Une campagne a été lancée dimanche sur les réseaux sociaux, appelant les Libanais à dénoncer la participation du ministre sortant des Affaires étrangères, Gebran Bassil, au Forum économique de Davos, estimant que celui-ci est "un ministre illégitime".
Gebran Bassil est attendu au Forum économique, événement annuel qui rassemble chaque année en Suisse chefs d’États et d'entreprises, alors que le Liban connaît depuis plus de trois mois un mouvement de contestation sans précédent contre la classe dirigeante, accusée de corruption et d'incompétence. Cette révolte populaire cible particulièrement le chef de la diplomatie. Le Forum doit s'ouvrir mardi.
Dans un sondage partagé par de nombreux activistes, 75% des Libanais sont "contre" la présence de Gebran Bassil à Davos en tant que représentant du Liban.
Being a Lebanese citizen,
— Rula El Halabi (@Rulaelhalabi) January 19, 2020
Are you with Gebran Bassil in representing Lebanon at the 2020 World Economic Forum? @WEF @DAVOS #LebanonProtests #Lebanon #LebaneseRevolution #لبنان_يثور #لبنان_ينتفض #ثورة
Des appels ont par ailleurs été lancés pour inviter les Libanais à "tweeter ou commenter sur les plateformes en ligne du Forum leur rejet et leur dégoût de voir M. Bassil accueilli comme représentant du Liban". Cet appel est accompagné de plusieurs arguments visant à discréditer le chef du Courant patriotique libre (CPL). "Gebran Bassil est un ministre illégitime dont le peuple libanais réclame la démission depuis presque cent jours. Des millions de personnes sont descendues dans la rue pour rejeter Bassil, sa corruption et ses alliances qui ont blessé le pays", commence le texte partagé notamment sur la page "Daleel Thawra".
"L'année dernière, M. Bassil a déclaré en toute confiance, lors d'un entretien sur CNN donné à Davos, qu'il peut apprendre aux États-Unis et au Royaume Uni à +gérer leur pays en l'absence d'un budget+, alors que le Liban traverse la pire crise économique et financière depuis des décennies", dénonce notamment le texte. "Des dizaines de milliers de Libanais vivent sous le seuil de pauvreté et de nombreuses familles doivent passer l'hiver sans chauffage, alors que M. Bassil voyagera dans un jet privé payé par le ministère des Affaires étrangères pour participer au Forum, et que les deniers publics sont volés et gaspillés quotidiennement" au Liban, ajoute le communiqué. Concernant la corruption, le texte rappelle que "des dizaines de poursuites judiciaires ont été engagées contre Gebran Bassil pour corruption et détournement de fonds publics".
Selon la Banque mondiale, un tiers de la population libanaise vit sous le seuil de pauvreté et les habitants pourraient sombrer dans l'indigence avec la crise. Par ailleurs, dans le dernier rapport de Transparency International (TI) publié en janvier 2019, le Liban occupe le 138e rang sur 180 pays au classement 2018 de l’indice de perception de la corruption, avec un score de 28 points sur 100, le même depuis quatre ans.
(Pour mémoire : Pourquoi Bassil est-il la cible n° 1 des mécontents ?)
Répression, taxe et électricité
Les activistes ajoutent en outre que le CPL et ses alliés "ont soutenu les attaques brutales (lancées par les forces de l'ordre, ndlr) contre des manifestants non-armés et pacifiques" et que des contestataires ont été "sauvagement battus lors de leur garde à vue, en violation flagrante des lois internationales en matière de droits de l'homme".
Au cours du week-end écoulé, la répression des manifestations a fait des centaines de blessés, certains très gravement, notamment en raison de l'utilisation de balles en caoutchouc par les agents de la brigade antiémeute.
Le texte considère par ailleurs que le mandat de M. Bassil "manque de légitimité". "En tant que ministre et président d'un des partis les plus importants, il n'a montré aucune volonté de mettre en place des réformes, bien au contraire". Le communiqué condamne notamment l'imposition "injustifiable" d'une taxe de 2% sur les importations en provenance de l'Union européenne, qui a porté un coup à l'accord commercial entre Beyrouth et l'UE, désormais suspendu. "Pendant les douze dernières années, le parti de Gebran Bassil a été en charge du portefeuille de l’Énergie", et donc de la gestion du secteur de l'électricité, un secteur qui contribue à hauteur de 40% à la dette de l’État, "alors que l'approvisionnement s'est graduellement réduit, avec une augmentation drastique des coupures de courant au cours de l'année écoulée.
En conclusion, Gebran Bassil "ne devrait pas parler au nom des Libanais" à Davos, souligne le texte. "Il ne faut pas lui donner une plateforme légitime lui permettant de consolider son pouvoir et de parler au nom d'une nation qui l'a rejeté et l'accuse de corruption". Et d'appeler le Forum économique mondial à "reconsidérer l'invitation" du ministre sortant.
"Un pyromane à une réunion de lutte contre les incendies"
Plusieurs militants ont en outre ironisé sur le fait que M. Bassil est invité, à Davos, à participer jeudi à une conférence sur "Le retour des soulèvements dans les pays arabes". Selon la description de l'événement dans le programme du Forum, le panel devra discuter de la façon dont "le nouveau réveil" des populations du monde arabe pourra "se traduire dans un plan de route concret permettant d'amener des changements positifs et d'éviter les obstacles".
"Inviter Gebran Bassil à s'exprimer sur les soulèvements dans le monde arabe, c'est comme inviter un pyromane à un panel sur la lutte contre les incendies", a critiqué l'internaute Moustapha Hamaoui. Et de souligner : "On sait maintenant qu'aucun gouvernement ne sera formé jusqu'à ce que son excellence rentre de Davos".
Calling Gebran Bassil to a Panel on Arab Unrest is like calling an arsonist to a panel on Firefighting... And plus you know that they won't form a government until his excellency returns from Davos... https://t.co/qzPp2btGga
— Mustapha Hamoui (@Beirutspring) January 20, 2020
Pour mémoire
Ces petites phrases de Gebran Bassil qui ont engendré des polémiques
commentaires (30)
J'ai signe la pétition sur WhatsApp contre Bassil
Eleni Caridopoulou
16 h 49, le 21 janvier 2020