Des prédicateurs musulmans, dont Qaradaoui, interdits de territoire français

Certains prédicateurs musulmans invités à participer à un rassemblement organisé par l'Union des organisations islamiques de France (UOIF) début avril seront interdits de séjour en France, a déclaré lundi Nicolas Sarkozy sur France Info.

"J'ai indiqué que ne seraient pas les bienvenus sur le territoire de la République un certain nombre de gens qui avaient été invités à ce congrès et qui tiennent, ou qui voulaient tenir des discours qui ne sont pas compatibles avec l'idéal républicain", a déclaré le président-candidat.

Parmi eux, Youssef Al-Qaradaoui, 86 ans, considéré comme l'un des plus influents prédicateurs de l'islam sunnite grâce à ses apparitions sur Al-Jazira et sur le site IslamOnline.

"J'ai indiqué à l'émir du Qatar lui-même que ce monsieur n'était pas le bienvenu sur le territoire de la République française", a dit le président français.

D'origine égyptienne, Youssef Al-Qaradaoui a la nationalité qatarie et est titulaire d'un passeport diplomatique. Il a quitté l'Egypte dans les années 1960 après avoir été emprisonné par le régime de l'ancien président Gamal Abdel Nasser qui a sévi contre les Frères musulmans.

"Nous nous étonnons et nous reprochons à la France son refus d'accorder un visa à cheikh Youssef al-Qaradaoui alors qu'il est un ouléma modéré qui a contribué à débarrasser les concepts islamiques de l'extrémisme", a déclaré à l'AFP cheikh Ali Kardaghi, secrétaire général de l'union mondiale des oulémas musulmans présidé par Qaradaoui. Il a en outre affirmé que son organisation "condamne avec force l'agression terroriste de Toulouse".

Youssef Al-Qaradaoui, 86 ans, considéré comme

l'un des plus influents prédicateurs de l'islam sunnite,

est interdit de passage en France. Photo AFP

La décision de M. Sarkozy intervient en effet quatre jours après la mort de Mohamed Merah, Français d'origine algérienne âgé de 23 ans ayant revendiqué l’assassinat de sept personnes, trois enfants et leur enseignant juif ainsi que trois militaires d’origine maghrébine entre le 11 et le 19 mars dans la région de Toulouse (sud de la France). Avant d'être abattu lors d'un assaut de la police contre l’appartement dans lequel il s’était retranché pendant une trentaine d’heure, le tueur au parcours de délinquant reconverti en moujahid, s'était réclamé d'el-Qaëda.

Après le raid et la mort de Merah, Nicolas Sarkozy avait annoncé jeudi un renforcement de l'arsenal pénal destiné à lutter contre l'apologie du terrorisme et des idéologies "de haine", dont la restriction de l'accès à certains sites internet.

L’affaire Merah était également au cœur des derniers discours de Marine le Pen, candidate du Front National (extrême droite), à la présidentielle française. Dimanche, lors d'un meeting près de Nantes, Marine Le Pen, très virulente, a fait feu de tout bois sur l'insécurité et l'immigration.

A un mois de la présidentielle, et alors qu'elle connaît un tassement dans les sondages (de 13 à 17% des intentions de vote), la candidate du FN à l'Elysée est convaincue que les thèmes fétiches du parti d'extrême droite vont occuper les débats jusqu'au scrutin.

"Ce qui s'est passé n'est pas l'affaire de la folie d'un homme, ce qui s'est passé est le début de l'avancée du fascisme vert dans notre pays", a-t-elle lancé dimanche. "Mohamed Merah n'est peut-être que la partie émergée de l'iceberg", a poursuivi Marine Le Pen, agitant le spectre de quartiers entiers soumis aux lois de la "drogue" et de "l'islam radical", "conséquence de l'immigration de masse".

Le tueur voulait mettre la France à genoux, selon les propos rapportés par Claude Guéant ? "Je mettrai l'islam radical à genoux !", a répondu la candidate du FN à l'Elysée, qui a utilisé le mot de "gangrène".

Parmi ces propositions, l'interdiction des signes religieux ostentatoires pour les usagers des services publics - "trains" inclus - des "prêches systématiquement surveillés dans les mosquées", et les "prosélytes de toute sorte placés sur écoute".

"Combien de Mohamed Merah dans les bateaux, les avions, qui chaque jour arrivent en France remplis d'immigrés ?", "combien de Mohamed Merah parmi les enfants de ces immigrés non-assimilés ?", a-t-elle aussi demandé.

Rejetant l’amalgame fait par Marine le Pen entre immigration et terrorisme, l’éditorialiste Jean-Michel Helvig rappelait, ce matin, dans La République des Pyrénées, que "le tueur de Toulouse était né en France et avait la nationalité française, il a même tenté de s'enrôler dans l'armée d'ici d'où il a été écarté. Quatre de ses victimes, d'origine maghrébine, étaient eux des militaires à part entière. Marine Le Pen leur aurait-elle refusé de porter l'uniforme du pays dans lequel ils étaient nés ?".

"Presque tous les candidats à la présidentielle avaient assuré qu'ils ne chercheraient en rien à exploiter politiquement les tragédies de Toulouse et Montauban... La palme de la récupération revient sans surprise à Marine Le Pen qui hausse constamment le ton contre une immigration +incontrôlée+ générant de dangereux adeptes du +fascisme islamique+ à l'image de Mohamed Merah", renchérissait Dominique Garraud, dans La Charente Libre.

"Et Nicolas Sarkozy n'est pas en reste, qui se pose en président protecteur de la France et de l'honneur de la police, poursuit M. Garraud. L'équipée sanglante d'un tueur djihadiste a fourni au président-candidat une boussole inattendue pour guider son parcours de reconquête de l'Elysée via des chemins sécuritaires qui lui avaient si bien réussi en 2007".

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