Beyrouth après l’explosion du 4 août.
Réunion de COMMERÇANTS, politique et religieux C'est ça notre Liban du future . Vive la THAOURA !!!
17 h 44, le 17 décembre 2020